« Pourquoi sommes-nous addicts ? » ai-je demandé à mon ami.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Mes enfants ne savent même pas qui sont les Beatles. Tout ce que tu écris, tout ce que j’écris sera oublié trois jours après notre mort », ai-je répondu.
Je suis accroché à mon passé. J’ai peur de mon avenir.
Le passé est souvent trop douloureux. C’est comme un abécédaire de moments difficiles.
Je veux en rassembler les lettres pour en faire quelque chose de sensé. Afin que je puisse vivre. Vivre à jamais.
Voici pourquoi j’écris.
Pour attirer l’attention
J’étais un espion.
J’écrivais : « David aime Joanne. Il la fixe du regard. » Ou encore : « Lori aime Jimmy. » Et aussi : « Jennifer aime Robert. »
J’étais en CM2. J’avais apporté un cahier à spirale. Le métal au bout de la spirale dépassait un peu et me piquait la peau.
Chaque fois que je remarquais que deux élèves dans la classe se regardaient, je le notais.
Tomber amoureux, c’est un vrai mystère !
Tout le monde voulait voir mon cahier. Tout le monde voulait savoir qui aimait qui. « Qui m’aime ? » C’est une question que je me pose encore aujourd’hui.
Je ne laissais personne consulter mon cahier. « C’est privé ! »
Finalement, la maîtresse a demandé : « Qu’est-ce que c’est que ce cahier ? Montrez-le-moi ! »
Elle l’a ouvert. A lu une page, deux pages, trois pages. Puis elle l’a refermé en me disant : « N’apportez plus jamais ce cahier en classe. »
C’était la première fois que j’écrivais pour un public. Et la première fois que quelqu’un me détestait pour quelque chose que j’avais écrit.
La dernière fois que cela est arrivé, c’était il y a tout juste quelques minutes. (« Ce type est débile et ses élucubrations sont stupides », vient d’écrire en commentaire une personne sur mon blog.)
Encore aujourd’hui j’écris pour attirer l’attention. J’espère avoir assez confiance en moi pour ne pas avoir besoin de l’attention des autres pour être heureux.
Mais si je suis honnête, j’en ai besoin. J’en ai vraiment besoin. Et je n’aime pas ça chez moi.
Pour paraître intelligent
La première fois que j’ai signé un contrat d’édition, c’était lorsqu’un éditeur, ami de mes parents, m’a dit qu’il publierait un livre sur le Rubik’s Cube si je l’écrivais.
J’avais 13 ans. J’ai commencé à écrire le livre. J’ai crié sur tous les toits que j’allais être un auteur publié. Je voulais que tout le monde reconnaisse mon intelligence.
Puis Sanford, l’éditeur, est allé en prison.
Il était également dans le commerce de l’acier. Il soudoyait les gens qui lui livraient de l’acier pour qu’ils lui en donnent un peu plus. Je n’ai jamais vraiment compris comment ça fonctionnait.
Aujourd’hui encore, je veux qu’on me voie comme quelqu’un d’intelligent. Si vous êtes un écrivain honnête et sincère, les gens pensent parfois que vous êtes intelligent, mais ils pensent plus souvent que vous êtes stupide.
Lorsque j’ai dit « À mon avis, les jeunes ne devraient pas aller à l’université » ou « À mon avis, il vaut mieux ne pas être propriétaire de sa maison« , beaucoup de gens pensent que je suis stupide.
Remarque importante : ne dites pas des choses intelligentes de but en blanc. Racontez une histoire où vous incorporez les faits intelligents. Soyez un écrivain, pas seulement intelligent.
Je pense pouvoir supporter que des gens pensent que je suis stupide. J’ai un peu plus confiance en moi – juste un peu plus.
Pour plaire aux femmes
À 21 ans, j’ai vu Mark Evenson prétendre être un écrivain et sortir avec Jen Min.
Je ne me souviens pas du nom des personnes que j’ai rencontrées hier, mais je me souviens encore de Jen Min. Peut-être parce que j’étais amoureux d’elle, quoi que cela veuille dire.
Et peut-être que Mark n’a jamais rien écrit, mais il avait lu Ulysse, fumait des cigarettes et me paraissait « cool ». Il était un « écrivain » et je voulais en être un aussi.
Je me suis donc mis à écrire. J’écrivais chaque jour, 3 000 mots par jour. J’ai écrit un roman, Le Livre de David. Puis un autre roman, L’Auteur porno, le romancier, la prostituée et leurs amants. Puis un autre encore, Le Livre d’Orphée (à l’époque j’aimais bien les titres qui commençaient par « Le livre de »).
