Mercredi, je vous expliquais pourquoi je pense que la pensée positive est une drogue très dangereuse. Quand je me suis retrouvé au tapis après de mauvais choix, j’ai décidé d’apprendre tout ce que je pouvais sur l’investissement.
J’ai beaucoup lu, écrit et étudié des lignes de données, j’ai discuté avec mes mentors, j’ai échangé avec mes pairs…
Ensuite, voici ce que j’ai fait.
ÉCRIRE
J’ai commencé à écrire pour TheStreet puis pour le Financial Times. Cela m’a permis d’entrer en contact avec des centaines d’autres personnes toutes aussi intéressantes à mes yeux. Dans la plupart des cas, les lecteurs étaient tout autant une source d’information que les auteurs – voire plus souvent même.
J’ai commencé à donner des conférences plus de dix fois par an pour Fidelity. Je suis devenu littéralement leur porte-parole pendant huit ou neuf ans.
J’ai écrit un livre, Trade Like a Hedge Fund, qui m’a obligé à clarifier mes schémas pour m’assurer qu’ils étaient à toute épreuve.
Puis j’ai écrit Trade Like Warren Buffett lorsque j’ai retrouvé un corpus de ses lettres remontant aux années 1950 (il ne s’agissait pas de ses lettres annuelles publiques que nous voyons partout aujourd’hui) et qui décrivaient en détail ses premières stratégies d’investissement.
J’ai écrit Supercash, lorsque j’ai commencé à interviewer un certain nombre de gestionnaires de portefeuille qui utilisaient d’autres stratégies que celles qui consistaient « simplement » à acheter des actions, des matières premières ou des véhicules d’investissement classiques.
J’ai écrit Investing for the Apocalypse pour le Wall Street Journal afin de décrire les stratégies d’investissement qui pourraient fonctionner lors d’un effondrement de l’économie.
J’ai écrit The Forever Portfolio au beau milieu de la crise de 2008 pour conseiller quelles actions et quels secteurs acheter au cas où le marché s’effondrerait. Ces actions, dans leur ensemble, sont aujourd’hui en hausse de 400% à 500%, alors que le marché lui est en hausse d’environ 100%.
Seules 299 personnes ont acheté ce livre parce qu’il est sorti en décembre 2009. Le marché s’effondrait. Personne ne voulait plus entendre parler d’actions ni de Bourse.
Écrire m’a obligé à me maintenir constamment dans le bain financier et à continuer à apprendre afin d’avoir toujours un temps d’avance sur les autres.
Comme j’avais consacré plus d’une décennie à écrire des nouvelles et des romans impubliables, j’avais des compétences que beaucoup d’autres gestionnaires de hedge fund n’avaient pas.
FAIRE
Tout ceci serait sans valeur si je ne FAISAIS pas.
J’ai commencé à faire du day trading avec mon logiciel en 2001. C’était à l’époque du pire marché baissier de l’histoire (le marché baissait quasiment chaque jour). Nous étions en récession, le 11 septembre était passé par là, Enron et Worldcom avaient fait faillite et j’achetais des actions tous les jours en me basant sur mon logiciel.
Je gagnais de l’argent quasiment chaque jour. Je ne me souviens pas avoir enregistré un mois en négatif, même si mes dépenses à l’époque étaient énormes.
À la fin, les gens m’ont donné de l’argent à investir en Bourse. Je faisais du day trading à des niveaux allant jusqu’à 60 millions de dollars ou plus chaque jour sur les marchés.
FAIRE, DEUXIÈME PARTIE
Je n’étais pas très bon pour lever des fonds.
Un jour, mon voisin vint me voir et me dit : « Viens rencontrer mon patron. Il va t’adorer. Il te donnera beaucoup d’argent. »
Je me suis donc rendu dans son bureau, situé dans le célèbre Lipstick Building, à Manhattan.
J’ai passé une heure à discuter avec le patron de mon ami. Finalement, il me dit : « Je ne peux pas te confier d’argent mais si tu veux travailler ici, tu es le bienvenu. »
Il ajouta : « Je n’ai aucune idée de là où tu places ton argent et nous ne pouvons prendre aucun risque qui entacherait notre réputation. »
« La dernière chose dont nous avons besoin, c’est de voir le nom Bernard Madoff Securities en première page du Wall Street Journal. » Il parlait de lui-même. Parce que c’était bien son nom.
Suite à cette rencontre, trois fonds différents me contactèrent pour me demander : « Comment pouvons-nous investir notre argent avec lui ? » Ou bien : « Que fait-il pour gagner tant d’argent ? Nous voulons faire pareil. » Mais je n’avais pas les réponses.
