L’économie va-t-elle entrer en récession en 2019 ?
AUCUNE CHANCE !
Dans cet article, je vais vous expliquer pourquoi, ce que je pense des contre-arguments, et je vais vous dire ce que vous devriez faire dans la situation actuelle.
Une récession et un marché baissier sont deux choses différentes. Les analystes considèrent généralement que l’on se trouve dans un marché baissier à partir du moment où les indices boursiers ont perdu plus de 20% par rapport à leurs plus-hauts.
Une récession est définie comme une baisse du PIB sur deux trimestres consécutifs au minimum.
Cela implique que les entreprises et les consommateurs réduisent leurs achats et que le chômage repart à la hausse.
Toutes les récessions partagent la même origine : une innovation financière devenue incontrôlable. Les récessions aux États-Unis se produisent systématiquement lorsque des innovations financières échappent à tout contrôle.
Au départ, quelqu’un à Wall Street trouve une nouvelle idée pour faire de l’argent. Ensuite, les profits s’accumulent (envoyant les marchés à de nouveau plus-hauts), et l’avidité de Wall Street ne fait qu’empirer. Enfin, le système s’écroule, entraînant une récession économique.
ÉTUDE DE CAS DES TROIS DERNIÈRES RÉCESSIONS
2009 : LA GRANDE CRISE ÉCONOMIQUE MONDIALE
Les titres adossés à des prêts hypothécaires étaient une véritable machine à faire de l’argent pour les fonds d’investissements et les banques au milieu des années 2000.
Les banques portaient dans leurs bilans des portefeuilles de prêts hypothécaires tellement importants qu’un défaut sur à peine 1% de ces dettes était suffisant pour entraîner leur faillite (et c’est exactement ce qui s’est passé).
(Je laisse de côté ici les changements réglementaires qui ont eu lieu avant la crise concernant la façon dont les banques sont autorisées à évaluer dans leurs bilans les créances qu’elles possèdent, ce qui a amplifié la récession, mais je ne pense pas que ce soit un élément essentiel.)
Dette publique et privée en % du PIB. La dette américaine a atteint des niveaux INSENSÉS lors de la grande crise de 2008.
La crise de 2008 n’était PAS une crise du marché immobilier. N’oubliez pas que les prix de l’immobilier avaient déjà commencé à baisser en 2006, deux ans avant la faillite de Lehman Brothers.
Il s’agit de l’archétype d’une crise causée par l’émergence d’un NOUVEL INSTRUMENT FINANCIER qui a poussé Wall Street à « sombrer dans une avidité folle ». Nous allons voir qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.
2001 : L’EXPLOSION DE LA BULLE DES IPO (INTRODUCTIONS EN BOURSE) ET LE SCANDALE ENRON
À cette époque, Wall Street avait identifié deux nouvelles opportunités pour faire de l’argent : l’introduction en Bourse de start-ups Internet qui ne réalisaient aucun bénéfice, et la dérégulation du marché de l’énergie, ouvrant la voie à la vente de nouveaux produits dérivés.
1999 a été une année record pour les introductions en Bourse. Plus de 70 milliards de dollars ont été levés au travers d’IPO pour des entreprises qui ne réalisaient quasiment aucun bénéfice.
Ce n’était pas une « bulle Internet ». Internet représentait un marché 1 000 fois plus large. C’était une bulle des IPO.
Encore une fois, Wall Street a « sombré dans une avidité folle ».
Nombre d’introductions en Bourse par année. De nombreux canards boiteux ont été introduits en Bourse en 2000. La plupart de ces entreprises ont aujourd’hui disparu.
J’étais au centre de cette bulle. Au mois de février de l’an 2000, j’ai créé une entreprise de développement de logiciels. À peine deux mois après, j’avais reçu la visite de Goldman Sachs, Morgan Stanley, Merrill Lynch et CS First Boston, ils voulaient tous me convaincre de les laisser introduire mon entreprise en Bourse.
Le cœur de leur argumentaire de vente était la valorisation potentielle de mon entreprise si je l’introduisais en Bourse. Plus d’un milliard de dollars ! Pour une entreprise qui ne réalisait aucun chiffre d’affaires. Incroyable, et je n’avais aucune idée de la façon dont on allait rentabiliser cette entreprise.
