Si vous êtes comme moi, vous avez peut-être besoin de faire un point sur ce qu’il s’est passé en Suisse hier.
Pourquoi les marchés ont autant réagi à un simple communiqué émis par la Banque de Suisse ?
Pourquoi les grands patrons suisses se sont-ils succédés aux micros de chaînes d’info pour crier leur inquiétude ?
Pourquoi des travailleurs frontaliers ont-ils soudain décidé de prendre leur après-midi pour aller faire du shopping ?
Pour comprendre l’importance de cette décision, il faut remonter en septembre 2011.
- Le taux plancher de 2011 vole en éclat
En pleine crise de la Zone euro, la Suisse voit sa monnaie servir de valeur refuge pour des milliers d’investisseurs. Pour limiter la hausse vertigineuse du franc suisse contre l’euro, la Banque nationale suisse (BNS) décide alors de fixer un cours plancher : 1,20 franc pour un euro.
Comment s’y prend-elle prise pour arriver à ses fins ?
Voici ce que nous dit Isabelle Mouilleseaux :
« Depuis des mois et des mois, la banque nationale suisse (BNS) imprime massivement de la monnaie pour lutter contre l’appréciation de sa monnaie contre euro. Elle imprime des francs suisses, puis les vend sur le marché des devises contre euro qu’elle achète massivement (en achetant notamment de l’obligation souveraine française. Et oui, nous sommes les premiers bénéficiaires des manipulations monétaires suisses !).
La banque a unilatéralement décidé que le franc suisse ne devait pas valoir moins de 1,20 pour 1 € alors même que les fondamentaux économiques plaident pour un franc suisse fort (donc inférieur à 1,20). En clair et sans décodeur : la BNS manipule les marchés et lutte contre la réalité économique depuis des mois pour maintenir le franc suisse à 1,20.
Mais aujourd’hui, son bilan est saturé. Et la BCE est sur le point de dégainer un quantitative easing massif qui fait littéralement s’effondrer l’euro, euro dont la trajectoire continuera de piquer du nez.
Conséquence : la BNS est à bout de souffle. Non seulement, elle lutte contre les forces de marchés et les fondamentaux de l’économie suisse, mais en plus, elle va devoir bientôt affronter un nouvel acteur encore plus puissant : Draghi aux manettes de la BCE, prêt lui aussi à entrer dans la guerre des devises avec son quantitative easing à l’européenne.
Comme la Banque centrale russe il y a peu, la BNS a les reins cassés. Elle n’est plus de taille. Impossible de lutter seule contre tous. Elle jette l’éponge.
La réalité reprend donc le dessus…
Conséquence immédiate :
- le franc suisse a gagné jusqu’à 40% dans la journée contre l’euro. 40% !
- L’once d’or en euro lui a emboité le pas en bondissant de 1 043€ à 1 090€.
- La bourse suisse s’effondre. « UBS et Crédit suisse cédaient respectivement plus de 13% et 14% dans un indice SMI qui dévissait de 9,7% à 13h27 jeudi 15 janvier. Du jamais vu depuis 2008 » écrit Simone Wapler dans l’Investisseur Or & matières.
La Suisse est actuellement un laboratoire…
Nous sommes en train d’assister aux conséquences qui peuvent surgir lorsque le monde de la finance, actuellement totalement déconnecté de la réalité à force de manipulations monétaires, se reconnecte aux fondamentaux économiques. La réalité reprend le dessus, violemment.
Comme dit l’adage : Chassez le naturel, il revient au galop…
Reste à savoir ce qu’il se passera lorsque les FED, BCE, BoJ (banque du Japon) et BoE (banque d’Angleterre) cesseront à leur tour leurs manipulations monétaires… car là, par rapport à la BNS, nous sommes dans une autre dimension ! »
- Et pour vous ?
Les produits helvètes (montres suisses, bijouterie…) vont voir leur prix s’apprécier fortement pour les étrangers que nous sommes. Car, à l’export, le prix d’une Swatch s’est soudainement apprécié de 30 % hier. A tel point que pour UBS, la banque suisse, les exportations diminueraient de 5 milliards de francs suisses et que la croissance de l’économie helvétique subirait un contrecoup violent…
Les grands gagnants sont les personnes habitant en France et travaillant en Suisse qui ont vu, par simple effet de change, leur revenu progressé en quelques minutes de 30% ! Si vous en faites partie, champagne !
Et bien entendu, pour les fans de ski, vous éviterez d’aller skier en Suisse où le coût de la vie vient de s’envoler presque instantanément.