En France, vous le savez, depuis que l’État a cessé d’observer avec dédain l’essor de ces devises numériques qui avaient la prétention de bousculer le système monétaire établi – depuis, surtout, que le gouvernement a compris qu’il pouvait en tirer profit –, la fiscalité appliquée aux crypto-monnaies s’était dissimulée dans un flou juridique que les rapports successifs avaient laborieusement tenté d’éclaircir.
Tentatives vaines, pour la plupart, car les acteurs du marché continuaient de réclamer « une fiscalité claire, lisible et stable ».
Souvenez-vous, avant le 26 avril 2018, les plus-values réalisées sur les Bitcoins étaient encore soumises au régime des bénéfices non commerciaux (BNC), donc à des prélèvements sociaux de 17,2% (15,5% pour les revenus perçus en 2017) auxquels on ajoutait un taux d’imposition qui pouvait aller jusqu’à 45%, en fonction de la tranche d’imposition du contribuable.
Ainsi, pour ceux dont le quotient familial dépasse 153 783 €, et seulement pour eux, les gains sur les crypto-monnaies étaient taxés à plus de 60% (45+17,7 = 62,2% exactement). Mais cela ne concerne finalement que 50 000 personnes en France…
Une flat tax à 30%
En mai dernier, je me risquais à une lecture de la « nouvelle » fiscalité, après que le Conseil d’État avait décidé de déplacer l’imposition des plus-values sur les crypto-monnaies de la catégorie des bénéfices non commerciaux vers la catégorie des biens meubles.
La taxation forfaitaire s’élevait désormais à 19%, soit 36,2% avec les prélèvements sociaux de 17,2% qui restaient, eux, inchangés.
Pour ceux d’entre vous qui remplissaient alors leur déclaration 2017 – en calculant eux-mêmes leurs gains via les prix d’achat et de revente – l’impôt à payer était de 34,5% des plus-values (on ajoutait aux 19% les 15,5% de prélèvements sociaux encore en vigueur en 2017).
Je concluais qu’on pouvait « raisonnablement s’attendre à une optimisation, dès l’automne, de la fiscalité associée aux cryptos ».
Initialement prévu à la fin du mois d’octobre, le projet de loi finances fut définitivement voté jeudi 15 novembre.
Le régime, qui tente de définir une fois pour toutes les conditions de prélèvements de l’État sur vos plus-values, entrera en vigueur au 1er janvier 2019.
En octobre dernier, j’évoquais dans une vidéo les propos de Pierre Person – député LREM et rapporteur du projet de loi – selon lequel on se dirigeait « vers l’introduction du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30% sur les plus-values réalisées sur les crypto-monnaies ».
Bonne nouvelle : ce taux de 30% sera en effet appliqué. Le taux global sera de 30%, mais Bercy n’a pas voulu employer le terme PFU et prendre ainsi le risque d’encourager le parallèle avec les valeurs mobilières.
Le trading entre cryptos exonéré
Sur le terrain du trading entre crypto-monnaies qui nous intéresse particulièrement, le gouvernement semblait refuser encore l’obstacle. Ainsi, selon Pierre Person, l’investisseur allait avoir deux possibilités : « Soit il justifiera chacune des plus-values et les soumettra au PFU, soit il n’en sera pas capable et sera soumis à un forfait lors du transfert en euros. »
On n’osait imaginer le casse-tête de l’investisseur qui a diversifié son portefeuille de crypto-monnaies, mais également ses portefeuilles en les répartissant sur différentes plateformes/wallets tel que nous le conseillons, et qui devrait désormais préciser et justifier chacune de ses transactions passées…
Finalement, les opérations entre crypto-monnaies seront bel et bien exonérées d’impôts car elles ne donnent pas lieu à une sortie de cash en euros.
Par ailleurs, un autre amendement a été adopté par les députés : il prévoit un abattement de 305 euros sur les plus-values. Au final, pour les particuliers, on passe d’une exonération de 5 000 € (bien meuble) à 305 € (alignement sur l’abattement de 305 € du régime micro BNC)…
On pourra également regretter que d’autres pays européens pratiquent des taux d’imposition inférieurs à 20 %, et on ne peut que constater que cette nouvelle fiscalité conserve certaines de ses parts d’ombre. Mais c’est aussi notre chance, comme le précise Kendrick Nguyen, fondateur de Republic.co et invité du dernier numéro mensuel d’Altucher Crypto Trader : « Je pense que beaucoup d’agents et d’auditeurs du fisc sont actuellement en formation en interne, pour apprendre ce que signifient ces actifs et comment ils fonctionnent. »
En France, l’horizon s’éclaircit pour les crypto-monnaies. Et la mise en place d’un cadre plus « stable », tel qu’il était exigé par de nombreux acteurs, pourrait favoriser l’afflux de capitaux institutionnels et gagner, dans leur sillage, la confiance du grand public.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un phénomène extrêmement récent à l’échelle de l’Histoire, et que les États n’ont pas encore pris la mesure de cette révolution monétaire. Il y a une semaine, à l’occasion du G20 à Buenos Aires, le groupe s’est mis d’accord sur la nécessité de mettre en place un cadre spécifique pour la taxation de toute activité liée aux crypto-monnaies.
Ils se sont donné rendez-vous en 2019.