« J’ai beaucoup à dire sur le marché des crypto-monnaies », a déclaré Roy Niederhoffer.
C’était il y a 16 ans. À l’époque, j’étais gestionnaire de hedge funds.
Dix ans plus tôt, Roy Niederhoffer travaillait aussi pour son frère. Et il a beaucoup mieux réussi que moi. Il a créé un hedge fund d’un milliard de dollars, R. G. Niederhoffer Capital Management.
Et maintenant, c’est un super investisseur.
Il connaît l’histoire des marchés, il sait ce qui a changé et ce qu’il faut suivre. C’est pourquoi je me devais de l’inviter à mon podcast, afin qu’il me parle de ses stratégies.
De la façon dont il a accumulé sa richesse.
Je vais vous dire ce que j’ai appris.
Mais d’abord, vous devez comprendre à quel point Roy Niederhoffer est intelligent.
Le salaire de Roy comptait six chiffres… quand il était adolescent. C’était en 1979.
Cela signifie qu’il a lancé sa première entreprise alors qu’il n’avait que 13 ans.
Il a levé du capital-risque par le biais de ses professeurs.
Il vendait chaque action 25 $. Et il a réuni 2 000 $ pour lancer son entreprise. C’était une société de programmation informatique. Ils faisaient des jeux vidéo. Et en l’espace de quelques années, l’entreprise comptait une trentaine d’employés.
« J’ai utilisé cet argent pour payer mes études », a-t-il dit.
Il a étudié les neurosciences à Harvard. Et il a obtenu une mention honorifique.
« Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans l’investissement ? »
Cela semblait étrange parce que sa thèse universitaire portait sur la musique et l’activité électrique à l’intérieur du cerveau.
Il m’a expliqué pourquoi il est passé de neuroscientifique à investisseur. À cause d’une femme.
« Puis-je raconter une histoire ? », m’a-t-il dit.
« Oui, bien sûr.
— Une fille vivait en face de chez moi. Elle était très belle et un jour, alors que je me trouvais à un concert et qu’on jouait la 9e Symphonie de Beethoven, elle s’est assise à côté de moi. Je me suis tourné vers elle et lui ai dit : ‘Avez-vous déjà assisté à un tel concert ? En direct ?’ Elle m’a répondu : ‘Je crois que je n’ai jamais entendu cette symphonie du tout.’ »
Roy a continué en disant que cette réflexion l’avait frappé.
Il a pensé : qu’a-t-elle ressenti en entendant ce qui est peut-être la plus grande oeuvre musicale jamais écrite pour la première fois, en direct, au Symphony Hall ?
Il a fini par faire sa thèse là-dessus.
« Et j’étais prêt à en faire ma carrière…
— En tant qu’universitaire ?
— Oui, j’ai postulé à Cambridge, j’y suis entré, je voulais proposer un projet pour un instrument de musique que l’on pouvait contrôler directement avec son cerveau.
— Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
— J’ai été admis à Cambridge, mais ils n’ont pas financé le projet. »
Il avait donc le choix.
Roy Niederhoffer pouvait s’endetter et faire ses recherches OU accepter une offre d’emploi de son frère, Victor, en tant que trader.
Il a accepté l’offre de Victor.
Trois semaines plus tard, les marchés du monde entier se sont effondrés.
C’était le 19 octobre 1987.
Lundi noir.
« J’ai vu le gars le plus brillant que j’aie jamais rencontré faire faillite en une matinée. »
Si cela m’était arrivé, si j’avais vu tout mon patrimoine et toute la richesse du monde s’effondrer autour de moi en temps réel, j’aurais tout vendu. Je me serais retiré du marché le plus vite possible.
Et j’aurais tout perdu. Et j’aurais regardé le marché se remettre, les bras croisés.
J’aurais été le plus grand perdant.
Puis, Roy m’a dit quelque chose d’essentiel.
En matière de trading, les « instincts » ne fournissent que des mauvaises informations.
Il a poursuivi : « Généralement, lorsque les marchés sont très volatils, les gens négocient de façon instinctive et non rationnelle. Mes années d’études en neurosciences à Harvard m’ont permis d’arriver à cette conclusion. Les choses que j’y ai apprises ont soudainement commencé à prendre sens dans notre stratégie commerciale. »
Je l’ai questionné sur ses systèmes.
Et il a répondu : « Il se passe beaucoup de choses, mais l’idée essentielle est que les fluctuations du marché déclencheront des préjugés d’ordre cognitif chez les acteurs. »
Il m’a donné quelques exemples de ces biais cognitifs :
- des choses comme l’entente consensuelle (c’est-à-dire vouloir faire ce que tout le monde autour de vous fait) ;
- ou l’aversion pour les pertes, qui est une position très répandue chez les gens lorsque quelqu’un perd de grosses sommes très rapidement. C’est douloureux parce que chacun d’entre nous déteste bien plus perdre que ce qu’il aime gagner.