Et BOOM ! Tout s’est écroulé.
Je ne vais pas chercher à vous expliquer en quoi consistait la dérégulation du marché de l’électricité, et comment elle a quasiment entraîné l’effondrement du réseau électrique et du système financier au début des années 2000 (regardez par exemple ce qui est arrivé en Californie).
Bien entendu, Wall Street a réussi à faire beaucoup d’argent avant que des régulations soient rétablies pour éviter les excès.
La récession de 2001 a été l’une des moins brutales de l’histoire (en partie parce qu’Internet n’était encore qu’une petite partie de l’économie américaine et que l’électricité restait un besoin vital).
Et ceci malgré le 11 septembre et le début des guerres en Afghanistan et en Irak.
En fait, les actions de « bon père de famille » (les titres d’entreprises générant des bénéfices confortables et s’échangeant sur la base de ratios de valorisation relativement faibles) se sont même appréciées durant la récession.
Donc pour résumer la crise de 2001 : de nouvelles guerres + une innovation financière devenue incontrôlable.
LA RÉCESSION DE 1990
- Un choc pétrolier (provoqué par l’intervention militaire américaine au Moyen-Orient).
- Les obligations pourries (également appelées obligations à haut rendement, une autre innovation financière venue de Wall Street, lorsque le financier Michael Milken pensa qu’il pourrait être lucratif de réaliser des prêts à des entreprises présentant un risque de crédit élevé en échange de taux d’intérêt supérieurs à la moyenne).
Les grandes banques (ainsi que les banques de dépôt régionales corrompues) ont ainsi « sombré dans une avidité folle », acceptant d’octroyer des prêts à des entreprises à très haut risque, jusqu’à ce que tout s’écroule lorsque la corruption et les défauts alarmants sur les créances pourries se sont combinées pour entraîner l’effondrement du marché des obligations à haut rendement.
Ici aussi, la crise a surgi dans un contexte de guerre combiné à une innovation financière.
LA CRISE DE 1980-82
- Un choc pétrolier provoqué par la révolution iranienne. À cette époque, le pétrole avait un impact beaucoup plus important sur l’économie (nous n’avions pas de véhicules hybrides).
- Une inflation élevée depuis le début des années 70 suite à l’abandon de l’étalon-or.
En gris : périodes de récession. En rouge : coût de la consommation de pétrole rapporté au PIB. Les prix du pétrole ont connu un pic en 1975, puis en 1980 dans le contexte du conflit iranien, précisément au moment où l’économie américaine était la plus fortement dépendante du pétrole étranger, notamment en raison de l’arrêt des recherches de nouveaux puits sur le territoire américain.
Donc ici aussi : une guerre + une innovation financière (en l’occurrence, l’abandon de l’étalon-or au profit d’une monnaie purement fiduciaire).
Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement a joué un rôle-clef.
La Réserve Fédérale a augmenté drastiquement les taux d’intérêt afin de freiner l’inflation galopante. Ils étaient terrifiés et ils n’avaient que cet outil à leur disposition.
La Fed a augmenté les taux d’intérêt à 18,5% (contre seulement 2,25% à l’heure actuelle).
Lorsque les taux d’intérêt atteignent un niveau aussi élevé, les entreprises ne peuvent plus emprunter pour investir dans de nouveaux projets et embaucher.
Les créations d’emplois ont donc diminué (le taux de chômage a atteint quasiment 11%, contre 3,9% à présent), entraînant une réduction des dépenses de consommation et de la demande, l’économie est donc entrée en contraction.
Donc : une guerre + l’utilisation par la Fed du levier des taux d’intérêt comme elle ne l’avait jamais fait dans l’histoire économique.
CONCLUSION : il ne faut pas décourager les consommateurs d’acheter ! La consommation crée des emplois, ouvre la voie au développement de nouvelles industries, et permet finalement de créer plus de richesse.
Je pourrais remonter à 1973 (une guerre + le premier choc pétrolier + l’abandon de l’étalon-or), à 1969 (la guerre du Vietnam), etc.
