Steven Wright est humoriste ; il aide Louis C.K. à écrire ses émissions télé. C’est la SEULE personne à laquelle Louis C.K. fait confiance pour ce processus.
Voici une réplique de Steven Wright – à lire d’un ton monocorde et pince-sans-rire :
« Le monde est petit, mais je n’aimerais pas avoir à le repeindre. »
Hier, j’ai lu que Steven Wright avait lu tous les écrits de Kurt Vonnegut.
Youpi !
Je pense avoir lu toute son œuvre moi aussi.
Une fois encore, je suis directement lié à Louis C.K. Nous sommes frères de sang, lui et moi, aucun doute.
Kurt Vonnegut a écrit près de 20 best-sellers. Le Berceau du Chat fait partie des livres à lire pour les lycéens américains. Je l’ai moi-même adoré.
Pourtant… Kurt Vonnegut était un raté. [Lire aussi : Comment être un loser efficace]
En 1968, après 20 ans passés à écrire, tous ses ouvrages étaient épuisés. Il n’avait plus d’argent. Personne ne le connaissait. Personne ne s’intéressait à lui. Sa carrière était finie.
Certains de ces livres sont plus tard devenus d’énormes succès : Le Berceau du Chat, Les Sirènes de Titan, Nuit Mère, et ainsi de suite.
J’ai parlé à Casey Neistat, qui comptabilise plus d’un MILLIARD de vues sur YouTube. Il voulait être cinéaste. Aurait-il réussi à Hollywood ?
« Mes premiers films ne valaient rien. Je fais ça depuis 15 ans », m’a-t-il dit. Je fais en sorte que chaque 24ème de seconde, dans tous mes films, fasse avancer l’histoire. »
Casey ne s’est pas laissé arrêter par les gardiens du temple hollywoodien. Tous les jours, il fait une vidéo et la met sur Internet. Et tous les jours, 500 000 personnes regardent ses vidéos.
« Je me fiche de ce que pensent les autres, dit-il. Les artistes originaux s’en fichent. »
Moi, malheureusement, je ne m’en fiche pas. J’y accorde trop d’importance. À tel point que je m’enfouis la tête sous mon oreiller. Je sais pourtant que je ne devrais pas m’en inquiéter.
Parfois, j’ai l’impression d’être un enfant parmi tous ces gens que j’admire.
Lorsque j’ai quitté le studio de Casey, tout mon matériel m’est tombé des mains. J’ai oublié mon téléphone. Il a dû courir après moi. J’accorde une telle importance à l’opinion des autres que j’en deviens nerveux.
Kurt Vonnegut, lui, dépendait des gardiens du temple : les maisons d’édition et les librairies.
Enfin, il a publié un livre que l’industrie a jugé acceptable (Abattoir 5). Tous ses livres ont commencé revenir en circulation et, peu à peu, il est devenu l’un des auteurs les plus vendus de l’histoire.
À mon avis, voilà ce que font tous les grands artistes…
Ils ont une ancre émotionnelle très forte à laquelle rattacher leur œuvre.
Kurt Vonnegut, pour sa part, a été profondément affecté par le bombardement de Dresde, en Allemagne, où il était prisonnier de guerre.
Environ 130 000 personnes sont mortes en une journée sous les bombes incendiaires. À titre de comparaison, Hiroshima a fait 90 000 victimes. Kurt Vonnegut a survécu et a ensuite participé à extraire les corps des décombres.
Une fois qu’il a donné un point d’ancrage à un livre (Abattoir 5, par exemple, est ainsi « ancré » à l’un des moments les plus effroyables de sa vie), il peut ensuite faire ce qu’il veut : voyager dans le temps, visiter d’autres planètes, faire de l’auteur un personnage secondaire du livre – toutes sortes d’expérimentations.
Peu importe où il nous entraîne : il peut toujours revenir à son point d’ancrage lorsque c’est nécessaire, et ainsi nous remettre dans l’émotion.
Pas d’ancrage émotionnel = pas d’art. Pas de sens.
Un autre exemple : la série des romans Harry Potter, de J.K. Rowling.
L’ancrage émotionnel : un orphelin, maltraité par ses proches, veut se sentir aimé.
Folie : allons tous à l’école des sorciers pour combattre la magie noire !
Un autre exemple : Carrie, de Stephen King.
Ancrage : une adolescente rejetée par ses pairs et sous la coupe de sa mère ultra religieuse et stricte.
Folie : il pleut du sang sur les élèves lors du bal de fin d’année.
Aucun de ces écrivains n’utilise de langage compliqué. Ils ont l’ancrage émotionnel. Ensuite, ils se lâchent. Ils ne sont pas « diplômés » en écriture : ils écrivent, tout simplement.
Parfois, j’ai peur. Je sens que mon ancrage émotionnel est le fait d’avoir perdu tout mon argent de 2001 à 2002… puis de l’avoir récupéré. Bla, bla, bla, j’étais suicidaire. Bla, bla, bla, écrivez 10 idées par jour. Soyez reconnaissant.
Assez !
Il y a une limite au nombre de fois où je peux en parler. À force, cela devient ennuyeux.
Au quotidien, l’art et l’innovation se trouvent juste au dehors de votre zone de confort – votre prison émotionnelle.
Lorsque Vonnegut a abandonné son ancrage émotionnel, ses romans ont commencé à en souffrir, à mon avis.
Il a essayé d’écrire pour plaire à un public au lieu de continuer à explorer et à sortir de sa zone de confort.
Quels sont vos points d’ancrage émotionnels ? Quels événements lient le récit de votre vie à la chose qui a totalement détruit votre idée de vous-même ?
Il peut s’agir de bouleversements… ou de petits riens.
Ce sont les moments où vous vous choisissez vous-même.
Les conseils de Vonnegut sur l’écriture sont une lecture indispensable pour quiconque veut créer ou innover, ou explorer.
J’espère quand je serai grand que je pourrai un jour être aussi bon que Casey, ou Vonnegut, ou Steven Wright (ou encore – chut – Louis C.K.).
En fait, voici un dernier conseil sur l’écriture de la part de Louis C.K.
Je l’ai entendu lors d’une interview avec Tim Ferriss et B.J. Novak.
Louis CK a dit : « Si vous pensez à quelque chose trois fois en une semaine, il faut l’écrire. »
Ce pourrait être un bon raccourci pour trouver votre point d’ancrage émotionnel (dès cette semaine).