Je voulais lever des fonds. Mon voisin me proposa : « Va voir mon boss. Il gère un hedge fund. »
J’ai donc rencontré son patron. Il m’a fait visiter son entreprise. Tout le monde achetait et vendait des actions.
Puis nous nous sommes installés dans son bureau. Les cloisons étaient en verre ; nous pouvions voir tous les employés et eux pouvaient nous voir.
Il s’est assis. « Alors, dites-moi, James. Que puis-je faire pour vous ? »
Il m’impressionnait. Il avait consacré trente ans de sa vie à construire cette superbe société.
Je lui ai décris mon hedge fund et j’ai conclu : « Comme ce n’est pas un type de stratégie que vous suivez, si vous investissez avec moi, ce sera une façon pour vous de vous diversifier. »
« Écoutez, me répondit-il. Vous me semblez être quelqu’un de super. J’aime beaucoup discuter avec vous et nous pouvons travailler avec quelqu’un comme vous. Vous pouvez avoir un boulot ici dès que vous le souhaitez. Mais si vous prenez mon argent, je n’aurai aucune idée de ce que vous en ferez. Si vous le placez dans quelque chose d’illégal, je pourrais avoir des problèmes… La dernière chose dont nous avons besoin, continua-t-il en se désignant, c’est de voir le nom Bernard Madoff Securities, LLC à la une du Wall Street Journal. »
Inutile de rencontrer les gens
Quatorze ans plus tard, j’envisageais d’investir dans une entreprise qui m’intéressait énormément. Elle possédait plusieurs branches.
L’une d’entre elles cultivait sa propre marijuana et était rentable. Une autre vendait de la marijuana au détail dans les États où cela était légal.
Mais j’ai alors mené mes recherches.
J’ai vérifié les antécédents de tous les gens qui y étaient impliqués. Tous avaient été poursuivis à plusieurs reprises après des faillites qui laissaient penser qu’ils avaient détourné de l’argent.
J’ai alors contacté d’autres hedge funds. Un de mes amis me conseilla : « Ne t’approche pas de ces types. C’est dangereux. »
Par conséquent, après une dizaine d’heures de travail, de recherches, de vérifications d’antécédents, etc., j’ai décidé que ce serait un NON DÉFINITIF.
Jeff, mon associé sur ce projet, me dit : « D’accord, c’est non. Mais ils sont venus jusqu’ici pour nous voir alors pourquoi ne pas les rencontrer ? Parlons-leur de tous ces problèmes et voyons ce qu’ils ont à dire. »
« D’accord, lui répondis-je, mais tu dois me promettre une chose. »
« Quoi ? »
« Lorsque je sortirai de la réunion, je voudrai certainement investir avec eux. Je leur poserai toutes les questions mais je suis CERTAIN qu’ils auront réponse à tout. Je sais qu’ils vont réussir à me persuader, continuais-je. Ils vont me convaincre. »
« Mais regarde tout ce que tu as découvert. Tu sais que c’est non. »
« Je ne peux pas m’en empêcher. Je sais qu’ils vont me convaincre. Les yeux dans les yeux, les types de ce genre n’ont aucun problème à me convaincre. Et non seulement ils vont me convaincre, mais en plus je vais essayer de te convaincre coûte que coûte d’investir avec eux. »
[Comment convaincre quelqu’un en 10 secondes]
Nous rencontrâmes donc le PDG et le directeur financier de l’entreprise. Je posais toutes mes questions. Leurs réponses, claires et intelligentes, expliquaient tout.
Des problèmes avec de mauvais distributeurs par le passé. De mauvais courtiers. De mauvais banquiers. De mauvais associés. Le secteur n’était pas encore prêt. Etc.
J’étais convaincu !
« OK, dis-je à Jeff après la réunion. Je sais que j’ai dit un non définitif mais ils font ce qu’il faut faire et le potentiel est énorme. En plus, ils ont sans doute raison à propos de tous les problèmes qu’ils ont connus. Je les ai bien appréciés. Investissons ! »
Jeff me répondit : « Non ! Ils t’ont envoûté. Et TU M’AS DIT que cela arriverait. Nous devons refuser. »
« Mais, ce pourrait être énorme. »
« Et alors ? me répliqua Jeff. C’est NON ! »
Optimisme
Je prenais le petit-déjeuner en compagnie d’un ami milliardaire âgé de 95 ans.
