J’ai été témoin d’un crash d’avion.
Parfois les gens voient un faux crash d’avion, par exemple au cinéma ou au journal télévisé. Moi, j’ai vu un avion s’écraser sous mes yeux.
J’ai vu des centaines de personnes mourir sous mes yeux.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je n’en ai jamais parlé auparavant ? Pour une raison évidente que je vais expliquer un peu plus loin.
J’ai vu un avion s’écraser et après ça, j’ai fait des cauchemars.
Pendant la première année, je faisais des cauchemars quasiment chaque nuit. Ces cauchemars revêtaient deux formes.
Soit je voyais un avion s’écraser (de manière évidente). Soit – le plus souvent – je rêvais qu’un raz de marée s’approchait de New York et je courais pour fuir mais je n’avançais jamais assez vite et je me réveillais en panique.
Hyper réaliste !
Pendant la première année, j’ai fait ce cauchemar en moyenne cinq fois par semaine.
Puis, les quatre années suivantes, environ une fois par semaine. Ce n’est que plus tard que, finalement, il a commencé à s’estomper.
Pour une raison que j’ignore, chaque fois que j’emménageais dans un nouvel appartement, je recommençais à subir ces cauchemars.
Ce n’étais pas le cas lorsque je dormais dans des Airbnb.
Je pense que les grands changements qui semblaient permanents déclenchaient ces cauchemars chez moi.
Parce que lorsque vous signez un bail pour un appartement, vous abandonnez en quelque sorte le contrôle de votre vie. Avec les Airbnb, vous avez le contrôle maximum. Vous pouvez partir quand bon vous chante et vous n’êtes responsable de rien.
Je n’avais jamais eu peur de l’avion avant d’assister à ce crash. Les turbulences m’importaient peu, je n’avais jamais peur.
Je pense que c’est évident mais une fois que j’avais vu cet avion s’écraser sous mes propres yeux, le moindre tangage m’est devenu insupportable.
Je me disais qu’il était illusoire de penser que j’avais le moindre contrôle sur les événements de ma vie.
Je n’ai pas pris l’avion pendant environ quatre ans après le crash. Mais lorsque je suis finalement remonté dans un avion, j’ai été surpris par la frayeur que j’ai ressentie.
Au moindre petit trou d’air, j’étais convaincu que nous nous écrasions.
Je ne cessais de penser « plus jamais, plus jamais, plus jamais » et « je ne verrai jamais plus mes enfants ».
Tout au long du vol, je voulais pleurer. Ou demander aux hôtesses si les turbulences étaient normales. Ou je mettais la musique super fort jusqu’à en avoir mal aux oreilles et que mon attention en soit détournée.
C’est alors que quelque chose de magnifique est arrivé.
J’ai vu la série Lost. (Peu importe que vous l’ayez vue ou pas.)
Dans un podcast, un jour, Jerry Seinfeld a dit quelque chose qui ne m’avait jamais traversé l’esprit.
Il a dit : « Les gens aiment une série lorsqu’ils aiment l’endroit où elle se déroule. Lorsqu’ils voudraient ÊTRE à cet endroit. »
Je n’avais jamais considéré les choses comme ça. Je pensais que les gens aimaient une série du fait de son scénario, des personnages, de l’humour, du drame, etc.
Et je suis certain que c’est en partie vrai. Mais je n’avais jamais pensé que des gens puissent aimer une série à cause de l’endroit où elle se déroule.
Et puis j’ai pensé à Lost.
Le plateau de tournage de la scène d’ouverture de la série « Lost »
Dans cette série, à la toute première scène, un avion s’écrase sur une île. Le reste de la série explore les mystères de cette île.
Du tout premier épisode au dernier (que beaucoup de gens ont détesté – ce qui n’est pas mon cas), je voulais être sur cette île. Elle me semblait mystérieuse, magique et belle.
Et je voulais être l’ami de Jack, Kate et Hurley, certains des personnages principaux.
