Voici un article sur l’or que je voulais écrire depuis longtemps…
Le métal jaune, si populaire fut un temps, n’inspire aujourd’hui plus que de l’apathie. Comme mes amis italiens aiment à le dire : « Tout le monde s’en contrefiche. »
Que s’est-il passé ?
Le bon vieux temps
Vous vous souvenez des années 2000 ?
Quelle décennie pour les amoureux de l’or !
« L’or est sous-évalué », disait-on au début de la décennie. « L’argent aussi – plus encore. Gordon Brown est fou d’avoir vendu à ces prix. Le marché ne peut aller que dans une seule direction : vers le haut. »
« L’or ? L’argent ? », répondaient alors nos interlocuteurs un peu confus. « Pourquoi en achèterais-je ? Pourquoi quiconque voudrait-il en acheter ? Et puis comment en acheter ? Je suis censé aller m’acheter un lingot, la bouche en coeur ? »
« Oui », répliquiez-vous alors. Et vos interlocuteurs vous pensaient bon à enfermer.
Mais le cours de l’or a ensuite augmenté. Celui de l’argent également. 15% une année, 20% la suivante. Vous étiez peut-être fou à lier, mais, il fallait bien l’admettre, vous aviez eu raison sur l’évolution du marché. Mais bon, les choses avaient déjà changé… et on avait raté le coche.
« Vous n’y êtes pas du tout », disiez-vous en 2005. « Ce n’est pas trop tard. Il existe aujourd’hui de nouvelles manières d’acheter. Les fonds négociés en Bourse, le commerce de lingots en ligne… vous avez l’embarras du choix. Vous devriez vraiment acheter. Mieux vaut investir une partie de votre patrimoine hors-système. »
Autant hurler à la lune. Pourtant, tous les ans, le prix augmentait encore de 10, 15 ou 20%. Parfois plus encore. Quand on vous traitait de fou, vous vous contentiez de hausser les épaules et de citer les chiffres. On ne peut pas nier les chiffres.
L’inflation des prix de l’immobilier semblait impossible à stopper, tout comme celle des cours de la Bourse. Les prix de l’art et des autres objets de collection atteignaient des sommets proprement ridicules.
« Le système monétaire est cassé », avez-vous alors prévenu. « Il y a trop de dette. Nous avons abusé de l’effet de levier. C’est la fin des haricots. »
« Cette fois, il a vraiment craqué », pensaient vos interlocuteurs. « Il paraît que le ciel va nous tomber sur la tête. Ha ha ha. »
Et 2008 est arrivé.
À ce stade, vous n’aviez peut-être pas encore obtenu le statut de gourou de la finance, mais vous aviez prouvé que vous n’étiez pas aussi fou que ce que pensaient les gens. On commençait discrètement à vous demander conseil – quand personne n’était à portée de voix. « Comment faire, alors, pour acheter de l’or ? »
Vous avez répondu. Et le marché a continué sa course haussière. Chaque année, de nouveaux gains. Chaque année, l’or faisait mieux que le S&P 500. Chaque année, en comparant l’or aux autres actifs depuis l’an 2000, on constatait que l’or faisait mieux.
Tout se passait exactement comme vous l’aviez prédit.
La fin de l’effet de mode
Et puis quelque chose a changé.
Difficile de dire quoi. Mais depuis 2011/12, il semble que ce rêve doré ait pris fin. Au lieu d’augmenter de 10, 15 ou 20% par an, le cours de l’or recule d’autant.
Avec chaque nouvelle baisse du cours, les arguments des années 2000 semblent de plus en plus tirés par les cheveux. Beaucoup ont simplement choisi de quitter le navire. Avec chaque baisse de 10%, les cours de la Bourse augmentent de 10%. Si l’on tient compte du coût de renonciation, les pertes, pour les propriétaires d’or, ont été immenses.
Puis un génie de l’informatique appelé Satoshi Nakamoto a inventé le Bitcoin et l’a délibérément modelé sur l’or. Il fait tout ce que l’or était censé faire. Son cours augmente de plusieurs milliers de pourcents. Des disciples dévoués affirment qu’il sonne le glas des monnaies gouvernementales. Les gens l’utilisent même pour acheter et vendre des choses. Les jeunes l’adorent, donc l’avenir l’adopte. Le Bitcoin à 10 000 $ est pour demain, affirment-ils.