Je m’étais coupé en me rasant et il me tendit une serviette pour mon menton tandis que nous attendions d’être servis. J’étais gêné.
Il me dit : « James, mangez des myrtilles. » Le serveur me servit une montagne de pancakes.
Il me dit : « James, je travaille aujourd’hui de 6h à 22h. Regardez mon agenda. »
Il me montra un carnet tout chiffonné, recouvert de notes.
Il avait créé son entreprise de capital-risque durant la récession des années 1970.
« Ça a été une grosse erreur de la lancer à l’époque. Vous savez qui a essayé de m’en dissuader ? Warren Buffett. Mais je ne l’ai pas écouté. Quatre ans après sa création, j’ai investi 200 000 dollars dans une affaire et 18 mois plus tard, j’en avais 60 millions. Je suis resté optimiste, me confia-t-il. Même si tout allait mal autour de moi. Et vous savez quoi James ? L’optimisme est ce qui m’a aidé à survivre. C’est ce qui m’a permis d’avancer. »
Il était mon ami.
Il me tenait toujours au courant des bonnes affaires qu’il trouvait. « Celle-ci, c’est l’avenir ! »
Absolument toutes ces affaires m’ont fait perdre de l’argent.
Plus tard, je me suis rendu compte qu’en réalité, il retirait son argent de tous ces investissements sans jamais m’en informer. Je me suis senti trahi. Je n’ai plus jamais repris de petit-déjeuner avec lui.
« Sans blague ! » me dit l’un de mes amis des années plus tard. Ça fait 40 ans qu’il escroque des gens. Tu n’es que le dernier d’une longue liste. »
[Comment l’optimisme mène à l’échec]
Il me déteste
Avec Steve Cohen, le producteur de mon podcast, nous avions fait une demande pour que Bernard Madoff participe à notre podcast. Nous pouvions nous rendre sur place ou l’interviewer par téléphone.
Au bout de quelques jours, on a eu notre réponse. C’était non.
« Que fait Madoff toute la journée ? ai-je demandé à Steve. Il passe son temps à fabriquer des plaques d’immatriculation et malgré ça, il nous dit non ? » me suis-je exclamé.
Je me suis senti rejeté. Bernie Madoff me rejetait.
Une fois encore.
Je ne cessais de le pourchasser, dans l’espoir d’être aimé, et il ne cessait de me rejeter comme si j’étais le boutonneux de la classe et, lui, la plus jolie fille de l’école.
Bernie m’avait bien cerné et il aurait toujours le dessus.
[Le meilleur trader au monde a travaillé pour Bernie Madoff]
S’il vous plaît, aimez-moi
J’aime les gens. Et je veux qu’ils m’aiment.
Un jour, un type me demanda d’investir dans son projet de machine à voyager dans le temps. Je le crus.
Je me suis fait avoir tellement de fois. Tant de gens ont profité de moi. Est-ce parce qu’ils ne m’aimaient pas ?
D’après les études, 90% des gens qui ne sont pas doués pour juger les autres croient qu’ils sont bons juges.
Ce n’est pas mon cas.
Je m’appelle James A. et je suis accro, accro au bénéfice du doute que j’accorde à tout le monde. Mon QJ (« Quotient de Jugement ») est très faible.
Mon cœur et mon compte en banque ont été brisés un nombre incalculable de fois à cause de cela.
Le club des milliardaires
Je ne prends plus de petit-déjeuner avec ce milliardaire.
Voilà à quoi ressemblaient ces rencontres.
Chaque matin, se réunissait un groupe de vieux bonshommes en survêtement, lisant le journal, mangeant leurs myrtilles ou d’autres mets.
Tous étaient des milliardaires ou pas loin de l’être. Tous se connaissaient entre eux. C’était comme un cercle secret.
Ils regardaient fixement chaque personne qui entrait, ils la scannaient avec leurs yeux laser.
Ils la décomposaient. Ils ne font confiance à personne.
Je ne pense pas faire un jour partie de ce club. Moi, je fais confiance à tout le monde.
Le plus souvent, je prends mon petit-déjeuner seul.
Lorsque je suis seul, la seule personne que je juge, c’est moi.
Je m’aime bien. Mais, si l’on en croit l’expérience… j’ai probablement tort.