Mercredi dernier, James avait interrogé Tony Robbins sur sa stratégie d’investissement, très inspirée de celle de ses mentors, et sur la question éternelle du bon moment pour se positionner.
En conclusion de la première partie de cet entretien, Tony Robbins évoquait la réaction des marchés après l’élection de Trump à la présidence des Etats-Unis et leur retour à la normale quelques jours plus tard :
James Altucher : Nous allons continuer à avancer, c’est ce que je dis toujours aux gens, quoi qu’il se passe politiquement.
Tony Robbins : C’est totalement vrai.
Voici la suite de cet échange, dans lequel Tony nous invite davantage à contrôler notre rapport à l’argent ou en tout cas à trouver le juste milieu pour ne pas s’en retrouver prisonnier…
James Altucher : Tout le monde est divisé, en ce moment, mais en attendant, on construit des robots volants pour distribuer des colis Amazon. Le monde est un endroit merveilleux. C’est dans ça qu’on investit, en réalité. On n’investit pas dans le président. On investit dans des générations de technologies qui se succèdent.
Tony Robbins : Cela nous rend de plus en plus productifs, ça fait de nous des leaders dans le monde. Le week-end dernier, j’étais avec le président Clinton, je le connais depuis 30 ans environ, et avant l’élection de Trump, je me souviens avoir parlé à George W. Bush. Je leur ai évidemment parlé de la situation, à tous les deux. Tous deux m’ont donné des réponses intéressantes, mais celle de George W. Bush était vraiment frappante. Il n’a jamais attaqué le président Obama. Il m’a dit : « écoutez, je ne suis plus président. C’est notre président. C’est mon président aussi, nous devons le soutenir ». Je l’ai toujours respecté pour ça.
Je lui ai dit : « dites-moi, à titre privé, ce que vous pensez. » Il m’a répondu : « eh bien, évidemment j’aurais voulu que mon frère (Jeb Bush, battu lors de la campagne présidentielle de 2016, ndlr.) gagne — et ça n’a pas été le cas ». Il a dit : « toutes ces histoires qui prophétisent la fin du monde — je vais vous dire ce que j’en pense ». « Je me souviens, quand Nixon a dû démissionner, je me suis dit, ‘cet homme a détruit la démocratie américaine, il a détruit la présidence, il a détruit la réputation’. J’avais tort ».
Il a dit : « vous savez ce que j’ai découvert en étant président ? La fonction est bien plus importante que celui qui l’occupe, peu importe ce que nous faisons. Nous avons trois branches de gouvernement et ce système n’est pas parfait, mais c’est le meilleur qui existe. Quiconque est président peut tout rater, il peut faire des choses bien, il peut faire des choses mauvaises, mais dans l’ensemble nous allons continuer à avancer parce que c’est plus important que la personne en elle-même. »
Je pense que les gens devraient se réveiller et l’accepter, parce que sinon, nous perdons tout notre temps en conflit. Je connais des gens qui sont entièrement en liquidités parce qu’ils détestent Trump, ils pensent que ça nuit à Trump. Ils ne font que se nuire à eux-mêmes. Ils ne nuisent pas du tout à Trump.
JA : C’est absolument vrai, parce que si on regarde les années 1800, par exemple, un siècle entier. Réfléchissez-y : qu’est-ce qui les définit ? Eh bien, la Révolution industrielle, peut-être. On ne se dit pas James Garfield ou Chester Arthur (les présidents des Etats-Unis de l’époque, ndlr.) ou qui que ce soit de ce genre. Ces gens ont disparu dans l’Histoire, mais la Révolution industrielle perdure, et c’est elle qui a mis les Etats-Unis là où ils sont aujourd’hui — non pas une personne en particulier. Je voudrais vous demander ceci. Ce qu’il y a de vraiment excellent, dans votre livre, c’est en partie que l’information aide à réduire la crainte.
J’ai le sentiment que ce que vous essayez de faire en général, c’est aider les gens à diminuer leur crainte, non pas seulement pour qu’ils puissent devenir financièrement indépendants mais pour qu’ils puissent réunir les conditions d’une vie heureuse.