« Nous disions la même chose pour l’or », marmonnent quelques ancêtres à barbe blanche en secouant la tête, dubitatifs. Ils savent qu’ils avaient raison. Et pourtant, cette monnaie du passé et de l’avenir n’était pas la bonne solution.
Comme l’improbable franchise Rocky, en 2016, l’or a fait son come-back. Le cours a recommencé à augmenter. Les entreprises minières ont connu une reprise plus belle encore. Les Anglais ont voté pour le Brexit, et la livre sterling s’est effondrée. À un moment donné, les propriétaires d’or britanniques ont vu la valeur de leur bien augmenter de près de 50%.
« Ils sont encore en train de perdre le contrôle », disaient les amoureux de l’or, qui ne marmonnaient plus et osaient à nouveau hausser le ton.
Mais les prix ne se sont pas maintenus. Fin 2016, les bénéfices n’étaient pas mauvais, mais négligeables par rapport au passé. L’or continue de n’aller nulle part en 2017, une petite hausse, une petite baisse… Le prix, à l’heure où j’écris ces lignes, est de 1 245 $ de l’once, soit la même chose qu’en 2010.
Il fut un temps où la courbe, pour l’or, partait en bas à gauche pour finir en haut à droite. Aujourd’hui, elle commence au milieu et finit… au milieu. Ci-dessous, vous pouvez voir les quatre dernières années de stagnation frustrante. Les faux espoirs abondent, mais il n’y a pas non plus d’effondrement. C’est un investissement mortellement ennuyeux, qui ne va nulle part, alors qu’ailleurs, on peut gagner de l’argent.
Dans la Tour Frisby, nous observons l’horizon en soupirant. Nous savons que les finances gouvernementales sont très loin de répondre aux standards minimum de sécurité. Nous savons qu’il y a trop de dette, que le prix des actifs est surévalué.
Nous savons que les assouplissements quantitatifs et les politiques à taux zéro ont maintenu en vie un système qui devrait être mort et enterré. Nous savons que les taux finiront par augmenter à nouveau. Nous savons que lorsque ce sera le cas, ce sera l’enfer sur Terre. Nous savons que l’heure de l’or reviendra, plus encore que par le passé.
Le problème est que nous ne pensons pas que cette heure est proche. Nous espérons nous tromper, mais c’est ce que nous pensons. Nous ne voyons pas de changement imminent à notre porte ni de changement majeur dans l’humeur du marché.
Nous notons cependant que chaque nouveau point bas atteint par l’or est plus haut que le précédent. 1 120 $, puis 1 180 $, puis 1 200 $, puis 1 220 $… Certains pourraient appeler ça une tendance à la hausse.
Mais nous notons également que ces mouvements ne sont pas confirmés par les minières, qui sont encore une fois en train de perdre du capital d’investissement, comme d’habitude. Pour un véritable marché haussier, les deux doivent aller de pair.
Nous pensons que la situation va continuer de stagner pendant un moment encore. Actuellement, le plus bas semble être fixé à 1 050 $. Peut-être allons-nous à nouveau atteindre ce genre de cours (qui était de 250 $ en 1999 et 2001). Peut-être pas. La prochaine zone de soutien devrait être de 1 130 $ ou 1 140 $.
Le point positif, c’est que 1 300 $ est une résistance et que 1 380 $ en est une autre. Nous avons encore de la marge avant d’atteindre l’obstacle quasi insurmontable des 1 500 $.
Je suis désolé de le dire, mais nous pourrions rester dans la situation actuelle pendant encore quelques années. Cela étant dit, cet état de fait ne va pas durer éternellement. Rien ne dure éternellement.
Non, pardon.
Il y a bien une chose éternelle : l’or.
Du fait de sa nature même, l’or est éternel. Par contre, on ne peut pas en dire autant de l’humeur du jour des investisseurs. À long terme, il y a des actifs qu’il est bien moins avisé de conserver.