Je les aimais. J’aimais l’île, son côté mystique, qui relevait presque de la « foi ». Cette foi en l’île pouvait apporter de la magie dans une vie. Comme la Force dans Star Wars.
Après avoir vu cette série, j’ai cessé d’avoir peur en avion.
Aujourd’hui, lorsque je prends l’avion, s’il y a des turbulences, je ferme les yeux et je prie.
Je prie que nous nous écrasions. Je prie que les turbulences empirent. Je prie que, d’une façon ou d’une autre, nous nous crashions et que nous atterrissions sur l’île de Lost.
Je sais que ce n’est pas réaliste.
Mais grâce à ça, lorsque les turbulences empirent, je me sens MIEUX au lieu d’être encore plus terrorisé.
J’attends avec impatience les turbulences à la manière de celui qui achète un billet de loto et qui sait qu’il va perdre, mais qui achète en fait quelques instants de rêve : « Et si je gagnais ? »
Et si j’atterrissais sur l’île ?
Chaque turbulence dans la vie peut être vue de cette manière. Le changement peut toujours apporter de la magie.
Comme beaucoup de gens, j’ai traversé nombre de turbulences dans ma vie au cours des vingt dernières années.
Mais à présent, je les attends presque avec impatience. Car je sais que chacune porte en soi les graines de la fortune.
Ces cinq dernières années ont été riches en changements. La plupart de mes amis diraient « trop de changements ».
Des changements effrayants, des changements fous. Des changements qui ne devraient avoir lieu qu’une fois tous les deux ou trois ans ont lieu quasiment chaque mois, voire chaque semaine.
Mais parce que j’ai augmenté mes changements dans tous les domaines possibles, j’ai augmenté les chances que la magie s’opère.
Et la magie s’est bien opérée.
Mais pourquoi n’ai-je jamais écrit à propos de ce crash d’avion dont j’ai été témoin ?
C’est l’évidence. Je prenais le petit-déjeuner au World Trade Center le 11 septembre 2001. Je rentrais chez moi, je marchais sur Church Street. Il était 8h45 ce matin-là.
Mon associé, Dan Kelly, se tourna vers moi et me dit : « Le président vient en ville aujourd’hui ? » Parce qu’il y avait cet avion qui volait si bas (à 200 m d’altitude), le long de Church Street.
Puis il passa juste au-dessus de nos têtes. Tout le monde se précipita à terre parce que 200m d’altitude, c’est très bas.
Et puis, nous l’avons vu s’écraser droit dans le World Trade Center.
Pourquoi n’ai-je jamais vraiment écrit là-dessus ? Parce que beaucoup de gens ont vécu bien pire ce jour-là et que ce n’est pas mon histoire.
Mais cela a déclenché chez moi des cauchemars et une peur bleue de l’avion. Les cauchemars ont disparu au bout de cinq ou six ans.
Mais avec la peur de l’avion, j’ai appris quelque chose.
Je dois TOUJOURS envisager le pire scénario. M’écraser.
Ou me planter lorsque je suis sur scène. Personne ne veut s’écraser. Personne ne veut se ridiculiser sur scène. Tout le monde veut que tout fonctionne à la perfection.
Mais ce n’est pas ainsi que le monde fonctionne. La vie est dure.
Nous ne pouvons pas la maîtriser. Mais on veut croire qu’on le peut.
C’est pour cela que fleurissent tous ces livres débiles du genre Le Secret. Il est faux de croire que nous pouvons avoir des billets gagnants rien qu’en les souhaitant.
Mais si vous faites le contraire de ces livres portant sur le « contrôle » ou la « loi de l’attraction », c’est alors que peut naître une belle vie.
Souvent la véritable magie – la douceur que nous avons peur de goûter – se niche dans l’amertume et l’horreur de la réalité. C’est là que se trouve la véritable foi.
Et je suis un magicien.