Comme vous le savez, James Altucher anime depuis plus de 4 ans un podcast intitulé « The James Altucher Show » dans lequel il interviewe des personnalités aussi diverses que Gary Kasparov et Tim Ferriss, en passant par des entrepreneurs à succès dont la renommée est moins établie – mais qui ont des choses à dire, et dont on a toujours à apprendre.
Nous avons décidé de vous faire profiter de ce contenu riche et précieux – très populaire aux Etats-Unis – et de sélectionner pour vous les meilleurs extraits de ces podcasts avec les invités les plus intéressants.
Cette fois-ci, James reçoit un invité de marque en la personne de Tony Robbins, qui est probablement le coach en leadership le plus célèbre du monde, également auteur de best-sellers, et auquel les personnalités les plus influentes du monde font régulièrement appel.
Tony Robbins est également un investisseur avisé, qui a beaucoup écrit sur la Bourse et qui aime partager son expérience en la matière. Dans cet entretien exclusif, James l’interroge sur sa stratégie d’investissement et sur celle de ses mentors, et nous donne ainsi à réfléchir sur ce mystérieux bon moment pour se positionner.
James Altucher : Je suis content que vous preniez un peu de temps, dans votre journée chargée, pour venir me voir. Votre dernier livre, Unshakeable, [pas encore disponible en français, ndlr.] était en quelque sorte la suite de votre best-seller L’Argent : l’art de le maîtriser. C’est le fruit d’entretiens réalisés avec les meilleurs investisseurs de tous les temps : Warren Buffett, David Swensen, Ray Dalio entre autres dont vous avez identifié et retranscrit les meilleures pratiques, ce que vous appelez les « schémas du succès ». Je me reconnais d’emblée dans cette démarche : c’est un peu ce que je fais dans le cadre de mon podcast !
D’ailleurs L’Argent me semblait être quasiment un mastodonte, où vous parliez à tous ces milliardaires : que s’est-il passé durant la crise financière ? Comment pouvons-nous l’éviter ? C’est un excellent bouquin, mais il est dense. Les gens doivent lire 700 à 800 pages.
Tony Robbins : C’est tout à fait ça.
JA : J’ai l’impression que les gens devaient lire un milliard de pages pour comprendre tout ce qui se passait, mais là dans Unshakeable, vous donnez les faits très spécifiques qu’il faut connaître.
J’ai travaillé dans le secteur de la finance comme gestionnaire de hedge fund, journaliste, etc., et même moi j’ai appris quelque chose. Est-ce que je peux vous parler de ce que j’ai appris ?
TR : Allez-y, dites-moi. Je suis curieux de savoir.
JA : Vous écrivez ceci, vers le début. Je crois que c’est au chapitre 2 du livre. Vous écrivez : « en moyenne, le marché chute de 10 % tous les ans ». A un moment au moins pendant l’année, le marché perd 10 %, et quand ça arrive, tout le monde panique. Si l’on disait simplement : « en moyenne il fait ça tous les ans », les gens arrêteraient de paniquer.
TR : Oui… Vous n’êtes pas surpris quand l’hiver arrive, alors pourquoi seriez-vous surpris dans ce cas de figure ? L’hiver financier arrive une fois par an depuis 1900. Depuis 118 ans, nous en avons un par an en moyenne — pour une chute minimum de 10%. La moyenne est en fait de 14%, ce qui retient plus l’attention des gens que 10%, non ?
JA : Permettez-moi de vous demander, dans ce contexte, est-ce que les gens paniquent tous les ans ?
TR : Oui, la plupart des gens paniquent tous les ans. La raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, c’est que nous sommes dans un marché haussier depuis presque dix ans, comme vous le savez. C’est le deuxième plus long marché haussier de l’Histoire, et tout le monde est là : « oh mon Dieu, on est à de nouveaux sommets. Oh mon Dieu, il va falloir un krach. Tout ça va baisser. »
Ils ont raison. Les marchés vont corriger, et il y aura certainement un marché baissier à un moment.
Il suffit de voir cette statistique : on a 14 % de baisse, et ça dure 56 jours en moyenne, soit deux mois. C’est comme une saison, c’est comme un hiver, mais vous ne perdez pas d’argent. Le marché n’a jamais pris un seul centime à qui que ce soit. Vous ne perdez d’argent que si vous vendez, parce que 80% de ces corrections ne se transforment pas en marché baissier.