Les gens disent souvent : « Cette fois, c’est différent. »
C’EST FAUX !
1) Les guerres
Bien que les guerres continuent de faire rage à différents endroits du globe (ce fut toujours le cas), aucun conflit n’a été initié récemment, et aucune guerre en cours n’affecte nos intérêts économiques.
2) Une innovation financière échappant à tout contrôle
En dehors des crypto-monnaies, une innovation essentiellement issue de la Silicon Valley et non de Wall Street, aucune innovation financière majeure affectant les banques n’a vu le jour.
Au cours des dernières années, les réglementations pesant sur le secteur bancaire ont été très fortement alourdies (peut-être trop), ce qui a au moins eu le mérite d’empêcher le développement de certaines folies financières (même si parfois un peu de folie peut être une bonne chose).
FAQ
MAIS QU’EN EST-IL DU CÔTÉ DE LA POLITIQUE FISCALE, DES TARIFS DOUANIERS ET DE LA DETTE ?
Toute politique conduisant à une réduction de la demande entraîne un affaiblissement de l’économie. C’est aussi simple que cela.
Une augmentation des taxes sur la classe moyenne signifie que 100 millions de personnes réduiront leurs dépenses.
Une augmentation des droits de douane implique une réduction de la demande pour nos produits de la part des 7 milliards de consommateurs qui vivent dans le reste du monde (en supposant que les autres pays décident en représailles d’augmenter eux aussi leurs tarifs douaniers).
Et une dette publique plus élevée implique que le gouvernement ne pourra plus continuer de dépenser autant au profit de la population (en apparence).
Dans ce contexte, faut-il s’inquiéter ?
-
La politique fiscale
Le taux marginal d’imposition pour les ménages de la classe moyenne (bien sûr cela dépend de la façon dont vous définissez la classe moyenne) est passé de 25% à 22%. C’est un facteur positif pour l’économie. Il s’agit du niveau le plus bas depuis environ 50 ans.
La taxe sur les profits rapatriés (une mesure permettant aux entreprises multinationales de rapatrier leurs profits réalisés à l’étranger en échange d’un taux d’impôt réduit, plutôt qu’au taux normal de l’impôt sur les bénéfices) va permettre d’augmenter la quantité de dollars disponibles pour être dépensés aux États-Unis.
Le taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés a également été réduit à 21% (contre 35% avant la réforme), ce qui permet aux entreprises de créer davantage d’emplois, de distribuer davantage de dividendes à leurs actionnaires (souvent des fonds de pension dans lesquels investissent des travailleurs de la classe moyenne), et d’investir davantage dans l’innovation. Le taux d’impôt sur les sociétés n’a jamais été aussi bas depuis plusieurs décennies.
Taux marginal d’imposition sur les plus hauts et les plus bas revenus. En rouge : tranche maximum pour les hauts revenus. En bleu : tranche minimum pour les bas revenus. Un allégement des taxes entraîne une hausse des dépenses et donc une expansion de l’économie.
Les gens disent souvent : les entreprises devraient payer plus d’impôts !
Mais les entreprises ne sont pas stupides. Si elles doivent payer davantage, elles augmenteront leurs prix et réduiront leurs effectifs. L’économie en souffrirait.
Quand avez-vous vu pour la dernière fois une agence gouvernementale créer un remède contre le cancer ou mettre au point un vaisseau spatial ? Des entreprises privées développent de nouveaux médicaments, malgré le fait que le processus de validation d’un nouveau traitement par la FDA [l’agence en charge de contrôler la mise sur le marché des produits alimentaires et médicamenteux aux États-Unis, NDLR] coûte en moyenne 2,6 milliards de dollars. Des entreprises privées conçoivent de nouveaux vaisseaux spatiaux.
Les réductions d’impôts stimulent l’innovation et permettent de donner plus de pouvoir d’achat à la classe moyenne.
-
Les tarifs douaniers
Les tarifs douaniers sont une mauvaise chose. Mais les pays qui appliquent des tarifs douaniers déraisonnables contre les produits provenant des États-Unis font du tort aux travailleurs américains.
