Les milliardaires me sortent par les yeux. J’en ai interviewé tellement. J’ai passé des milliers d’heures à faire des recherches à leur sujet.
Mince alors, j’ai même conseillé un faux milliardaire pour la nouvelle saison de la série télévisée Billions.
Laissez-moi vous expliquer pourquoi je me déteste.
J’ai toujours cru au principe : « Ceux qui ne savent pas faire enseignent. »
J’ai toujours voulu être de ceux qui agissent, et non un professeur.
Pourtant… je ne serai jamais milliardaire. Cela demande beaucoup d’efforts pour y parvenir. Je suis prêt à faire certaines choses, mais d’autres ne m’intéressent pas.
Par exemple, je n’aime pas rencontrer d’autres personnes. Je préfère rester à la maison pour écrire. Les écrivains deviennent rarement milliardaires.
J’ai créé de nombreuses entreprises. J’ai également investi dans beaucoup de sociétés. Qui sait ? J’aurai peut-être de la chance. Mais ce ne sera sans doute pas le cas.
Mais je suis certain d’une chose : j’ai probablement étudié les milliardaires plus que quiconque. J’ai donc le sentiment de pouvoir expliquer ce qu’il faut faire pour en devenir un, même si je ne peux pas le mettre en pratique moi-même.
Il y a beaucoup de choses que je peux vous apprendre. En voici une : les milliardaires prédisent ET façonnent l’avenir proche.
Je déteste le terme « futurologue ». Il s’agit généralement d’experts qui présentent leurs prédictions à la télévision ou dans un livre. Peu importe si ces prévisions se révèlent vraies ou fausses.
Ces auteurs deviennent des « futurologues professionnels » et sont payés 50 000 dollars pour donner des conférences et parler de l’avenir à des entreprises.
Les milliardaires ne font pas cela.
Ils formulent des prédictions précises sur l’avenir proche puis créent des sociétés en fonction de ce futur.
Jeff Bezos avait anticipé l’essor du commerce électronique. Il a donc créé la plus grande entreprise de vente en ligne du monde.
Sam Walton avait compris que les grandes surfaces dotées de centres de distribution faciles d’accès remplaceraient partout les petites épiceries familiales. Il a donc créé la chaîne de magasins Walmart.
Henry Ford voyait qu’il était possible d’appliquer les principes de la Révolution industrielle au secteur de l’automobile. Il a donc investi dans une chaîne de montage afin d’accélérer la construction des voitures.
Peter Thiel avait prévu que les gens auraient besoin d’un moyen simple et sécurisé pour effectuer des paiements en ligne. Il a donc créé PayPal.
Et la liste n’est pas exhaustive.
Personne n’a jamais fait fortune en créant une entreprise sur la base d’un futur lointain. En revanche, l’avenir proche, c’est-à-dire les cinq prochaines années, mérite d’être examiné de près.
Alors, quelles tendances marqueront les années à venir ?
Au risque de passer pour un « futurologue », je vais vous présenter les dix domaines qui, selon moi, produiront le plus de milliardaires dans un avenir proche (en fait, je ne m’avance pas trop, car certains de ces secteurs comptent déjà des milliardaires ; cependant, je pense qu’il y en aura davantage).
Je ne serai pas l’un d’entre eux, mais peut-être que vous, si.
1) L’économie de l’accès
L’économie de l’accès regroupe tous les business qui s’appuient sur le principe suivant :
- des personnes ont quelque chose à proposer ;
- d’autres personnes veulent y accéder ou en bénéficier ;
- une plateforme relie les deux.
C’est par exemple le cas d’Airbnb, qui fonctionne ainsi :
- des personnes ont une chambre ou un appartement libre à louer ;
- d’autres personnes qui voyagent veulent y accéder ;
- une plateforme relie les deux.
La plateforme doit permettre d’effectuer des recherches et des transactions sécurisées, de publier des commentaires et évaluations, et proposer un service de médiation en cas de litige.
Vous vous demandez pourquoi une plateforme est nécessaire ? Parce que l’absence de transactions sécurisées et de services de médiation posait justement problème avant l’ère de l’économie de l’accès sur les sites de petites annonces comme Craigslist.