JA : Nous avons atteint des sommets historiques en janvier dernier, jamais retrouvés depuis.
TR : Eh bien, vous vous rappelez de janvier 2017 ? Janvier 2017, pire ouverture des marchés de toute l’Histoire pour un mois de janvier, on a perdu environ 2 300 Mds$ en neuf jours. Où en sommes-nous cette année ? Comme vous l’avez dit, nous avons battu des records en janvier. Mais à l’époque, tout le monde paniquait. Ils sont allés voir Ray Dalio. Il était à Davos, et quand le marché a perdu 900 points, rappelez-vous, je crois que c’était fin janvier/début février, les gens étaient vraiment en panique, pensant que c’était le début de la fin.
Il a dit : « c’est une correction ». Il a dit : « écoutez, vous savez ce qu’ils devraient faire ? Lire le livre de Tony Robbins ». « Je lui ai donné une stratégie dont je n’avais jamais parlé à personne, expliquant comment j’ai gagné de l’argent 85% du temps » – il a fait toute la promotion du livre comme ça.
Ce que je voudrais que les gens sachent, c’est que si ça arrive tous les ans et que les corrections ne deviennent pas des marchés baissiers dans 80% des cas… vous perdez de l’argent quand vous vendez.
Parlons une seconde des marchés baissiers. Il s’en produit un tous les cinq ans.
Voilà plus de neuf ans que nous n’en avons pas connu, alors il y en a un qui est en train de couver. Je ne sais pas quand il aura lieu. Personne ne le sait vraiment mais mieux vaut s’y préparer – de manière à non seulement se protéger mais carrément en profiter. La plupart des millenials ne se rendent pas compte que la plus belle période de leur vie, ce sera le prochain krach – s’ils y sont préparés, s’ils n’ont pas peur.
Quand il se produit une vague de ventes, c’est vraiment bizarre. Les marchés boursiers sont le seul endroit de la planète où, quand il y a les soldes, les gens paniquent. Si votre voiture préférée était une Ferrari et que je vous disais : « vous pouvez l’avoir avec 50% de réduction », vous seriez ravi. Mais quand le marché perd 50% d’un seul coup, les gens paniquent, alors que c’est une opportunité.
JA : Discutons-en un peu plus précisément. Vous parlez beaucoup d’indexation et de faire les choses au plus bas coût possible et de la manière la plus efficace fiscalement parlant. Je voudrais vous parler d’une stratégie basée sur ce que vous venez de dire. Et si j’attendais simplement chaque occurrence où le marché perd 14% ? Je stocke mes liquidités et je les investis à ce moment-là…
TR : C’est en effet la première réaction de tout le monde. D’abord, Warren Buffett m’a dit un jour : « Tony, laisse-moi te dire une chose ». Il m’a dit :
Tous ces prévisionnistes boursiers sur CNBC, etc., leur seul rôle, c’est de donner une bonne image aux diseurs de bonne aventure ». Il a ajouté : « personne ne peut prédire le marché, et quiconque est assez idiot pour s’y risquer perd ».
J’aurais pensé exactement la même chose : économisons des liquidités, il va y avoir une grosse chute. Mais je vais vous expliquer pourquoi il vaut mieux ne pas agir de la sorte.
Eh bien, on trouve des gens qui économisaient leur argent pour investir en bourse depuis ces dix dernières années : ils ont manqué une hausse de 250%. Ou bien des gens, il y a un an et demi, qui se disaient : « les marchés sont sur le fil du rasoir. Oh mon Dieu, c’est complètement fou ». Et nous avons vu quoi ? +14,5% trois mois après la prise de fonction de Trump. Je viens d’assister à une conférence sur les investissements alternatifs organisée par JP Morgan. Il faut avoir un patrimoine net d’au moins un milliard de dollars pour y assister. Il y avait 400 personnes. C’est un groupe assez fou.