J’espère qu’il n’y aura pas d’escalade de la guerre commerciale. Ce serait une mauvaise nouvelle.
Mais tant que les États-Unis restent le principal marché mondial (avant d’être dépassé par la Chine, ce qui devrait se produire d’ici une dizaine d’années), ils garderont la main dans les négociations.
La politique américaine vise à punir les pays qui ont injustement augmenté leurs tarifs douaniers bien au-delà de ceux appliqués par les États-Unis.
Tant que les États-Unis conservent la main dans les négociations en tant que plus gros marché mondial, autant en profiter pour obliger ces pays à réduire leurs tarifs douaniers.
Les tarifs douaniers appliqués par la Chine représentent en moyenne 3,54% du prix des produits importés, contre 1,6% aux États-Unis. Nous sommes donc loin du niveau des tarifs introduits par la loi Smoot-Hawley en 1929, qui avait imposé des taxes douanières à deux chiffres.
La suppression totale des tarifs douaniers est l’objectif ultime, mais il nous faut lutter de toutes nos forces. Jusqu’à présent, les tarifs douaniers n’ont pas eu d’effet significatif sur l’économie américaine (comme le démontre le niveau du taux de chômage).
Taux moyen de taxe douanière à travers le monde. Le niveau des taxes douanières américaines se situe très en dessous de la moyenne internationale. Il est temps de rééquilibrer la situation.
-
La dette publique
La seule question que nous devons nous poser est la suivante : le gouvernement américain est-il en capacité de payer ses créanciers ?
Le taux d’intérêt moyen payé par le gouvernement américain sur sa dette est proche de son plus-bas historique (à 2,3%). Le gouvernement n’aura donc aucune difficulté à honorer ses engagements vis-à-vis des créanciers. De plus, la charge des intérêts sur la dette est passé de 15% du budget fédéral à seulement 7% aujourd’hui, elle n’a donc jamais été aussi facile à financer.
La dette publique n’est absolument pas un problème. En tout cas, pas en 2019.
EXISTE-T-IL DES SIMILITUDES AVEC LA GRANDE DÉPRESSION ?
La Grande Dépression est née de la conjonction de trois problèmes.
- Une augmentation des taxes douanières (avec le passage de la loi Smoot-Hawley).
- Une augmentation des impôts (le taux marginal de l’impôt sur le revenu est passé de 25% à 83% !).
- Et un EXCÉDENT COMMERCIAL.
Les gens pensent souvent qu’un excédent commercial est une bonne chose (cela signifie que la valeur des produits que nous vendons à l’étranger excède la valeur des produits que nous importons).
Mais en réalité, c’est généralement le signe qu’une récession se prépare. Cela signifie que les consommateurs N’ACHÈTENT PAS.
Devinez quoi : les Américains adorent acheter. S’ils décident de ne pas acheter (entraînant un excédant de la balance commerciale), cela indique que leur situation financière se dégrade et qu’une récession arrive.
Au cours des dernières années, savez-vous à quel moment le déficit commercial a été le plus faible ? En 2001-2002 et en 2009, autrement dit, LORSQUE L’ÉCONOMIE ALLAIT MAL.
Les déficits commerciaux sont une bonne chose. Lorsque les ménages gagnent plus d’argent, ils décident de dépenser leurs dollars, ce qui en retour augmente la demande pour les produits américains et donc le niveau des revenus.
(24% de la population était au chômage en 1932, contre 3.9% à la fin de l’année 2018.)
EN RÉSUMÉ
- La correction boursière à laquelle nous avons assisté récemment n’est qu’un soubresaut par rapport à la gigantesque hausse dont nous avons bénéficié au cours de cette décennie.
- Une part importante des ventes de titres en fin d’année correspond à des liquidations de positions perdantes afin de compenser fiscalement les plus-values imposables réalisées après des années de hausse. C’est bon signe pour le mois de janvier.
- Il n’y a aucune raison de penser que nous nous approchons d’une récession.
- N’écoutez pas ce que pense le consensus !
ALORS… QUE DOIS-JE FAIRE ?
Ne paniquez pas. Vivez votre vie normalement. Embrassez quelqu’un chaque jour.
Taux de chômage aux États-Unis