On pourrait citer d’autres exemples, tels qu’Uber (voiture avec chauffeur), Fiverr (des personnes qui ont du temps libre proposent des services), 99designs (plateforme de mise en relation avec des graphistes) ou encore WeWork (location de bureaux).
C’est comme l’e-commerce 2.0. Auparavant, les sites comme Amazon fonctionnaient selon le principe « one to many » : une seule entreprise vendait ses produits à de nombreuses personnes. C’était l’e-commerce 1.0.
Mais Uber regroupe beaucoup de chauffeurs qui entrent en contact avec de nombreux passagers ; la plateforme n’est que l’intermédiaire.
Si vous voulez créer la prochaine entreprise qui générera des milliards de dollars de profits, trouvez un nouveau créneau « libre » dans l’économie de l’accès.
Une possibilité serait de lancer un Uber 2.0.
Il existe des personnes qui possèdent un véhicule, mais qui ne veulent PAS devenir chauffeurs Uber ou Taxify. D’autres veulent gagner de l’argent, mais n’ont pas de voiture.
Ces individus ont simplement besoin d’une plateforme qui les met en relation.
On pourrait également créer un journal 2.0. Par exemple, des personnes (qui ont du temps libre) rédigent des articles sur un événement qui vient de se produire, et un journal qui ne dispose pas de journalistes achète les meilleurs articles qui ont été publiés. Ainsi, un journal est alimenté chaque jour (ou toute la journée) par des indépendants.
Ou alors, le revenu 2.0 : des personnes bénéficient de futures rentrées d’argent, et d’autres veulent y accéder pour compléter leurs propres revenus. (Par exemple, imaginons que je sois un programmeur prometteur de la Silicon Valley. Je pourrais vendre 10% de mes futures rentrées d’argent sur cette plateforme de revenus 2.0.)
Que pourrait-on imaginer d’autre ?
2) L’économie de l’abonnement
Netflix, Amazon Prime et les journaux en ligne dont l’accès est réservé aux abonnés en sont la version 1.0.
On pourrait également citer JetSmarter, qui combine les économies de l’accès et de l’abonnement (association d’idées). Cette application fonctionne selon le principe suivant : les clients doivent s’abonner pour pouvoir réserver un jet privé.
Par ailleurs, il me semble que Walmart prévoit de lancer un abonnement de type « Walmart Prime ».
Si vous avez un domaine d’expertise, vous pouvez aussi vendre un abonnement à une newsletter.
Ou alors, placez-vous en périphérie du système : aidez les autres à créer facilement un abonnement à une newsletter, et vendez ce service selon le modèle SaaS (software-as-a-service).
Il existe de nombreux services d’abonnement (Tinder, Canal +, des journaux, etc.), mais je crois que ce n’est qu’un début – en particulier quand on combine ce système aux autres idées abordées dans cet article.
Dans le club de stand-up dont je suis copropriétaire, nous venons de lancer le « LaughPass ». Il s’agit d’un abonnement qui permet de bénéficier de réductions ou d’entrées gratuites non seulement dans notre établissement, mais aussi dans 100 autres clubs américains avec lesquels nous nous sommes associés.
Si vous êtes humoriste, vous pouvez peut-être partir en tournée LaughPass, grâce aux liens établis avec des clubs de stand-up situés aux quatre coins des États-Unis.
On pourrait aussi imaginer un GolfPass, qui donnerait accès à tous les clubs de golf du pays.
Ou alors un BookPass, qui vous permettrait de choisir quatre livres par mois dans n’importe quelle librairie du pays.
C’est un modèle de business qui ressemble beaucoup à l’approche de Warren Buffett (repensez à tout ce qu’il a fait, des coupons blue chip dans les années 1970 aux assurances).
Les paiements sont effectués d’avance (c’est le « fonds de caisse »). Cet argent peut être investi jusqu’à ce qu’il soit utilisé. Il n’est pas forcément utilisé, ou alors il peut l’être plus tard. Dans tous les cas, l’argent placé et l’argent non utilisé représentent les bénéfices.
