La réussite financière est-elle due au talent… ou à la chance ?

Il y a quelques années, l’un de mes confrères et amis, Mark Skousen, m’a demandé si je voulais participer à un débat avec Robert Frank, lors de sa conférence FreedomFest à Las Vegas.

J’ai accepté.

Robert Frank contribue à la rubrique économique du New York Times et a écrit plusieurs livres, notamment Success and Luck : Good Fortune and the Myth of Meritocracy.

Dans ce livre, Frank met en avant une théorie qui donne à réfléchir : si votre réussite financière est telle que votre revenu et votre patrimoine vous rangent parmi les 1% ou 2% les plus riches du pays, le facteur décisif n’est ni le talent, ni l’éducation, ni le dur labeur, ni la prise de risque, ni la persévérance, ni la résilience, ni aucun de tous ces facteurs – mais tout simplement la chance.

Après avoir lu ce livre, j’ai interrogé certains membres de ma famille, amis et voisins. Et j’ai découvert qu’à quelques exceptions près, les gens qui avaient extrêmement bien réussi sur le plan financier considéraient que la théorie de Frank était fausse. Ils pensaient que le dur labeur et la persévérance étaient des facteurs décisifs, en matière de création de richesse.

En revanche, presque tous les hommes et femmes dont la réussite financière était modeste étaient tout à fait d’accord avec cette théorie.

Les psychologues diraient que c’est parce que les êtres humains ont tendance à être très orgueilleux et à éviter les regrets. Nous avons tendance à nous octroyer le mérite des choses positives que nous accomplissons au cours de notre vie, et à attribuer celles qui sont négatives à des circonstances indépendantes de notre volonté.

Toutefois, j’ai découvert un autre schéma intéressant…

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Une différence au cœur du bipartisme américain

Ceux qui se disent progressistes ont tendance à être d’accord avec la théorie de Frank, mais pas ce qui se disent conservateurs et libertariens. Et c’est au cœur des différences politiques existant entre les deux grands partis américains.

Les démocrates pensent en général que votre situation financière dans la vie est essentiellement déterminée par votre appartenance à un groupe, et à votre milieu social, à savoir si vous êtes né homme ou femme, noir ou blanc, riche ou pauvre, etc.

Les républicains ont tendance à penser que, quel que soit le contexte – favorisé ou défavorisé – dans lequel vous êtes né, votre situation financière est surtout déterminée par votre volonté de vous instruire, de travailler dur et d’assumer la responsabilité de vos actes.

C’est une généralisation, bien entendu, mais elle est plutôt exacte, d’après mon expérience.

Ces pensées transparaissent lorsque les démocrates plaident en faveur d’une hausse des impôts sur « les riches » ou quand l’ex-président Obama parle « des gagnants à la loterie de la vie ». Les républicains, en revanche, parlent souvent de « responsabilité individuelle » ou du fait que la richesse soit le résultat « d’un succès mérité ».

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La chance (ou la malchance) joue un rôle essentiel dans nos vies

La vérité, bien entendu, c’est que la chance ou la malchance joue un rôle dans la vie de tout le monde.

En premier lieu, vous êtes immensément chanceux d’être né, tout simplement.

Vous êtes extrêmement chanceux d’être né à l’ère moderne. Car tout au long de l’Histoire de l’humanité, nous avons vécu au bord de la famine dans un monde extrêmement dangereux.

(Ces 2 000 dernières années, personne ne se souciait de sa retraite car personne ne vivait aussi vieux. La plupart des gens mouraient avant l’âge de 25 ans de causes non naturelles.)

Il y a encore 200 ans – soit 6 000 ans après l’apparition de l’agriculture – 85% de la population mondiale vivait avec l’équivalent de moins d’un dollar par jour.

Aujourd’hui, environ 85% de la population mondiale vit dans des pays en voie de développement. Cela signifie que les chances de naître dans une région hors de cette catégorie sont de 6 contre 1. C’est très important.

Comme l’a déclaré Warren Buffett : « Plantez-moi au beau milieu du Bangladesh ou du Pérou, ou d’ailleurs, et vous verrez ce qu’est réellement capable de produire mon talent dès lors qu’il lui faut s’exercer sur le mauvais type de sol… Je travaille au sein d’un système de marché qui récompense de façon disproportionnée ce que je fais très bien. »

Quels que soient votre succès financier ou vos opinions politiques, rendons justice à M. Frank. Les aléas entourant votre naissance étaient astronomiques.

Et quand bien même, les morts sont 14 fois plus nombreux que les vivants. Et ces milliards de morts ont eu une existence faite d’énormément de privations et de difficultés.

Les gens en vie aujourd’hui n’avaient qu’une chance sur sept de venir au monde en Occident, où des États démocratiques, lois, droits de propriété, infrastructures et systèmes éducatifs de premier ordre ont pavé votre chemin vers la réussite.

De plus, si vous êtes né il y a plus de 50 ans et que vous êtes un homme blanc, vous n’avez probablement pas subi la discrimination institutionnelle qui aurait réduit vos chances de réussite.

Mais également, des milliards d’individus sont nés en Occident – dont beaucoup d’hommes blancs de classe moyenne ou plus favorisée – et la vaste majorité d’entre eux n’a pas connu la réussite financière des millionnaires et des milliardaires.

Serait-il possible que le facteur décisif, pour ces individus et d’autres comme eux, n’ait été que la chance ? La méritocratie est-elle vraiment un mythe ?