Nous avons tous, un jour ou l’autre, fait l’expérience de la douleur, cette sensation pénible et envahissante qui vient, tout d’un coup, perturber notre vie.
Les différents types de douleur
Les douleurs aiguës sont liées à une atteinte tissulaire brutale (traumatisme, post-chirurgie, lésion inflammatoire, distension d’un viscère…). Elles sont souvent associées à des manifestations neurovégétatives (tachycardie, sueurs, élévation de la pression artérielle) et à l’anxiété. C’est un signal d’alarme dont la « finalité » est d’informer l’organisme d’un danger pour son intégrité. Une fois son origine identifiée, sa prise en charge nécessite sa reconnaissance et un traitement essentiellement pharmacologique reposant sur des antalgiques à vocation curative.
Les douleurs dites procédurales, provoquées par certains soins ou certains examens (pansements, pose de sondes, de perfusions, ponctions, prises de sang, mobilisation du patient, etc.). Leur traitement requiert l’identification préalable des soins potentiellement douloureux et la mise en place de protocoles à visée préventive (pose d’anesthésiant local avant une ponction, prémédication avec un antalgique d’action rapide immédiatement avant la réalisation d’un soin douloureux, etc.). La prise en charge de la douleur procédurale doit être une préoccupation constante de tout professionnel de la santé, car c’est un élément majeur de la qualité des soins. Elle peut donc être prévenue.
La Haute Autorité de santé définit la douleur chronique (migraines, lombalgies) comme »un syndrome multidimensionnel exprimé par la personne qui en est atteinte ».
Il y a douleur chronique, quelles que soient sa topographie et son intensité, lorsqu’elle présente les caractéristiques suivantes :
- persistance ou récurrence, qu’elle dure au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, notamment si la douleur évolue depuis plus de trois mois ;
- réponse insuffisante au traitement ;
- détérioration significative et progressive, du fait de la douleur, des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités de la vie journalière, au domicile comme à l’école ou au travail.
Lorsqu’elle devient chronique, la douleur perd sa « finalité » de signal d’alarme et elle devient une maladie en tant que telle, quelle que soit son origine.
La douleur chronique est fréquemment associée à des facteurs de renforcement : des manifestations psychopathologiques, une demande insistante par le patient de recours à des médicaments ou à des procédures médicales souvent invasives, alors que cela ne le soulage pas, une difficulté à s’adapter à la situation.
Il est possible de distinguer trois types de douleur chronique en fonction des mécanismes à l’origine de cette dernière.
- La douleur inflammatoire (ou nociceptive) est une douleur due à une stimulation persistante et excessive des récepteurs périphériques de la douleur : les nocicepteurs. Ce type de douleur peut survenir lors d’un cancer (l’Institut national du cancer a consacré un dossier à la douleur sur son site), mais également dans des contextes plus « bénins », comme la maladie arthrosique. La douleur nociceptive répond aux antalgiques, qui doivent être intégrés à une approche thérapeutique plus globale et commune à toute douleur chronique.
- L’Association internationale d’étude de la douleur (International Association for the Study of Pain – IASP) définit la douleur neuropathique comme une douleur liée à une lésion ou à une maladie affectant le système somato-sensoriel. L’atteinte du système somato-sensoriel peut survenir dans un cadre neurologique évident (douleur survenant après un zona, neuropathie diabétique douloureuse, douleur centrale survenant après un accident vasculaire cérébral…). Elle apparaît aussi fréquemment dans d’autres cas non neurologiques, comme les suites postopératoires, la chirurgie (même bénigne) étant souvent responsable de lésions nerveuses. Elle se caractérise par des sensations semblables à des brûlures ou à des décharges électriques. Elle est souvent associée à des signes sensitifs non douloureux (paresthésies, engourdissement, prurit). Sur le plan pharmacologique, la douleur neuropathique répond mal aux antalgiques et elle justifie en première intention l’utilisation de certains antiépileptiques et/ou de certains antidépresseurs.
- La douleur dysfonctionnelle est liée à un trouble des systèmes de contrôle de la douleur, sans lésion identifiée. Les douleurs dysfonctionnelles les plus fréquentes sont la fibromyalgie et la céphalée de tension. Sa prise en charge thérapeutique fait davantage appel à des approches non pharmacologiques.
