L’entreprise de Mark Cuban, AudioNet (plus tard baptisée Broadcast.com), m’a appelé en 1997 : ils avaient désespérément besoin de mon aide pour que Cuban puisse devenir le milliardaire qu’il avait mérité de devenir.
Ils m’ont invité à un dîner arrosé de grands crus, m’ont téléphoné tous les jours, jusqu’à ce que je réalise leur souhait.
Je n’ai pas suivi tous les aspects de la carrière de Mark Cuban. Je vais donc seulement parler de mes brèves interactions, à la périphérie de sa vie commerciale, afin d’expliquer ce que j’ai appris de lui. Il convient de dire qu’il a eu du succès. Il a créé Broadcast.com, qu’il a vendu à Yahoo!.
Il a par la suite revendu ses parts lorsque le marché était à son plus haut, engrangeant ainsi des milliards de dollars, qu’il a probablement transformés en un milliard de plus environ. Il a par la suite acheté l’équipe de basket de Dallas, les Mavericks, lancé le réseau de télévision HDNet, fait une tonne d’investissements, et a affronté publiquement Donald Trump, les autorités financières, etc.
J’ai appelé l’un de mes amis l’autre jour. « Es-tu jaloux de Cuban ? » lui ai-je demandé. A quoi il a répondu : « oui, bien sûr« .
C’est bien, parce que s’il avait dit « non », ç’aurait été un menteur. Et s’il avait dit : « non, ce gars a juste eu de la chance », ç’aurait été pire : il aurait été stupide et méchant.
Voilà ce que j’ai appris de Cuban.
N’investissez pas dans le « moche »
En 2004, j’ai lancé un fonds d’investissement dans des hedge funds. J’ai écrit à Cuban pour lui demander s’il était intéressé. Il a répondu et m’a dit qu’il n’aimait pas la stratégie que j’avais choisie. C’était tout à son honneur. Je démarrais un fonds pour investir dans les fonds PIPE, ou private investment in private equity, en anglais. Les fonds PIPE investissent directement dans des entreprises publiques en passant des accords privés avec elles, afin d’obtenir des actions à termes préférentiels ou à prix réduit.
Les entreprises qui font ce genre de chose ont besoin de lever des fonds et n’arrivent pas à le faire par d’autres moyens. En d’autres termes, ce sont les pires des entreprises.
Mark sentait que le secteur était moche et ne voulait pas y participer.
Nous lui avons réécrit trois ou quatre fois ; il nous a toujours répondu. J’ai essayé de le convaincre mais il n’a pas abandonné sa position : c’était non.
Si les entreprises dans lesquelles Mark investissait se lançaient dans des accords PIPE, il s’en débarrassait (il a été notamment été interpellé par l’autorité américaine des marchés financiers, la SEC, sur son investissement dans MAMA puis sa vente des actions après que la société a fait un PIPE).
Qu’est-il arrivé ? Mark avait raison. J’ai vu les signaux passer au rouge en 2006, et j’ai commencé à liquider mes actifs avant que l’implosion n’ait lieu. L’effondrement a bien eu lieu deux ans plus tard, en 2008.
Mark ne savait sans doute pas ce qui allait se produire exactement, mais une fois encore il a su prévoir un événement qui ne se produirait que quatre ans plus tard.
Ce que j’ai appris : les PIPE avaient mauvaise réputation en 2004, mais j’ai pensé que cela créait des opportunités. Mark, de son côté, avait réalisé avec justesse que l’on peut tout à fait être optimiste dans des mauvaises situations… mais qu’il ne faut pas être bête. Faites trop de folies et vous finirez par perdre l’esprit.
Mes investisseurs n’y ont pas perdu trop de plumes, mais ils auraient pu finir dans de sales draps ; j’aurais dû écouter Cuban dès le départ.
Les règles de l’investissement selon Cuban
Cuban a gagné ses milliards ; maintenant, il fait ce qu’il veut. Et sans se cacher. Il achète des chaînes de cinémas. Il produit des films (parce qu’il sait qu’il pourra les distribuer). Il aime le basket (son objectif de départ avec AudioNet était de pouvoir regarder des matchs de basket sur Internet depuis sa chambre d’étudiant), alors il a acheté les Mavericks et il en a probablement accru la valeur de plusieurs centaines de millions de dollars.
Il semble qu’il y ait quelques règles auxquelles Cuban se soumet lorsqu’il investit, depuis les années 90 :
- Trouvez une chose pour laquelle vous vous passionnez, sachant qu’au moins 100 millions d’autres personnes peuvent être tout aussi enthousiastes à son sujet.
- Lancez une entreprise dans ce secteur ou bien investissez-y le plus possible. Et participez-y à fond. Assurez-vous d’être l’utilisateur le plus enthousiaste de votre produit.
- Quoi que vous fassiez, faites parler de vous le plus possible. N’utilisez pas d’agence de relations publiques (Cuban fait peut-être appel à de telles agences, mais il n’en a pas besoin ; il crée sa propre communication). Soyez votre propre étendard, créez de l’excitation et de l’énergie par vous-même. Les agences de com sont incapables de le faire à votre place.
- Ayez un bon « détecteur de foutaises ». Si ça sent mauvais, sortez. Si ça commence à bouillonner, vendez. N’IGNOREZ PAS CETTE RÈGLE.
- Impliquez votre client. Cuban est sans doute le propriétaire le plus accessible de toute la NBA, la ligue de basketball américaine. Il parle à ses fans. Il s’adresse aux entrepreneurs sur son blog.
En 2004, ou en 2005, je suis tombé sur Jason Calacanis, qui a fondé Weblogs, Inc. Il m’a raconté qu’il avait appelé Mark Cuban, sans autre forme de présentation, pour lui parler de sa plateforme, et que Cuban avait tout de suite investi.
Cuban a répondu à mes mails sur les PIPE quand bien même il ne me connaissait pas et ne s’intéressait pas aux PIPE.
C’est un travail difficile. Je réponds à plus de 100 e-mails, commentaires, etc. par jour et je n’arrive toujours pas à suivre le rythme. Pour une raison ou une autre, Cuban a l’énergie de continuer à faire ce qu’il fait, même s’il aurait tout à fait pu disparaître depuis longtemps (comme son ancien partenaire de Broadcast.com, Todd Wagner. Quand a-t-il fait parler de lui dernièrement ? Je suis certain qu’il va bien, mais il n’a pas conservé d’image publique comme Cuban).
Oui, je l’admets, je suis jaloux. Mark a eu une vie de rêve. Tout le monde ne peut pas gagner un milliard de dollars. Le vrai défi est de vous construire une vie de rêve (voire de dépasser ce que vous pensiez être une vie de rêve) en arbitrant parmi toutes les choses qui vous sont importantes. Mentalement, en ce moment, je vaux 1 000 milliards de dollars. Et je continue de m’enrichir tous les jours.
Vendredi prochain, à 19h, soyez là pour assister à mon cours magistral sur l’investissement en compagnie de Yann Boutaric. Et construire votre vie de rêve… Pour en savoir plus…