Difficile de nier l’importance historique du phénomène que sont devenus le Bitcoin et les crypto-monnaies. Dépassé par son ampleur, l’État n’a pu que constater l’éclosion et le développement extrêmement rapide d’une monnaie concurrente à celle qu’il émet et sur laquelle il n’a – jusqu’à présent – aucun contrôle.
Regardez dans le rétroviseur : voyez depuis 2008, date à laquelle le mystérieux Satoshi Nakamoto l’a créé, le chemin parcouru par le Bitcoin. En moins de 10 ans, il est devenu un sujet de débat mondial, il a engendré une industrie qui pèse des milliards de dollars et il est en perpétuel développement.
L’État et les institutions, qui avaient minimisé son impact il y a quelques années, qui n’ont eu de cesse – et qui continuent – de le dénigrer, ont bien dû se rendre à l’évidence : le Bitcoin fait désormais partie de nos vies.
J’assistais mercredi soir à une conférence donnée par Yorick de Mombynes, haut fonctionnaire et co-auteur d’un rapport sur les crypto-monnaies pour l’Institut Sapiens intitulé Bitcoin, Totem et tabou.
Il résume cette irruption du Bitcoin et des cryptos dans nos existences par cette formule : « Le génie technologique et monétaire s’est échappé de la lampe, et rien ne l’y fera rentrer. »
Les crypto-monnaies donnent en effet l’impression de devenir plus fortes à mesure qu’elles sont attaquées et le Bitcoin en particulier fait montre d’une solidité à toute épreuve.
À l’échelle de l’Histoire, ces nouvelles monnaies numériques ont connu une ascension à nul autre pareil.
Elles se heurtent cependant à divers obstacles qui repoussent leur généralisation, parmi lesquels la défiance qu’elles inspirent au grand public.
En janvier dernier, je vous racontais dans Investissements Personnels mon savoureux dîner de Noël qui s’était transformé en conférence-débat autour des crypto-monnaies. Mon oncle, ma tante et mon beau-frère y étaient allés de leur avis plus ou moins éclairé sur le sujet, et je m’étais délecté de la scène qui m’était offerte par ce panel sans doute assez représentatif de l’idée que l’on se fait du « grand public ».
Alors qu’est-ce qui fait peur, au juste, à ces (nombreux) réfractaires au Bitcoin ?
Comment les convaincre ? À la faveur de cette conférence, dressons un état des lieux.
La confiance s’acquiert au fil du temps
Comme dans une relation amoureuse, il faut se connaître pour se faire confiance. À l’heure actuelle, le sentiment de défiance à l’égard des crypto-monnaies est encore très prégnant. C’est parfois de l’ignorance, plus souvent de l’incompréhension.
Il est vrai que le monde des cryptos est encore énigmatique pour une grande partie de la population. Les interfaces des plateformes d’échange sont à elles seules un langage à décrypter, et les portefeuilles/wallets sont encore trop difficiles à utiliser pour un profane…
Mais chaque jour les outils évoluent au rythme de la technologie. Et la marge de progression est immense.
« Si tu le dis ! raillerait mon oncle…
… Mais les crypto-monnaies sont trop volatiles »
C’est effectivement un frein considérable à leur développement. Les explosions des cours, puis les baisses tout aussi soudaines – largement relayées par les médias – ont tôt fait de refroidir les utilisateurs intrigués ou les investisseurs prudents.
Et même si cette volatilité fait le bonheur de ceux qui l’utilisent à bon escient, il faudra qu’elle s’estompe quelque peu pour rassurer le bon père de famille.
On peut malgré tout y voir du positif. Yorick de Mombynes rappelle : « Certains économistes comme Carlota Pérez montrent bien que la spéculation finance le progrès technologique et la recherche. »
« Mouais…, bougonnerait ma tante. Faut pas oublier que…
… Le Bitcoin sert à financer les activités criminelles »
Sans doute. Un peu. Beaucoup moins qu’on l’imagine. Partons du principe que lorsque la rumeur s’est déjà propagée, les vrais gros poissons sont allés nager ailleurs.
Les crypto-monnaies sont très certainement utilisées dans le cadre de trafics ou de blanchiment d’argent. Mais ce n’est pas une très bonne idée : sur la blockchain, tout est traçable. Yorick de Mombynes précise : « Si à un moment [le criminel] fait une transaction avec des monnaies FIAT en révélant son identité, tout le reste est traçable et des moyens de police un peu performants le retrouvent assez facilement. »
Soyons réalistes : les crypto-monnaies ne favorisent pas la criminalité. Supprimez-les, et les petites frappes qui l’utilisent encore trouveront un nouveau terrain plus propice.
« La bonne vieille valise de cash a de beaux jours devant elle« , conclut le haut fonctionnaire.