Puis j’ai écrit encore un autre roman. En tout, j’ai écrit une quarantaine d’histoires.
Avec les femmes, je n’étais pas du tout sûr de moi. J’étais toujours le garçon souffrant d’acné, aux dents baguées, aux grosses lunettes, aux cheveux en bataille et à l’hygiène douteuse.
Si seulement je pouvais publier un livre, pensais-je, je serais heureux, je serais un véritable être humain et les femmes m’aimeraient bien – peut-être même m’aimeraient-elles, tout court.
Est-ce là une bonne raison d’écrire ?
Peut-être.
Ecrire requiert beaucoup de compétences secondaires.
Raconter une bonne histoire dans laquelle les gens peuvent se reconnaître est l’une d’entre elles. Pour raconter une bonne histoire, il faut avoir quelque chose de « différent » et quelque chose de « semblable ». Par « semblable », j’entends quelque chose dans lequel les gens peuvent se reconnaître et par « différent », j’entends quelque chose qui vous rende unique et vous démarque des autres.
J’ai peur du jour où j’arrêterai d’écrire.
Les femmes cesseront-elles de m’aimer ?
Attendez une seconde, je vais lui demander…
OK, je viens de lui poser la question.
Je me suis penché sur elle et elle a ôté son oreillette.
« Si j’arrête d’écrire, est-ce que tu cesseras de m’aimer ? »
« Bien sûr que non, m’a-t-elle répondu et, parce qu’elle sait que j’aime ça, elle m’a caressé la joue. Elle jeta un œil à mon écran d’ordinateur et lu ce que j’étais en train d’écrire. Qu’est-ce que tu écris ? Ça veut dire quoi ‘Attendez une seconde je vais lui demander’… ? »
« Je devais te poser la question avant de pouvoir continuer mon article. »
« Je ne pense pas que tu puisses cesser d’écrire, me dit-elle. Est-ce que tu cesseras de m’aimer si je cessais de parler ? »
« Si seulement », me suis-je écrié. Elle a ri et est retournée à son film.
Pour être un expert
Ryan Holiday a dit, dans un excellent article : « S’IL VOUS PLAÎT, cessez d’écrire vos livres comme s’ils étaient votre nouvelle carte de visite professionnelle. »
Il a raison. Et, comme quasiment pour toutes les opinions qu’on peut avoir, il a tort.
Ce qu’il veut vraiment dire, c’est ceci : cessez d’écrire des livres minables de développement personnel pour entrepreneurs et qui n’apportent rien de nouveau au monde.
N’écrivez pas juste pour avoir plus de contrats de consultant ou de conférences. Dites quelque chose de NOUVEAU afin qu’on puisse vous dire plus tard : « Votre livre a changé ma vie. »
Si les gens ne peuvent pas vous dire cela… n’écrivez pas.
Certes, je comprends. Être auteur permet d’être invité à plus de conférences. Mais soyez cette personne qui sauve des vies. Ne soyez pas ennuyeux.
Si vous écrivez un livre de développement personnel pour entrepreneurs, écrivez sur vos échecs et comment vous les avez surmontés.
Écrivez sur le moment où vous avez tout perdu et les étapes que vous avez entreprises pour repartir de zéro. Comment vous avez souvent trébuché tout au long du parcours.
Comment vous avez souvent déçu les gens et vous êtes senti coupable et honteux.
Comment vous vous êtes senti gêné de dire la vérité sur vos échecs.
Et puis comment vous avez à nouveau échoué.
Racontez toujours une histoire.
Tout le monde devrait écrire un livre. Mais n’écrivez pas de mauvais livre. Ou, si vous le faites, écrivez-en un deuxième puis un troisième pour vous améliorer.
Pour partager des choses qui aideront les autres
Lorsque j’ai fini mon premier livre, j’ai été licencié.
Je déteste me dire que j’écrivais des livres de finances barbants. Mais c’est ce que j’ai fait et j’en suis désolé.
Mais celui-là était amusant. Il était intitulé Trade Like a Hedge Fund.
J’y révélais absolument toutes les techniques que j’utilisais pour mon day trading. J’ai donné tous mes secrets. J’ai encore cette mauvaise habitude. J’aime tout partager.
Les gens ont pensé que j’étais fou. Et mon patron à l’époque a cru que je lui avais volé ses idées.
Il m’avait dit : « Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi d’un point de vue financier. »
Je lui ai répondu : « C’est trop tard, tu me dois beaucoup d’argent grâce aux bénéfices que j’ai générés pour toi. » Il m’a donc envoyé un chèque ce jour-là et depuis nous ne nous sommes plus jamais adressé la parole.
J’avais effectivement partagé toutes mes techniques.