Remédier à la douleur
Afin de l’atténuer, il est impératif de mieux organiser l’action des professionnels de la santé en charge des soins de premiers recours, c’est-à-dire des professionnels de ville en contact avec les usagers au quotidien. Ils voient passer, dans leur cabinet, des millions de personnes chaque année : ils doivent donc être en mesure de repérer une douleur quelle que soit sa nature, de l’évaluer, de la traiter de façon adaptée ou, le cas échéant, d’orienter le patient vers une structure en mesure de la prendre en charge.
Pour cela, il est indispensable de :
- mieux organiser la formation initiale et continue de tous les professionnels de la santé sur la douleur ;
- mieux communiquer vers le grand public et les professionnels de la santé, afin de faire passer le message suivant : « La douleur existe, elle peut être prise en charge et soulagée. » Des campagnes existent, mais celles qui s’adressent au grand public ne sont pas diffusées assez largement. Par ailleurs, pour fonctionner, les campagnes doivent être fréquemment répétées ;
- permettre le développement des thérapies non médicamenteuses ;
- remettre au centre des préoccupations de tous (les chercheurs, les médecins, l’entourage) la prise en compte de la douleur, avant la prise en charge. Il faudrait entendre la douleur et développer l’empathie. Comme l’a écrit le psychiatre américain R. Friedman : « Ce qui importe pour comprendre les sentiments d’autrui, ce n’est pas d’avoir vécu la même expérience que lui, mais d’être capable d’imaginer ce que ce serait de la vivre. »
Les dernières avancées de la recherche en la matière
- Les molécules déjà connues
La pharmacopée traditionnelle, comme la morphine ou l’aspirine, peine à soulager certains syndromes, tels que la fibromyalgie ou les neuropathies. Il faut découvrir de nouvelles molécules. « Il est nécessaire de comprendre comment fonctionnent celles qui existent déjà, afin d’en limiter les effets secondaires par exemple », avance Alain Eschalier, enseignant-chercheur à Neuro-Dol (université d’Auvergne, Inserm). Il s’attache à mieux comprendre le mécanisme d’action du paracétamol, molécule antalgique la plus vendue au monde. La morphine est aussi étudiée : malgré son efficacité, elle s’accompagne d’effets indésirables (constipation, nausée, vomissements, risque de dépendance).
Il faut donc partir de l’expérience individuelle de chaque patient, personnaliser les traitements pour les améliorer.
- L’inégalité devant l’apparition de la douleur
Une autre piste de recherche est l’identification des facteurs de risque. Actuellement, pour soulager les patients, « le système se fonde plutôt sur la stratégie de l’échec », reconnaît Radhouane Dallel, responsable de l’équipe Douleur trigéminale et migraine, au sein de Neuro-Dol. « On tente une solution thérapeutique, si ça ne marche pas, on passe à une autre, et ainsi de suite », ajoute-t-il. Les douleurs chroniques postopératoires (DCPO) sont à l’origine de 15% des consultations : il y aurait une susceptibilité individuelle à développer une douleur. Chaque individu réagirait différemment pour une même intervention. Il a été observé que, plus on diminue la douleur lors de l’intervention (par une meilleure gestion de l’anesthésie), moins il y a de risques de développer une douleur chronique. Difficile d’évaluer la douleur d’un patient en pleine anesthésie !
La technologie se développe pour évaluer la douleur : depuis le XIXe siècle, on sait que la pupille se dilate sous l’effet de la douleur. En 2013, après avoir observé des femmes enceintes en travail, des caméras ultra-rapides, commercialisées sous le nom d’AlgiScan, ont été créées pour déceler les mouvements de la rétine, et il a été démontré que le diamètre de la rétine augmente avec l’intensité de la douleur.
D’autres chercheurs se sont efforcés de mesurer la douleur grâce à l’analyse des variations de fréquence du rythme cardiaque chez les personnes anesthésiées. Le premier prototype a vu le jour en 2008 et il est actuellement commercialisé par la société MDoloris.
La dernière piste est la personnalité, l’affect et même le fonctionnement cognitif propre à chacun. Les patients qui développent une douleur significative après une opération présentent une altération de certaines fonctions cognitives. Une évaluation des compétences cognitives pourrait donc prédire l’apparition de douleurs chroniques et permettre une prise en charge adaptée par les thérapies comportementales cognitives (TCC).