JP Morgan a fait une étude sur 20 ans. Schwab a de son côté aussi fait une étude indépendante, sur plus de 20 ans. Tous deux ont trouvé une chose intéressante. Nous savons tous que le S&P, sur 20 ans, a fourni un rendement composé de 8,2%. Vous gagnez de l’argent, vous doublez votre argent tous les neuf ans. Ce que la plupart des gens ne savent pas, c’est que si vous n’étiez pas investi sur le marché, parce que vous étiez en train d’essayer de prédire son évolution pendant 10 jours seulement – les 10 meilleurs jours de ces 20 années –, alors au lieu de 8,2%, vous auriez 4,5%. Quasiment la moitié.
Si vous manquez les 20 meilleurs jours parce que vous pensez pouvoir prédire ce que les marchés vont faire, parce que vous voulez économiser en attendant la grande chute, vous vous retrouvez finalement avec 2%. Et si vous manquez les 30 meilleurs jours en 20 ans, un jour et demi par an, si vous manquez rien que ça, vous perdez de l’argent sur ce même marché boursier.
Ensuite ils ont fait une étude en partant du principe que vous vous positionnez un jour optimal, comme vous le suggériez : je veux me positionner, j’attends que le marché connaisse sa pire baisse de l’année, et j’achète à ce moment-là. C’est de la chance, ce n’est pas de l’intelligence, c’est de la chance.
Prenons une autre personne ; disons qu’elle n’a pas de chance – elle investit le jour du sommet boursier, et il y a un krach le lendemain. Prenons une troisième personne qui moyenne ses achats. Vous savez ce que c’est : elle achète pour la même somme tous les mois. Mettons une quatrième personne avec des liquidités, et voyons comment tout ce petit monde s’en sort sur une période de 20 ans. Alors, qui s’en est le moins bien tiré ?
Vous savez, le gars qui a des liquidités, le gars qui est toujours à attendre, qui pense « je me positionnerai plus tard » … Eh bien quand le marché chute de 50%, il n’a pas plus le cran de le faire que quand il pensait que les cours étaient trop hauts.
Ils n’y vont pas. Quelqu’un comme vous le ferait, mais pas eux. Voilà ce que vous devez savoir. Le gars qui a un timing parfait, de la chance, et le gars qui avait le pire timing… à la fin des 20 ans, il y a une différence de 14 000 $ dans ce qu’ils ont accumulé.
JA : Eh bien, je pense que c’est parce qu’il y a d’autres éléments – notamment le fait que la majeure partie des rendements boursiers provient des dividendes, si bien que quoi que fasse le marché, à la hausse ou à la baisse, vous obtiendrez peut-être 80% de vos gains grâce aux dividendes dans leur ensemble. L’autre chose, c’est que les 20 meilleurs jours arrivent généralement après les 20 pires jours.
TR : Vous m’enlevez les mots de la bouche. Sur les 10 meilleurs jours de trading de ces 20 dernières années, six se sont produit dans les deux semaines qui ont suivi les pires séances. Vous avez fait la même chose, j’en suis sûr.
Lorsque tout le monde a été surpris par la victoire de Trump, nous avons tous été surpris – le marché perd 900 points, j’appelle mon courtier et je charge la mule pour le jour suivant. On sait bien ce qui va se passer, n’est-ce pas ? Tout le monde lance les dés, et cela s’équilibre. Après une séance affreuse, on a de meilleures séances.
Mais l’idée de base est la suivante : qu’on soit un individu lambda ou un investisseur, même brillant, personne ne peut prédire les marchés. Et pendant que vous êtes occupé à essayer, il suffit de manquer 10 jours et vous vous êtes fait avoir dans 20 ou 30 ans. On ne peut pas se permettre de faire ça. Il faut diversifier. Tout votre argent n’est pas investi en bourse, bien entendu, mais il faut être en mesure d’y rester. C’est ce qu’enseigne John Bogle, le fondateur de The Vanguard Group, l’un des plus grands fonds communs de placement mutualiste dans le monde. Le principe de base de John Bogle, c’est :
Ne faites rien, restez simplement là.
Cela peut sembler idiot, mais avec le marché, réfléchissez-y. L’inflation, la productivité, une population croissante – tous ces éléments, depuis deux siècles, font avancer les Etats-Unis. Nous allons continuer à avancer.
JA : Oui, nous allons continuer à avancer, c’est ce que je dis toujours aux gens, quoi qu’il se passe politiquement.
TR : C’est totalement vrai.
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