Les bons comptes font les bons amis ! dit le proverbe.
Bien souvent cependant, l’organisation d’un week-end entre copains devient un véritable casse-tête.
« Antoine a payé l’essence, moi les péages et Cyril a fait les courses. Mais Virginie a dû faire un tour au supermarché samedi pour renouveler les stocks. Quant à Emilie, elle est repartie en TGV dimanche matin donc il ne faut pas la compter dans les frais du retour en voiture… Qui fait le calcul ? »
Et une fois que l’ingénieur du groupe s’est fatalement attelé à la tâche et que le résultat a fini par convaincre les plus sceptiques, il faut encore s’accorder sur le mode de remboursement.
— « Ça te va si je te fais un virement ? Envoie-moi ton RIB par e-mail. Tu n’es pas encore enregistré en tant que destinataire auprès de ma banque, donc tu le recevras en fin de semaine.
— Dans ce cas-là, je préfère que tu me rembourses en cash. Tu peux retirer de l’argent dans le coin ?
— D’accord, tu as de quoi faire l’appoint ? »
À l’heure du tout numérique, il fallait bien que la technologie vienne soulager nos cerveaux las et exsangues…
Mon week-end d’anniversaire cashless
Il se trouve que je reviens de l’anniversaire d’un ami qui avait lieu dans la maison de ses parents, en pleine campagne. Son jeune frère avait pris en main l’organisation de l’évènement. Lui ne s’est absolument pas embarrassé de ces réflexions chronophages.
Rassembler une cagnotte pour le cadeau commun ? Tout le monde a participé en ligne sur Leetchi.com.
Équilibrer les dépenses de chacun pour le transport et les courses ? L’application mobile Tricount s’est chargée du calcul.
Rembourser les dettes que l’un doit à l’autre ? « L’application mobile Lydia permet de le faire en deux minutes », même le week-end. Il suffit d’avoir le numéro de mobile de votre destinataire.
Et puisqu’on ne négocie pas avec la technologie, la gestion des comptes par le jeune frère a fait l’unanimité.
Le marché regorge de ces applis mobiles ou de ces sites qui facilitent les paiements entre particuliers. PotCommun et RuedesCadeaux sont ainsi sur le même créneau que Leetchi ; Pumpkin ou Smoney sur celui de Lydia.
PayPal en deviendrait presque obsolète… C’était sans compter sur la clairvoyance et l’opportunisme de la firme américaine qui racheta dès 2013 l’application Venmo – dont elle a fait, aux États-Unis, le leader de ce marché que Lydia et Pumpkin se disputent en France et en Europe.
Si les plus de 30 ans se laissent doucement convaincre par ces nouveaux outils, la génération des 20-30 ans et a fortiori la suivante ne se posent même pas la question.
Lydia et consorts : un barrage contre les cryptos ?
On aurait tôt fait de voir dans cette évolution des comportements la preuve ultime que les crypto-monnaies sont prêtes à être communément adoptées. C’est plus compliqué que cela.
D’une part, cette évolution s’inscrit bien davantage dans celle, plus globale, de la technologie que dans une volonté farouche de changer de système monétaire. Ces comportements cashless sont avant tout encouragés par les nouveaux outils mis à disposition des utilisateurs, bien souvent par les garants du système monétaire actuel eux–mêmes.
D’autre part, ces outils continuent de s’appuyer sur les monnaies fiduciaires, qui conservent – naturellement ou par conséquent – la « confiance » des utilisateurs.
Pour résumer, ces applis profitent bel et bien au système bancaire en place. Représentent-elles un frein au développement des crypto-monnaies ? Elles proposent même de s’y substituer : paiements faciles et rapides, sans intermédiaire au premier coup d’œil… Ces nouvelles applications coupent l’herbe sous le pied du Bitcoin, cette monnaie du Diable qui propose de se passer des banques.
Il suffit de regarder de plus près à qui appartiennent ces outils : derrière Leetchi et Pumpkin, on trouve Crédit Mutuel Arkéa ; derrière PotCommun, Izly ou Smoney, c’est la BPCE.
Le Bitcoin est armé mais doit gagner en accessibilité
Bien entendu, toutes ces applis prélèvent des frais, lesquels pourraient augmenter au fur et à mesure de leur succès. Inutile donc de préciser qu’elles sont loin d’être sans intermédiaire. À l’inverse, le Bitcoin et les crypto-monnaies en général s’en affranchissent véritablement et proposent une alternative qui pourrait révolutionner le système monétaire. Nous en parlons chaque semaine dans Investissements Personnels.
Je suis de ceux qui pensent que les monnaies fiduciaires et les crypto-monnaies continueront à coexister, mais que ces dernières séduiront chaque année un peu plus de novices. La technologie va dans ce sens, l’évolution des comportements dont nous avons discuté également. C’est dans l’ordre des choses.
Comme je le rappelais vendredi dernier suite à la conférence de Yorick de Mombynes à laquelle j’ai assisté, le Bitcoin est un cercle vertueux : il suffit qu’on parle de lui pour qu’on l’adopte. Critiqué de toutes parts, la fascination dont il est l’objet attise l’intérêt des gens, qui finissent par s’informer, comprennent le principe puis prennent conscience de sa force.
Toutefois, pour s’imposer à plus grande échelle, il devra gagner cette première bataille sur le terrain du paiement simplifié. Et devenir aussi pratique et séduisant que l’est Lydia pour les jeunes utilisateurs.
Actuellement, les interfaces des plateformes d’échange sont à elles seules un langage à décrypter, et les portefeuilles/wallets sont encore trop difficiles à utiliser pour un profane. Mais il suffirait d’une appli de type Lydia qui s’appuie sur les crypto-monnaies pour qu’elles deviennent ludiques et accessibles au plus grand nombre…
Les cryptos devront donc s’adapter à cette concurrence qui ne dit pas son nom en offrant le même type de service via des outils extrêmement ergonomiques, propices à une utilisation généralisée.
Une chose est sûre : les comportements monétaires sont en pleine mutation, particulièrement chez les 18-35 ans. Et il y a fort à parier que la prochaine génération de jeunes consommateurs aura naturellement intégré cette idée d’une société (où l’on paie) sans cash.
Les adeptes de Lydia sont-ils de futurs utilisateurs de crypto-monnaies qui s’ignorent ?
Peut-être en sont-ils des utilisateurs actuels. Peut-être que leur curiosité vient d’être attisée et qu’ils envisagent de s’informer.
Et si la mauvaise monnaie chassait la bonne ?