TR : Ils peuvent être en sécurité financièrement, stables, libres, tout ce que vous voulez, mais la vraie solidité inébranlable, c’est quand la crainte ne vous contrôle plus. Que ressentiraient vos lecteurs s’ils pouvaient vraiment, réellement, sans blablas, sans hyperbole, vivre dans un monde où peu importe ce qui arrive à l’économie, peu importe si le marché immobilier ou boursier baisse, ils savent qu’ils sont inébranlables. Ils savent : « je vais très bien m’en sortir. Je profiterai des opportunités et des défis, quand il y en aura, j’en tirerai parti. »
Le monde est différent, pour les gens, et je voudrais leur donner ça, psychologiquement, parce que c’est de la vraie richesse. Vous savez tout comme moi que les milliardaires sont tout le temps stressés.
JA : J’ai une anecdote.
TR : Dites-moi.
JA : J’assistais à un petit-déjeuner dans un club, et j’ai entendu un milliardaire parler à quelqu’un qui avait des centaines de millions de dollars. Le milliardaire avait environ 50-60 ans, il a des centaines de milliers d’employés, il vaut deux ou trois milliards. Il a dit : « je ne peux pas croire que ce type, là, Larry Page, vaut 18 milliards et je n’en vaux que deux ». Durant tout le petit-déjeuner, il était énervé que Larry Page vaille 18 milliards alors que lui n’en valait que deux.
TR : Eh bien, vous savez ce qui est intéressant ? L’argent, ce n’est jamais qu’un moyen de métamorphose, en réalité. Il devient ce pour quoi vous le dépensez, n’est-ce pas ?
Je me rappelle qu’en 2008, Adolf Merckle était l’un des hommes les plus riches d’Allemagne. Il avait hérité de beaucoup d’argent pour commencer, mais par la suite il a multiplié l’entreprise de ses parents par dix. Industrie, médicaments, manufacture… ils avaient toutes sortes de choses. Il a parié contre Volkswagen. Il a vendu le titre à découvert, et puis l’action a remonté. Vous vous rappelez 2008, il n’y avait plus d’argent, n’est-ce pas ? Plus de liquidités. Tout à coup, il n’avait plus les liquidités nécessaires pour couvrir sa position.
JA : Oui, je m’en souviens.
TR : Il semblait qu’il allait tout perdre. Il est donc allé emprunter de l’argent auprès des banques, et les banques ne prêtaient pas. Qu’a-t-il fait ? Son patrimoine était de 13 milliards, il me semble, et il est passé à neuf. Il a perdu quatre milliards de dollars. Voilà le troisième homme le plus riche d’Allemagne, et soudain il chute pour devenir, je ne sais pas, le 50ème ou le 60ème au monde. Vous savez ce qu’il a fait ?
JA : Il a essayé de se suicider.
TR : Il n’a pas essayé. Il a écrit un petit mot, il s’est jeté sous un train et il est mort.
JA : Je plaisantais, mais vous êtes sérieux.
TR : Ce n’est pas une plaisanterie. C’est tout à fait sérieux et vous savez quoi ? L’un de ses prêts a été approuvé trois jours plus tard.
Et pourquoi est-il mort ? Ce n’était pas l’argent. C’était la psychologie, c’était l’émotion. Son identité était liée au fait d’être numéro un. S’il n’était plus le meilleur, il ne voulait plus vivre. C’en était à ce point, pour lui.
Et puis on voit un gars comme Chuck Feeney, dont la plupart des gens ignorent le nom. Il a accumulé huit milliards de dollars. Vous êtes déjà allé dans les boutiques duty free d’un aéroport ? C’est lui qui a inventé le duty free. Huit milliards de dollars et il a tout distribué. Il y a tout juste un an de ça, il a donné ce qui lui restait d’argent.
Son but est de mourir ruiné ; il voulait que son dernier chèque soit un chèque en bois. Il a sans doute continué comme ça jusqu’à il y a 10 ans, il l’a fait sans dire quoi que ce soit à personne. Tout était anonyme. On a là deux hommes : l’un se suicide parce qu’il a perdu quatre milliards, mais il lui en reste encore neuf. L’autre passe toute sa vie à distribuer l’intégralité de sa fortune, et il est aussi heureux que possible.