« Bon, je te l’accorde, cèderait enfin mon beau-frère…
… Mais le Bitcoin est une pyramide de Ponzi ! »
C’est l’une des hypothèses avancées par les détracteurs du Bitcoin. Elle n’est pas recevable. « Par définition, pour fonctionner, son mécanisme doit être secret. Bitcoin, son protocole est Open Source. Tout le monde peut le lire, il a été audité par des milliers de personnes. La blockchain est un registre public. Donc il n’y a rien de secret », explique Yorick de Mombynes.
Cela étant dit, rien ne doit nous abstenir de redoubler de vigilance face aux nouvelles crypto-monnaies qui apparaissent chaque jour. Celles-ci peuvent en effet se révéler de véritables pyramides de Ponzi. On se souvient de BitConnect qui ferma en janvier dernier à la suite d’un scandale sans précédent. Et nos experts en crypto-monnaies James Altucher et Kamal Ravikant répètent à l’envi que 96 % des crypto-monnaies sont des arnaques.
« Mon fils, je suis désolé mais…
… C’est quand même extrêmement énergivore ! »
Une étude a récemment démontré que les mineurs de Bitcoin consommaient environ 8,27 térawatts-heures par année. C’est en effet énergivore car cette sécurisation inédite demande une grande quantité de ressources.
Mais de nombreux mécanismes vertueux se mettent en place et la recherche travaille chaque jour à la création de nouvelles sources d’énergies renouvelables.
Et puis, jouons le jeu de la vraie révolution. Le Bitcoin et les crypto-monnaies ne proposent-ils pas une alternative aux monnaies fiduciaires et à l’or ?
Ainsi, selon cette même étude, la production mondiale de billets et de pièces consommerait 11 térawatts-heures par année. Quant au minage de l’or, il absorberait 132 térawatts-heures par année.
Si les crypto-monnaies se substituaient au système monétaire actuel – car c’est bien ce rêve qui fut fondateur du projet originel – on consommerait moins d’énergie.
Sans oublier les data centers, les déplacements en agence, les camions de transports de fonds ou les immenses bureaux des banques et des intermédiaires financiers…
La réglementation ne peut-elle pas briser ce rêve ?
Comme je le disais en introduction, les États ont mis du temps à s’intéresser à ce qu’ils ont longtemps considéré comme une tendance éphémère. Quant aux banques, qui avaient dénigré dès le début ces monnaies numériques parce qu’elles représentaient une menace pour leurs intérêts, elles ont depuis retourné leur veste.
Il fallait donc s’attendre à ce que la réglementation vienne perturber ce marché – cet idéal – trop libre pour les autorités.
Le 26 avril dernier, l’État français a adouci quelque peu la fiscalité applicable aux gains effectués sur les crypto-monnaies. Mais il a également ajouté de nouvelles ambiguïtés à une réglementation déjà bien floue. Et de nombreuses incohérences demeurent. « Payer des impôts sur les échanges entre cryptos ? Voilà qui est très contestable« , tranche Yorick de Mombynes.
Cependant, le discours politique est en train d’évoluer – et plutôt du bon côté de la Force. Des rapports sont en préparation, une nouvelle loi de finances doit être présentée à l’automne par le gouvernement qui pourrait optimiser la fiscalité applicable aux crypto-monnaies.
Est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
Oui : les réglementations rassurent le grand public, celui précisément qui fait preuve de défiance. Et celui qui pourrait faire basculer les crypto-monnaies dans une autre dimension.
Où en est-on de cette « révolution Bitcoin » ?
Aux prémices. Car la marge de progression est gigantesque. Le Bitcoin convainc chaque jour de nouveaux adeptes parce qu’il suffit qu’on parle de lui pour qu’on l’adopte. Critiqué de toutes parts, la fascination dont il est l’objet attise l’intérêt des gens, qui finissent par s’informer, comprennent le principe puis prennent conscience de sa force.
Le Bitcoin sait faire peu de choses mais il le fait bien. Il a donné les preuves de son efficacité, il n’a jamais été piraté et les meilleurs développeurs du monde préfèrent y contribuer plutôt que de chercher à le détruire – car il perdrait ainsi toute sa valeur instantanément.
La mère des crypto-monnaies a donc toutes les raisons de devenir la première monnaie numérique universelle ; mais nombreuses sont les crypto-monnaies qui pourraient tirer leur épingle du jeu. Pourquoi ? Parce que certaines d’entre elles se proposent de répondre mieux que le Bitcoin à ce que l’on appelle un « cas d’utilisation ».
Ainsi, nous faisons le pari que plusieurs crypto-monnaies vont coexister, chacune dans un secteur bien spécifique. Comment les repérer ? C’est ce que font James Altucher et Kamal Ravikant dans notre service Altucher Crypto Trader.