3) Les innovations monétaires
Le Bitcoin résout les problèmes fondamentaux des monnaies fiduciaires émises par les gouvernements en garantissant :
- le respect de la vie privée ;
- l’absence de contrefaçons ;
- l’absence d’erreurs humaines ;
- un nombre limité d’intermédiaires par transaction ;
- aucune intervention de l’État ;
- un système de contrat et une logistique de base bien plus économiques grâce à la blockchain.
Une fois les premières arnaques éliminées, les crypto-monnaies 2.0 ouvriront la voie à d’autres innovations.
C’est ainsi que nous verrons l’apparition de monnaies mettant l’accent sur la confidentialité. Des monnaies utilisées dans des contextes spécifiques tels que les jeux d’argent, la trade finance, le droit des contrats ou encore la conversion de « points de voyage » (miles aériens) en devise.
Puis des entreprises « pelles et pioches » seront créées en parallèle : des sociétés de logiciels fabriquant ces nouvelles monnaies, des entreprises de médias, des plateformes d’échange peer-to-peer novatrices, etc.
4) Le cannabis
Cette substance sera bientôt légalisée partout. Cela va nécessiter plusieurs aménagements et évolutions : mise en place de systèmes de distribution, supports médiatiques, avis de type Yelp sur les différentes variétés, programmes éducatifs, systèmes de culture hors-sol, usages médicaux, accès à des lieux où l’on cultive le cannabis, etc.
5) Les nouveaux médias
Tout ce qui concerne les médias est déjà du passé.
Les maisons d’édition appartiennent au passé. Elles ont été remplacées par l’auto-édition.
Les chaînes de télévision locales appartiennent au passé.
Et, oui, même Netflix appartient au passé.
Je vais vous expliquer pourquoi. Qu’est-ce que Netflix ?
C’est tout simplement un service très populaire qui se sert de ses bénéfices pour créer des séries télévisées, et nous utilisons ce service pour regarder les séries en question (via notre décodeur TV).
Mais n’importe quel site Web populaire peut faire de même. En fait, plusieurs le font déjà…
Uber diffuse une série TV produite par Spike Lee. Facebook se lance aussi dans la production de séries TV. YouTube diffusait déjà de courtes vidéos réalisées par les utilisateurs, et aujourd’hui YouTube Premium propose des programmes originaux.
Je parie que LinkedIn est le prochain sur la liste.
Pour produire une émission, il suffit de trouver un site Web très populaire et rentable à qui soumettre votre idée. Vous n’avez plus besoin de convaincre l’un des grands réseaux de télévision (médias 1.0) ou les services de streaming (médias 2.0). À présent, vous pouvez vous tourner vers n’importe qui (médias 3.0), même les entreprises qui bénéficient d’une importante liste de diffusion ou d’une forte présence sur les réseaux sociaux.
Si vous associez ceci à l’économie de l’accès, on pourrait imaginer une plateforme mettant en relation des personnes qui ont beaucoup d’idées d’émissions et d’autres possédant l’argent nécessaire pour les produire (ou des sites Web générant beaucoup de trafic).
Vous remarquerez que toutes ces possibilités existent déjà, dans une certaine mesure.
Les milliardaires ne font pas fortune en se montrant totalement novateurs.
Mark Zuckerberg a créé le dixième réseau social – mais le premier à vérifier l’identité de ses membres.
Jeff Bezos a probablement créé la cinquantième entreprise de commerce électronique, mais la première à se diversifier dans différentes catégories de produits (il a commencé avec les livres, avant de vendre des vêtements, des appareils électroniques, des produits d’alimentation, etc.).
L’économie de l’accès est déjà là. Mais avons-nous vraiment épuisé toutes ses possibilités ?
Il se pourrait bien que non, si nous l’associons à l’économie de l’abonnement et aux autres tendances dont je parle dans le dernier numéro des Dossiers d’Altucher.
Nous pourrions également fournir les « pelles et les pioches » nécessaires à leur développement, à l’instar de Richard Branson : il adorait la musique, mais n’était pas un musicien. Il a donc contribué à l’industrie musicale en apportant aux artistes ce dont ils avaient besoin.
Personne ne sait de quoi l’avenir lointain sera fait. Les « futurologues » se trompent très souvent, et les milliardaires s’en moquent.
En revanche, le futur proche existe déjà à moitié. Les milliardaires se chargeront du reste.