Les gens me disent tout le temps (hier encore) : « Pourquoi partages-tu autant ? »
Parce que je m’en fiche. J’aime partager.
Lorsque j’avais 12 ans, j’ai apporté un sachet de bonbons à l’école. J’ai donné un bonbon à tout le monde. Quelqu’un a dit : « Hé ! Finalement les gens aiment James ! »
Je me suis senti humilié et j’ai cessé d’apporter des bonbons.
On n’a pas besoin d’amasser tout l’argent du monde. Pour moi, l’argent est moins intéressant que m’amuser et aider les autres.
Pourquoi seules quelques personnes à Wall Street ou dans la Silicon Valley gagneraient-elles de l’argent ? Pourquoi tant me critiquer si je partage ?
Une personne m’a dit un jour : « Si vous réussissez à ce point, pourquoi ne pas donner de l’argent aux pauvres au lieu de vendre des trucs ? »
Je ne gagne pratiquement rien à vendre mes écrits, comparé à ce que je gagne en investissant. Écrire est une manière très difficile et douloureuse de gagner de l’argent, à moins d’être J.K. Rowling ou John Grisham.
Et je donne peut-être effectivement de l’argent aux pauvres. La plus haute forme de charité est de faire la charité de manière anonyme.
Cela ne regarde que moi. J’ai une technique particulière pour donner. Peut-être qu’un jour, j’écrirai là-dessus.
Mais pour l’instant, j’aime écrire à propos des choses qui m’embarrassent et qui me font sentir honteux.
Pour partager des anecdotes embarrassantes sur moi
« Es-tu sur le point de te suicider ? » me demanda Max en 2010.
« Pourquoi ? »
« Parce que tu partages tous ces trucs embarrassants sur toi. Je me suis inquiété, c’est tout. »
Max a écrit trois excellents ouvrages documentaires.
Et oui, ce que je partage est un SOS. Le suicide est une chose terrible, qui détruit les familles.
Mais j’ai souvent eu envie de me tuer.
Écrire est souvent une manière de tuer cette partie de moi qui veut me détruire.
Lorsque je partage mes histoires et que je vois que les gens s’y reconnaissent, j’ai l’impression de faire partie d’une communauté.
Avant je me sentais très seul, tout le temps.
Et parce que j’ai été élevé comme étant un « génie », il a été difficile pour moi d’admettre les moments où j’ai été si stupide.
Étendu par terre dans la rue à 3h du matin, ivre, avec une fille que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, ruiné, toutes mes entreprises en faillite, avec des employés et des amis qui dépendaient de moi, avec deux petites filles à élever. Stupide.
Parce que je partage, je me sens seul la plupart du temps. Mais je ne me sens pas isolé des autres.
Pour apprendre
Ce n’est pas parce que je savais très bien dire non que j’ai écrit The Power of No.
Après mon livre Choisissez-vous, un éditeur m’a contacté : « Nous publierons tout ce que vous écrirez. Qu’est-ce que vous voulez faire ? »
Je lisais Le Pouvoir du moment présent [NLDR : The Power of Now, en version originale] à ce moment-là et je lui ai donc proposé : « Que diriez-vous de ‘The Power of Now’ mais sans le ‘w’ à la fin ? Je sens que nous n’avons pas besoin de cette lettre. »
« Affaire conclue ! »
J’avais à présent un contrat d’édition.
J’ai du mal à dire non aux gens. Invitez-moi à un mariage et plutôt que de vous dire non, je ne vous parlerai plus jamais, même si vous êtes mon meilleur ami (désolé, Peter !).
Dire non est quelque chose que j’ai dû apprendre à faire toute ma vie. C’est le sujet de ce livre. Toutes les manières que j’ai apprises pour dire non. J’y raconte des histoires.
Ce n’est pas Brad Pitt qui écrira un livre sur la manière de séduire les femmes. Brad Pitt ne peut pas me raconter comment il a galéré toute sa vie pour rencontrer quelqu’un. Je ne peux pas me reconnaître en lui.
Les meilleurs livres sont écrits par des gens qui ont lutté pour y arriver. La seule manière de vraiment apprendre est d’avoir des difficultés, de les surmonter de diverses manières à mesure que vous devez faire face à de plus en plus de difficultés puis de revenir comme une personne changée pour raconter toute votre histoire.
Autrement dit, Star Wars.
Et toutes les autres grandes histoires. C’est ce qu’on appelle l’arc du héros.
Tout bon texte, que ce soit un roman, un scénario de film, un documentaire, un livre de développement personnel, voire un tweet, peut faire appel à l’arc du héros pour que l’écriture soit encore meilleure.
