« Vous n’arrêtez pas de prononcer ce mot. Je pense que le sens vous échappe. »
Dans le film à succès Princess Bride, Inigo Montoya est un épéiste malchanceux recruté par le complotiste Vizzini pour kidnapper la princesse.
Tout au long du film, à chaque fois qu’il s’étonne d’un fait ou événement, Vizzini s’exclame : « Inconcevable ! »
Après plusieurs accès de colère de la sorte, Montoya perd patience : « Je pense que le sens de ce mot vous échappe. » Si vous avez vu le film, vous comprendrez le côté cocasse de la situation, que le regard ahuri et le problème d’élocution de Montoya viennent renforcer.
Cette scène m’est revenue à l’esprit pendant mes recherches.
Il me semble que tout comme Inigo Montoya voit la crédibilité de son chef s’effondrer, les investisseurs commencent à se demander si la Fed a vraiment conscience de ce qui se passe dans l’économie.
En parcourant plusieurs articles académiques sur l’inflation, je n’arrêtais pas de me dire : « Je pense que le sens de ce mot vous échappe. »
Aujourd’hui, je tiens à vous expliquer ce qui est vraiment en train de se passer en termes d’inflation, afin que vous soyez prêt à faire face à ce qui nous attend.
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Ce n’est que temporaire…
Nous assistons à une accélération de l’inflation. C’est un fait.
Qu’il s’agisse des prix des logements, des véhicules, du gaz, de la restauration ou de toutes vos dépenses courantes, tout a augmenté.
Pourtant, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, répète à l’envi que l’inflation n’est pas un problème et que les hausses de prix que nous observons à l’heure actuelle ne sont que « transitoires ».
En d’autres termes, Jerome Powell estime qu’il s’agit d’un problème temporaire et qu’il n’y a nul besoin de s’en inquiéter.
Ce n’est donc pas demain la veille que la Fed relèvera ses taux d’intérêt.
Si les taux d’intérêt restent faibles, cela devrait pousser à la hausse les cours des valeurs spéculatives, car la faiblesse des taux permet aux entreprises de lever plus facilement les fonds dont ils ont besoin pour financer leur croissance.
Les taux faibles rendent également les valeurs de croissance plus intéressantes pour les investisseurs en ce qu’elles offrent des rendements plus élevés que les autres classes d’actifs.
Par conséquent, dans un contexte marqué par l’indifférence de la Fed face à l’inflation et son refus de relever ses taux, les valeurs de croissance hautement spéculatives devraient normalement progresser en Bourse.
Ce n’est pas du tout le cas ! C’est l’inverse : ces titres sont en train de dévisser et déçoivent leurs investisseurs les plus fidèles.
Que se passe-t-il ?
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Des chiffres de l’emploi décevants : ce n’est pas ce que vous croyez
Je vous demande de garder à l’esprit cette réflexion sur l’inflation un instant pour la mettre en parallèle avec le grand événement du mois.
Le 4 juin, le ministère du Travail avait publié les chiffres de l’emploi pour le mois de mai. L’économie américaine a créé 559 000 nouveaux emplois le mois dernier. Cela peut sembler beaucoup… Mais les analystes tablaient sur 100 000 postes de plus.
Quelle déception ! C’est là que cela devient intéressant…
Les médias financiers ont commencé à dire que ce chiffre, très mauvais pour l’économie réelle, était une aubaine pour les marchés financiers.
Ils ont ressorti l’argument éculé selon lequel si l’économie est faible, la Fed maintient les taux à de bas niveaux, ce qui est une bonne nouvelle pour les marchés.
On nous répète cela à l’envi depuis des années.
Mais le fait est que ces mauvais chiffres de l’emploi sont l’expression d’un mal bien plus profond. Comme le dit Inigo Montoya : « Je pense que le sens vous échappe. »
Ce n’est pas la faiblesse de l’économie qui explique ces mauvais chiffres de l’emploi, pas plus que l’incapacité des entreprises à recruter de la main-d’œuvre.
Ce n’est pas du tout le cas ! Aux quatre coins du pays, les entreprises ne demandent qu’à recruter des millions de travailleurs.
L’une des raisons pour lesquelles l’emploi n’a pas rebondi aussi fortement que prévu est que de nombreux travailleurs actuellement au chômage ne veulent pas travailler.
Pour certains, le risque de contracter le coronavirus les terrorise. Pour d’autres, il est plus rentable de percevoir les aides financières de l’État et des indemnités de chômage généreuses que de retourner travailler.
D’après une étude récente de Bank of America, les gens qui gagnaient 32 000 $ ou moins avant la pandémie peuvent désormais percevoir des revenus plus élevés que ce que leur rapportait leur travail, grâce aux indemnités de chômage.
Cela signifie que les entreprises subissent désormais la concurrence de l’État pour recruter les travailleurs dont elles ont besoin pour remettre notre économie d’aplomb.
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Les mauvais chiffres de l’emploi ouvrent la voie à une poussée d’inflation
En tant qu’investisseurs, l’une des choses les plus importantes est de comprendre l’impact de ce qui se passe dans l’économie réelle sur nos placements.
Parfois, le lien est évident. Parfois, il faut creuser un peu plus pour le trouver.
La première réaction de Wall Street fut de penser que les mauvais chiffres de l’emploi étaient une bonne chose pour les marchés. L’idée est qu’une économie qui tourne au ralenti permet de contenir l’inflation et, par conséquent, permet à la Fed de maintenir des taux d’intérêt bas.
Mais nous avons vu que les entreprises doivent désormais faire face à la concurrence de l’État pour recruter des travailleurs. Elles doivent désormais verser un salaire horaire plus élevé pour attirer les travailleurs.
Face à cette hausse du coût du travail, les entreprises seront obligées de vendre plus cher leurs produits et services.
Ce n’est qu’à ce prix qu’elles pourront continuer à accroître leurs bénéfices.
Vous voyez où je veux en venir ? La hausse des prix est la définition même de l’inflation.
Peu importe ce que dit Jerome Powell : l’inflation est bel et bien là. Elle pénalise déjà les entreprises et renchérit le coût des objets dont vous avez besoin.
C’est une situation frustrante pour tout le monde. Mais ça l’est encore plus si vous êtes à la retraite ou si vous approchez de la retraite, car l’inflation ne concourt même pas à accroître vos revenus. Vous payez plus cher les produits dont vous avez besoin.
Mais rassurez-vous : vous n’allez pas rester les bras croisés à contempler l’érosion de la valeur de votre épargne.
Régulièrement, dans Investissements Personnels, je vous donnerai plusieurs moyens d’annuler (voire d’inverser) l’effet de l’inflation sur votre épargne.