Roy Niederhoffer m’a expliqué sa stratégie de trading :
« Nous essayons de créer des règles basées sur des préjugés cognitifs bien connus qui se manifestent dans de nombreux aspects du comportement humain, dans la vie ou le trading. Ainsi, notre stratégie tend fonctionner de façon optimale lors les périodes au cours desquelles les personnes sont sujettes à ces préjugés, lorsqu’elles sont victimes d’un comportement instinctif, c’est-à-dire lorsque leurs émotions sont au plus fort. »
Et aujourd’hui, tout est question d’émotion. Le président fonctionne aux émotions. Les médias fonctionnent aux émotions. Et chacun d’entre nous examine les émotions des autres. Et le marché réagit.
Donc Roy observe vos émotions + le marché et négocie en allant à l’encontre de ses instincts.
L’idée est que le comportement irrationnel conduit finalement à un comportement rationnel. Et la stratégie de Roy est de modéliser ce comportement.
Et il le fait sur tous les marchés.
« L’idée est qu’il s’agit là de facteurs humains universels. Ce n’est pas seulement vrai sur le marché obligataire ou le marché du soja.
— Pouvez-vous donner un exemple de stratégie intéressante ? ai-je demandé. Quelle est votre position sur les crypto-monnaies ?
Il a commencé à me donner une leçon d’histoire.
« Ne vous inquiétez pas, on va y revenir », a-t-il dit.
Il m’a parlé des gouvernements qui ont dévalué l’argent.
« Je me souviens que j’étais au Zimbabwe en 2007 et que l’on m’a donné des billets de 100 000 milliards de dollars comme monnaie pour mon déjeuner. »
C’est pourquoi nous avons besoin de crypto-monnaies.
L’offre en crypto-monnaies est fixe. Contrairement au dollar. Et le gouvernement a des raisons d’en imprimer davantage. Ce qui le dévalorise.
« Le vice des gouvernements consiste à émettre de l’argent, a continué Roy. Et je crois que nous avons promis 120 milliards de dollars notre peuple mais que nous ne les avons pas. Ces ‘promesses’ correspondent à des choses comme la Sécurité sociale. Je crois que le gouvernement américain va imprimer de l’argent pour respecter ces obligations. »
Historiquement, lorsque l’argent est dévalué, les nations sont menacées (et peut-être même en voie d’extinction).
Exemple 1 : l’Empire romain
En l’année zéro (0), un denier pouvait permettre à un soldat de se payer quelques verres ; 240 ans plus tard, le même denier ne contenait plus que 0,05% d’argent. Il avait été dévalué de 99,95%.
La Fed imprime de l’argent. On a ici la version Empire romain de la chose. La quantité d’argent dans chaque denier diminuait. Et, en ce moment même, la même chose se produit au Venezuela et en Iran.
« Pensez-vous que l’Empire romain n’aurait pas été décimé si l’argent n’avait pas été dévalué ? », ai-je demandé.
« Je ne suis pas spécialiste, mais j’y mettrai ma main à couper, a déclaré Roy. Les gouvernements dévalorisent en permanence. Sauf si l’approvisionnement est fixe. La raison pour laquelle le Bitcoin est différent de toute autre monnaie jamais créée, c’est que son système d’écho financier est aussi robuste et puissant qu’une monnaie fiduciaire. »
Exemple 2 : les États-Unis
Année 1900.
Vous êtes à New York et vous avez un rencard. À l’époque, tout le monde allait dans les bars à huîtres. Il y en avait des centaines.
« Vous pouviez manger autant d’huîtres que vous le vouliez. Et c’étaient de grosses huîtres, de la taille d’une assiette. Sans compter la bière, qui ne vous coûtait que 5 cents. Aujourd’hui, la même chose vous coûterait peut-être 100 $. »
En 120 ans, on a assisté à une dévaluation de 99,9%.
Roy Niederhoffer a découvert les crypto-monnaies en 2011 et, selon lui :
« C’est la solution au grand tort des monnaies fiduciaires et même des monnaies adossées à des actifs comme le denier à Rome. »
La question est de savoir à qui vous faites confiance. Au gouvernement ou à un logiciel ?
Qui est le moins sensible ?
Nous avons passé les 20 à 30 dernières minutes de l’entretien à discuter crypto. Et je pourrais continuer, encore et encore, à vous parler de tout ce qu’il m’a appris. Mais je suis parvenu à une conclusion majeure…
La diversification réduit les chances de mésaventures.
Et c’est probablement la raison pour laquelle je ne gère plus de fonds spéculatifs. Cela impliquait trop le côté émotionnel. Le côté instinctif.
À présent, je peux négocier en allant à l’encontre de mes instincts dans tout ce que je fais.