Ne paniquez pas.
C’est le conseil que je vous donne alors qu’un indicateur de marché fiable nous signale qu’une récession est imminente.
Bon, je ne dis pas qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
Mais nous ne vendons jamais sous prétexte que tous les autres le font.
Commençons par un petit cours rapide sur les taux de rendement obligataires.
Des signes de difficultés financières surgissent de toutes parts dans le monde. Wall Street est particulièrement inquiet en ce qui concerne le marché obligataire.
Les investisseurs moyens ne se soucient pas souvent des obligations, contrairement aux analystes qui s’en préoccupent énormément.
En effet, les obligations comptent parmi les investissements les plus sûrs qui soient, notamment celles qui sont émises par les Etats et les sociétés solidement établies. Alors elles agissent comme un baromètre reflétant le sentiment et les comportements des investisseurs.
Lorsque les investisseurs et les institutions se précipitent massivement sur les obligations, c’est peut-être le signe que la situation va bientôt dégénérer.
Pour surveiller cela, on observe les rendements obligataires.
Lorsque vous achetez une obligation, vous savez exactement ce que va vous rapporter votre investissement. Et vous connaissez exactement le montant de votre rendement. Ces chiffres sont fixes, fondamentalement, sauf si quelque chose de terrible se produit.
Mais le cours auquel les investisseurs achètent une obligation est fonction de l’offre et de la demande, ce qui veut dire que cela change en fonction du volume des ordres d’achat et de vente.
Les rendements évoluent à mesure que les cours évoluent. Lorsque les cours obligataires chutent, les rendements obligataires augmentent. Lorsque les cours obligataires augmentent, les rendements obligataires chutent.
Cela peut paraître compliqué, mais c’est exactement ce qui se passe avec le rendement d’une action.
Disons que vous achetez une action au cours de 10 $ et qu’elle rapporte un dividende annuel de 1 $. Vous obtenez un rendement de 10% sur votre investissement.
Mais si le cours de cette action augmente et passe à 11 $ alors que le dividende reste le même, votre rendement tombe à 9,1%. Si l’action passe à 15 $, alors le rendement tombe à 6,7%.
En gros, c’est ce qui se passe en ce moment sur le marché obligataire… sauf que cela se passe dans une proportion effrayante.
Bienvenue dans un monde inversé
Dans certaines régions du monde, la demande en faveur d’obligations refuges a poussé les rendements vers des plus-bas extrêmes.
Un nombre curieusement élevé d’obligations offre même des rendements négatifs, ce qui veut dire que les investisseurs acceptent automatiquement le fait qu’ils vont perdre de l’argent sur ces obligations.
Pour comparer avec les actions, reprenez l’action que vous achetez 10 $ et qui vous rapporte un dividende de 1 $ par an.
A présent, disons que vous savez que cette société va être rachetée dans deux ans, à 6 $ l’action, quoi qu’il arrive, et qu’elle ne va pas augmenter son dividende d’ici là.
Si l’on se projette 2 ans plus tard, vous clôturez votre investissement et vous récupérez 8 $ : 2 $ de dividendes plus les 6 $ reçus en paiement de vos actions. Vous avez donc perdu de l’argent sur les 10 $ initialement investis.
La question de savoir pourquoi des institutions et des investisseurs achètent des obligations en étant sûrs de perdre de l’argent est un peu compliquée. Mais, de toute évidence, cela n’annonce rien de bon pour leurs résultats financiers.
Et ce qui a réellement effrayé Wall Street, c’est la situation dans laquelle se trouvent les obligations d’Etat américaines.
Les obligations d’Etat américaines (bons du Trésor) sont considérées comme les plus sûres que l’on puisse acheter. Même si leurs rendements ont chuté, ils sont encore positifs, ce qui veut dire que les investisseurs peuvent les acheter puis espérer que cela leur rapporte de l’argent.
Mais, normalement, les rendements des bons du Trésor américains à maturité longue sont plus élevés que les rendements des bons du Trésor à maturité courte. En gros, plus le gouvernement américain conserve l’argent des investisseurs longtemps, plus les investisseurs veulent être payés en retour.
Mais pas plus tard qu’en début de semaine, le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans a chuté au-dessous de celui du bon du Trésor américain à 2 ans. Cela signifie que les investisseurs ne voient pas d’inconvénient à percevoir moins d’argent pour que le gouvernement conserve leur argent sur une longue période.
C’est ce que l’on appelle une « inversion de la courbe des rendements », situation dans laquelle le fait de détenir des bons du Trésor à maturité longue rapporte moins que détenir des bons du trésor à maturité courte. C’est le signe que les investisseurs sont très pessimistes concernant l’avenir immédiat des marchés.
Cela ne s’est produit qu’à quelques reprises, ces 50 dernières années. Et à chaque fois, l’économie américaine a ensuite plongé dans une récession.
Regardez :
Une inversion de la courbe des rendements précède toujours une récession
Rendement à 10 ans moins rendement à 2 ans (%)
Aïe !
Sérieusement, ne paniquez pas
J’aimerais bien vous dire que ce sera différent, cette fois, et qu’il y a une bonne raison de croire que cet indicateur envoie un faux signal.
Et, à vrai dire, une grande partie des problèmes économiques du monde semble très artificielle, à l’heure actuelle.
Par exemple, la ligne dure adoptée par le président Trump, dans le domaine du commerce, a d’abord provoqué de l’incertitude, puis carrément de la misère, dans certaines régions du monde.
En concluant des accords avec nos partenaires commerciaux, on pourrait fortement améliorer la situation.
Mais il est également probable que ces problèmes ont désormais franchi le seuil de l’irréparable. Alors, pour nous protéger, nous devons envisager ce qui se produira si le monde s’oriente vers une récession.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons un peu de temps. Regardons à nouveau le graphique.
Oui, une récession suit toujours une inversion, mais pas immédiatement. Souvent, une récession n’apparaît pas avant des mois – voire même des années, parfois – suivant l’inversion de la courbe des rendements.
Alors il n’y a aucune raison de réfléchir dans la précipitation.
L’important est de se constituer un portefeuille garni d’entreprises assez solides pour survivre à une récession. La panique peut faire baisser les cours de leurs actions mais elles continueront à fonctionner et à gagner de l’argent, tout en versant un dividende au passage.
Dans le Nouveau Rentier, nous surveillons de près le moindre titre susceptible de satisfaire à ces exigences. La question clé n’est donc pas de savoir jusqu’où une action peut baisser mais plutôt si le versement des dividendes reste assuré.