- S’inspirer de la nature
La recherche se recentre sur la perception de la douleur et s’intéresse aux canaux ioniques qui jouent un rôle central dans ce processus. Les venins d’animaux sont des sources de toxines capables d’agir sur ces canaux.
L’autre source d’inspiration naturelle est un bacille qui déclenche des ulcères (celui de Buruli, une maladie tropicale, par exemple) : les chercheurs ont observé que, malgré les plaies sur la peau, les malades souffrent peu. On pensait que seules les lésions du système nerveux faisaient disparaître la douleur, jusqu’à ce que les scientifiques s’aperçoivent que la toxine créée par cette maladie (injectée à des souris) était à l’origine de l’effet analgésique.
- La stimulation du système nerveux
Parallèlement à la recherche d’une nouvelle pharmacopée, les spécialistes optent aussi pour des stratégies non médicamenteuses.
Les douleurs rebelles comme les lombalgies peuvent être soulagées par la stimulation de la moelle épinière grâce à des petites électrodes implantées sous la peau du dos. Elles sont alimentées par une batterie également insérée dans le corps et activées par une télécommande. Les stimuli que les électrodes génèrent vont brouiller le message douloureux adressé au cerveau. C’est le même principe que celui qui nous pousse à nous frotter le coude quand nous nous cognons. Face aux douleurs réfractaires, l’excitation électrique du cortex cérébral moteur donne ainsi de bons résultats. La méthode reste très invasive.
Une autre possibilité se dessine : la stimulation magnétique transcrânienne. Une bobine, posée à la surface du crâne, produit des champs magnétiques qui induisent un courant électrique sur les neurones situés dans le champ. Les effets persistent même après la séance. Depuis 2014, les recherches de l’hôpital Ambroise-Paré, du centre Henri-Mondor, du CHU de Nantes et de celui de Saint-Etienne vont dans ce sens.
- La piste des émotions
Selon l’IASP, « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle et potentielle, ou décrite dans ces termes ». Dans les informations que le cortex reçoit lors d’un stimulus douloureux, il doit intégrer la composante émotionnelle. Il y a bien un lien entre l’émotion et la sensation.
Comme vous le voyez, les recherches sont nombreuses. Les chercheurs déploient un large éventail de stratégies pour combattre la douleur. Avant qu’une solution ne soit trouvée pour son éradication totale, je vous conseille de ne surtout pas pratiquer l’automédication et encore moins d’augmenter les doses de votre traitement analgésique sans en parler à un médecin. Vous trouverez des adresses utiles pour une prise en charge de la douleur chronique (les SDC, structures spécialisées dans la douleur chronique) sur le site du ministère des Affaires sociales et de la Santé.
Quand la douleur vous submerge et que rien ne vous soulage, vous devez apprendre à vivre avec. Je vous conseille la lecture de deux livres :
– Ma douleur, comment l’apprivoiser ? de Catherine Guillemont et Chantal Nollet-Clémençon. Vous y trouverez de nombreux témoignages de patients souffrant de douleurs chroniques et des pistes médicales et non médicales pour la gestion de la douleur au quotidien.
– Vivre sans la douleur ? de Nicolas Danziger. L’auteur est un neurologue spécialisé dans la prise en charge de la douleur chronique. Il s’est aussi orienté vers l’étude de l’empathie et de la douleur et montre l’importance de sa prise en compte. Je vous recommande de l’écouter sur ce sujet ici.
Ne taisez pas votre douleur, parlez-en. Vous ne pouvez pas y faire face seul, bien que celle-ci ne soit pas toujours reconnue. La prise en charge de la douleur ne peut pas se passer de sa prise en considération et de sa reconnaissance. La prise en charge sera globale ou ne sera pas : la pharmacopée actuelle ayant ses limites et ses effets secondaires, une bonne prise en charge sera celle qui vous proposera un panel de disciplines complémentaires (psychologie, hypnose, méditation…). De nature très subjective, la douleur est difficile à quantifier. Son évaluation reste indispensable pour orienter le choix thérapeutique. Alors, n’attendez pas, ne vous isolez pas et consultez le réseau de Lutte Contre la Douleur (LCD) et les structures spécialisées (SDC).
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