Depuis que l’État a cessé d’observer avec dédain l’essor de ces devises numériques qui avaient la prétention de bousculer le système monétaire établi – depuis, surtout, que le gouvernement a compris qu’il pouvait en tirer profit –, la fiscalité appliquée aux crypto-monnaies s’est dissimulée dans un flou juridique que les rapports successifs ont laborieusement tenté d’éclaircir.
Tentatives vaines, pour la plupart, car les acteurs du marché continuaient de réclamer « une fiscalité claire, lisible et stable ». C’est ce que Pierre Person, député LREM et rapporteur du projet de loi de finance a annoncé à Capital dans une interview publiée mardi.
Initialement prévu début juillet, le projet doit arriver d’ici quelques jours à l’Assemblée Nationale et être publié d’ici la fin du mois d’octobre.
Il devrait définir une fois pour toutes les conditions de prélèvements de l’État sur vos plus-values – et il semble que celles-ci soient moins dissuasives.
Une flat tax à 30%
En mai dernier, souvenez-vous, je me risquais à une lecture de la « nouvelle » fiscalité, après que le Conseil d’État avait décidé de déplacer l’imposition des plus-values sur les crypto-monnaies de la catégorie des bénéfices non commerciaux vers la catégorie des biens meubles.
La taxation forfaitaire s’élevait désormais à 19%, soit 36,2% avec les prélèvements sociaux de 17,2% qui restaient, eux, inchangés.
Pour ceux d’entre vous qui remplissaient alors leur déclaration 2017 – en calculant eux-mêmes leurs gains via les prix d’achat et de revente – l’impôt à payer était de 34,5% des plus-values (on ajoutait aux 19% les 15,5% de prélèvements sociaux encore en vigueur en 2017).
Je concluais qu’on pouvait « raisonnablement s’attendre à une optimisation, dès l’automne, de la fiscalité associée aux cryptos ».
Pierre Person vient donc de confirmer ces attentes en annonçant que l’on se dirigeait « vers l’introduction du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30% sur les plus-values réalisées sur les crypto-monnaies ».
La fiscalité pour rassurer les institutionnels
Vous le savez, je soutiens – à contrecœur – que les cryptos ne se démocratiseront que par l’appui des structures institutionnelles auxquelles elles apportaient précisément une alternative.
J’en parlais dans l’article à propos de Bakkt, il y a deux semaines : tout comme les réglementations, ces structures donnent confiance au grand public, celui précisément qui pourrait faire basculer les crypto-monnaies dans une autre dimension.
Pierre Person l’a bien compris, qui s’en félicite : « Je ne veux pas qu’on se lance dans une fuite en avant, il faut de la fiscalité. »
Rappelons que dans d’autres pays, à Malte par exemple, mais surtout tout près de nous en Suisse, la réglementation est autrement plus généreuse. Ce qui fait craindre un exil des acteurs du marché.
Sur ce point, le député LREM est catégorique : « Avoir son entreprise en France est un gage de sérieux. C’est l’assurance d’avoir des mécanismes prudentiels. Cela montre aux investisseurs internationaux que l’affaire est solide. »
Une fiscalité limitative comme promesse de solidité ? Il fallait oser. Mais ne sous-estimons pas l’influence positive de l’encadrement auprès de l’opinion publique.
Le trading entre cryptos encore mal compris
Dans son élan, le rapporteur de la loi finance a tenu à ajouter un deuxième régime pour ceux qui ne sont pas en mesure de prouver le prix d’acquisition : « Il sera calculé sur l’intégralité du prix de cession, un peu à la manière de ce qui se pratique pour l’or. »
En revanche, sur le terrain du trading entre crypto-monnaies qui nous intéresse particulièrement, le gouvernement refuse encore l’obstacle. Ainsi, l’investisseur aura deux possibilités : « Soit il justifiera chacune des plus-values et les soumettra au PFU, soit il n’en sera pas capable et sera soumis à un forfait lors du transfert en euros. »
On n’ose imaginer le casse-tête de l’investisseur qui a diversifié son portefeuille de crypto-monnaies, mais également ses portefeuilles en les répartissant sur différentes plateformes/wallets tel que nous le conseillons, et qui devra désormais préciser et justifier chacune de ses transactions passées…
Devant un tel micmac, il finira par se soumettre au forfait susmentionné lors du transfert en euros, dont on ne connaît toujours pas la teneur.
Espérons que ce sera le cas lors de la version définitive de la loi Finance.
Exonération pour les ICO, pas totalement pour les achats en cryptos
Grande nouvelle pour les levées de fonds via des ICO : ces fonds ne seront plus taxés. Actuellement, ils sont considérés comme du chiffre d’affaires et donc soumis à la TVA et à l’impôt sur les sociétés. Or, comme le souligne Pierre Person, les jetons numériques émis servent à financer un service qui n’existe pas encore. « Il faut donc un report de la fiscalité dans le temps. Si vous levez l’équivalent de 100 millions d’euros, il n’y aura pas de fiscalité dessus. C’est le chiffre d’affaires futur qui compte. »
En ce qui concerne les achats en cryptos, dont je rappelais il y a deux semaines qu’ils sont au centre du cercle vertueux, on avance à pas feutrés. Les législateurs se montrent plus conciliants mais se laissent du répit pour bien comprendre ce qu’ils ont à y perdre et à y gagner.
Ainsi, si Pierre Person surprend en précisant qu’« il faut permettre l’achat en crypto-monnaies, [car] ça peut être une bonne chose pour l’économie », il envisage cependant un plafond au-dessus duquel il faudra appliquer le prélèvement de 30%. Les opérations inférieures à 5 000 ou 10 000 euros par an ne seront pas taxées.
La nouvelle fiscalité conserve certaines de ses parts d’ombre, mais force est de constater que l’horizon s’éclaircit pour les crypto-monnaies.
[Si vous n’êtes pas encore positionné, suivez avec attention les recommandations de James et notre équipe dans Altucher Crypto Trader.]