Alors que le jury du 72e Festival de Cannes décernera demain sa Palme d’or à l’un des 21 films projetés sur la Croisette depuis dix jours, me reviennent en mémoire les nombreux réalisateurs qui ont choisi la finance comme toile de fond durant cette dernière décennie.
Martin Scorsese, J.C. Chandor ou, de ce côté-ci de l’Atlantique, Christophe Barratier, se sont tour à tour frottés à cet univers fascinant, avec plus ou moins de réussite mais avec la même attirance pour cette si capricieuse volatilité, si cinématographique surtout.
Ainsi le monde de la Bourse est-il dépeint dans toutes ses extravagances pour servir la dramaturgie nécessaire à la fiction. Les sommes d’argent donnent le vertige et les protagonistes voient leurs vies se faire et se défaire avec d’autant plus de fulgurance.
Comment en vouloir aux cinéastes ? Il n’y a de spectateurs que parce qu’il y a spectacle et le cinéma s’est souvent érigé en dénonciateur des dérives contemporaines.
Prenez Le Loup de Wall Street, libre évocation de la vie de Jordan Belfort, ce courtier américain qui connut la gloire puis la déchéance lorsqu’il fut rattrapé par ses escroqueries et ses frasques en tout genre. Voilà un rôle à la mesure de Leonardo DiCaprio : on le revoit rampant, repu de sexe et d’argent, les yeux et l’esprit viciés par les drogues, se hisser laborieusement jusqu’au volant de sa Lamborghini avant de la transformer en auto-tamponneuse.
La figure du trader en prend un sacré coup.
En France, le destin romanesque de Jérôme Kerviel ne pouvait rester inexploité. Dans L’Outsider, on suit ainsi la montée en puissance d’un jeune trader provincial dans l’une des plus prestigieuses salles des marchés du monde : celle de la Société Générale.
Enivré par les gains colossaux qu’il parvient à rapporter à sa banque, l’opérateur de marché prend des positions de plus en plus risquées, supposément couvert par sa hiérarchie qui lui pardonne sa folie tant qu’elle lui demeure – démesurément – profitable.
Jusqu’à la découverte de cette perte historique de 4,9 milliards d’euros qui bouleversa le secteur et obligea les banques d’investissement à reconsidérer en profondeur leurs pratiques et leurs systèmes de contrôle.
Au cinéma, dont on connaît l’influence sur l’imaginaire collectif, le trader est donc cette espèce de savant fou que les drogues aident à soutenir un rythme de vie effréné dominé par le pouvoir de l’argent.
La vie d’Anne Scheiber, elle, ne fut jamais portée sur grand écran. Moins spectaculaire, moins cinématographique…
C’est pourtant bien son histoire que j’ai choisi de vous conter aujourd’hui.
La fonctionnaire aux 22 millions de dollars
Anne Scheiber est née en 1893 et fit une carrière tout à fait classique dans la fonction publique en tant que contrôleuse pour le Fisc américain (IRS). Pendant plus de 20 ans, elle occupa la même fonction, sans jamais recevoir de promotion. Son salaire n’excéda jamais 40 000 $ par an et elle partit à la retraite avec une très modeste pension annuelle de 3 150 $.
Pourtant, quand en 1995 vint son heure dernière, le Stern College for Women de l’Université Yeshiva et l’Albert Einstein College of Medicine reçurent 22 millions de dollars de la part de cette mystérieuse donatrice de 101 ans qui souhaitait financer une bourse d’études destinée aux femmes.
Comment cette dame qui vécut dans une relative simplicité et dans l’anonymat le plus total avait-elle bien pu se constituer une telle fortune ?
On découvrit alors que lorsqu’Anne Scheiber avait pris sa retraite des impôts, elle avait retiré 5 000 $ de son compte en banque, avait ouvert un compte de courtage et y avait déposé cette somme pour l’investir dans des actions.
Une modeste mise de départ qui ne cessa de croître au fil des années et fit d’elle une multimillionnaire quelques décennies plus tard.
Son secret, c’est celui que se partagent les meilleurs financiers de la planète depuis des générations – du day trader qui envoûte les salles obscures à l’investisseur dans la valeur qui monopolise les Unes de la presse économique – : la capitalisation des dividendes.
Le revenu complémentaire par excellence
Adeptes de prises de risques et de montées d’adrénaline, passez votre chemin. La capitalisation des dividendes sacrifie le spectacle au pragmatisme.
Supposons que vous placiez 1 000 $ sur une action qui vous rapporte 3% de dividendes : vous percevez ainsi 30 $ chaque année qui correspondent à vos dividendes.
La capitalisation des dividendes consiste à réinvestir ces 30 $ dans la société en question, pour percevoir un rendement composé. Lorsque la société vous verse à nouveau ses 3% de dividendes, vous les percevez sur 1 030 $ au lieu des 1 000 $ de départ.
L’argent que vous avez investi dans une société qui verse des dividendes vous a offert un rendement. Et à présent, cette même société va vous verser un dividende encore plus important sur l’argent qu’elle vous a déjà versé et que vous avez réinvesti sur elle.
C’est là toute la puissance de la capitalisation. Votre argent travaille pour vous.
De surcroît, si cette entreprise augmente régulièrement son dividende depuis longtemps (comme les Dividend Aristocrats auxquels j’avais consacré un article en février dernier), votre capital et vos paiements de dividendes progresseront encore plus vite.
Cette capitalisation des dividendes s’ajoute bien entendu à la croissance seule du cours du titre. Ainsi, en vous constituant un portefeuille de valeurs de rendement qui, en plus de vous verser de généreux dividendes, réalisent de jolies plus-values, vous vous offrez un chemin vertueux.
Anne Scheiber croyait dans les valeurs qu’elle détenait
La stratégie de capitalisation des dividendes qu’Anne Scheiber a suivie était simple :
- elle a investi dans de grandes marques qui fabriquaient des produits qu’elle appréciait, tout comme Warren Buffett ne s’est jamais aventuré dans des secteurs qu’il ne comprenait pas ;
- elle ne s’est intéressée qu’aux entreprises dont les bénéfices augmentaient régulièrement avec le temps – les Dividend Aristocrats constituent la fine fleur de ces entreprises ;
- elle s’est focalisée sur les sociétés faisant régulièrement progresser leurs résultats : ainsi les dividendes augmenteraient et l’action s’apprécierait au fil du temps ;
- elle a utilisé les dividendes que la société lui versait pour augmenter sa participation globale, augmentant ainsi le montant des prochains dividendes ;
- elle n’a jamais vendu une action à laquelle elle croyait encore.
En période de marché baissier, nombre d’investisseurs – la majorité en fait – bradent les actions d’excellentes sociétés auxquelles ils croient parfois encore. C’est la plus grande erreur qu’on puisse commettre. Bien souvent, ils rachètent ces titres lorsqu’ils ont repris des couleurs, faisant ainsi les affaires de ceux qui ont fait l’inverse.
James Altucher le rappelait la semaine dernière : « Il ne faut pas oublier qu’investir est un jeu à somme nulle : si vous gagnez, quelqu’un perd, et si vous perdez, quelqu’un gagne. »
À défaut de défiler sur le tapis rouge sous les flashs des photographes, la stratégie de capitalisation des dividendes peut vous permettre de monter les marches vers vos objectifs !
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1 commentaire
J’ai Envie d’y croire en suivant scrupuleusement vos conseils et si j’ai du soutien
Bien à vous
Antonino Patti