J’écris donc parfois pour devenir le héros. Pour contempler mes difficultés, pour étudier comment je les ai surmontées, pour apprendre comment mieux les surmonter.
Pour faire ma promotion
Parfois, on me demande : « Comment faire connaître mon livre ? »
La seule bonne réponse est : « En écrire un autre. »
Continuez à écrire. Continuez à lire. Continuez à construire un réseau. Continuez à apprendre à gérer l’anxiété. Continuez à gérer les pannes d’inspiration.
Écrire est un marathon. Acquérir une compétence est un marathon. Avoir de la chance est un marathon.
Et c’est douloureux. Cela fait mal de savoir combien d’années nous avons tous devant nous pour devenir de véritables experts et réussir dans ce que nous faisons.
Paul Reiser (star de séries télés, comme Dingue de toi et plus récemment Stranger Things), m’a dit :
« C’est un peu comme si les gens qui commencent à s’améliorer étaient comme des bébés dans le ventre de leur mère. Le fœtus ne se rend pas compte qu’il peut se noyer dans tous les fluides. Mais l’utérus le protège. Il en va de même pour les acteurs et les artistes. Sinon tout le monde abandonnerait dès le début. »
Nous nous effondrerions tous au début si nous nous rendions compte à quel point nous sommes mauvais. Mais quelque chose nous protège.
Peut-être l’amour de ce que nous faisons (c’est pour cela qu’on ne devrait faire les choses que par amour).
Le meilleur moyen de faire connaître son livre est simplement de devenir GÉNIAL. Devenir génial rend tout le reste facile.
Pour aimer
J’ai vu le film 8 Mile et j’ai lu le livre Influence et manipulation de Robert Cialdini le même jour.
Tandis que je regardais 8 Mile, je me suis dit qu’Eminem – peut-être sans s’en rendre compte – utilise pour gagner sa battle de rap EXACTEMENT les mêmes techniques et biais cognitifs que Cialdini.
J’ai adoré 8 Mile. J’ai adoré le livre de Cialdini (il est venu sur mon podcast).
J’ai donc écrit l’article : « Comment obtenir un MBA chez Eminem. »
J’ai adoré le concert des Beatles sur le toit d’un immeuble de Londres. J’ai écrit là-dessus. C’est l’un de mes articles préférés.
Lorsque je me suis rendu compte de ce qu’il m’a fallu pour rebondir après ma dépression suicidaire, j’ai écrit : « Comment être l’homme le plus chanceux de la terre en 4 étapes« . C’est de loin mon article le plus lu.
Je n’écris que sur ce que j’aime. Je n’écris que des histoires tirées de ma vie et qui ont eu un impact sur moi.
Cela me rappelle de faire du stand-up. Je fais du stand-up 3 à 6 fois par semaine depuis l’année dernière.
Chaque mois, je suis 100% meilleur que le mois précédent (du moins je l’espère).
Dernièrement, je me suis rendu compte de ceci : si je m’amuse, le public s’amusera. Il veut se joindre au plaisir que je ressens.
Le public (mes lecteurs) est un scanner. Il sait quand vous vous amusez. Il sait quand vous êtes stressé. Il sait quand vous avez peur de lui. Il sait quand vous l’aimez.
Il vous traitera alors de la manière dont vous le méritez.
Écrire est difficile. Taper sur un clavier est barbant. Le passé est sombre.
Mais si vous ne commencez pas avec l’amour, vous ne terminerez jamais en beauté.
Je suis quelqu’un d’honnête.
J’écris pour que les gens m’aiment. J’écris parce qu’au bout de 25 ans, je suis plutôt doué pour ça et j’utilise cette compétence pour m’aider à communiquer mes désirs, mes sentiments et mes besoins. J’écris parce que je doute de moi, parce que j’ai peur.
Et parce que j’aime ça. J’aime qu’on m’arrête dans la rue et qu’on me dise : « Ce que vous avez écrit a changé ma vie. Merci. »
J’espère que j’aimerai toujours ça. Nous verrons.
L’argent est un effet secondaire de l’écriture (ou de n’importe quel art). Mais on ne peut faire de l’art juste pour l’argent.
Une fois que vous acceptez de l’argent, vous limitez votre carrière et votre croissance.
Rien de mal à ça, mais il faut en être conscient.
Ces deux dernières années, j’ai écrit de la fiction, des documentaires, une autobiographie, un livre pour enfants, des scénarios pour la télévision, une BD, et j’ai aidé beaucoup d’autres personnes à écrire.
J’espère ne jamais m’arrêter. Mais je ne prédis jamais l’avenir.
J’adore ça.