Depuis, tous ces gens ont nié m’avoir appelé. « Nous savions depuis toujours », voilà ce qu’ils disent maintenant – c’est ce qui sous-tend tous les comportements humains.
La conscience de soi est difficile à trouver dans ce monde affairé.
Mais j’étais déprimé. Je ne me rendais pas compte à l’époque que beaucoup des fonds contre lesquels je luttais gagnaient de l’argent de manière illégale et personne ne le savait.
C’est pourquoi j’avais du mal à lever des fonds.
ET PUIS…
J’ai décidé d’abandonner l’idée de créer un grand hedge fund. À la place, j’ai entrepris de lancer « un fonds de hedge funds« .
J’ai recherché des centaines et des centaines de fonds. Je les ai interviewés, je les ai étudiés et j’en ai sélectionné 12 dans lesquels investir.
J’ai levé près de 40 millions de dollars (ce n’est pas une grosse somme, mais c’était suffisant pour commencer) et je les ai investis dans ces fonds.
C’était il y a 12 ans et je suis aujourd’hui encore en bons termes avec au moins la moitié des fonds que j’avais sélectionnés.
L’autre moitié… Disons simplement qu’ils ont évité la prison en payant des amendes et puis les riches fondateurs ont disparu de la circulation. On ne les a plus jamais revus et ils ne cessent de voyager à travers le monde.
FAIRE, TROISIÈME PARTIE
Je sentais que mon fonds de hedge funds n’aidait personne à part quelques riches. Et je perdais confiance dans beaucoup des fonds dans lesquels j’avais investi.
Je me souviens d’un fonds que j’avais visité en 2005 ou 2006 et qui me décrivit la fin du monde.
Les premières créances allaient faire faillite. Puis tous les produits dérivés de ces créances feraient faillite. Ils pariaient contre le système entier et chaque mois le marché continuait à monter, et ils perdaient de l’argent.
« Mais lorsque le marché finira par exploser, nous gagnerons des milliards pour nos investisseurs. Vous êtes bienvenu pour investir avec nous mais nous ne laissons pas entrer n’importe qui. »
Je n’ai pas pris ce risque. Je ne voulais pas perdre tous les mois tandis qu’ils attendaient.
En 2006–2007, ils gagnèrent près de 10 milliards de dollars. John Paulson toucha personnellement 100 millions de dollars.
« Notre principale inquiétude, me dirent-ils, est que selon nos modèles, toutes les banques feront très vite faillite. Nous ne serons peut-être donc pas capables de toucher notre argent avant que le monde entier ne s’effondre. »
Ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu les renflouements publics, qui leur a permis, à eux ainsi qu’à d’autres grands hedge funds, de recevoir leur argent tandis que le reste du monde souffrait.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé de tout arrêter.
J’ai alors créé un site web pour exposer certaines de mes principales stratégies d’investissement. Je n’entrerai pas dans les détails de ce site parce que je l’ai déjà décrit à plusieurs reprises. Je l’ai revendu peu de temps après l’avoir créé, lorsque nous avons commencé à avoir des millions d’utilisateurs par mois.
Néanmoins, l’argent que j’ai touché de la vente de ce site web et de la création de tous ces fonds, je l’ai rapidement perdu lorsque je suis à nouveau devenu arrogant.
FAIRE, QUATRIÈME PARTIE
J’investis encore aujourd’hui. J’investis à la fois dans des entreprises publiques (parfois) et des entreprises privées (parfois mais seulement une fois cette année).
Mais je garde toujours en mémoire une règle : je ne suis pas (et de loin) la personne la plus intelligente au monde. Je n’investis donc que lorsque ces conditions sont réunies.
MES CRITÈRES :
- Quelqu’un de plus intelligent que moi investit. Ainsi, en 2007 par exemple, j’ai investi dans Buddy Media, une entreprise privée, lorsque j’ai entendu que Peter Thiel et d’autres que j’admirais y investissaient également.
- Quelqu’un de plus intelligent que moi gère l’entreprise. La pire chose que je puisse entendre après avoir investi dans une entreprise est mon téléphone sonner. Je ne veux jamais reparler à l’entreprise après y avoir investi mon argent. S’ils ont besoin de mes conseils, je sais alors qu’ils ont des problèmes.
J’investis donc mes dollars si le PDG est présent, s’il y a lui-même investi et s’il sait ce qu’il fera dans les scénarios catastrophes.
- Je crois en la tendance. Je repère les tendances avec succès depuis 25 ans. À l’époque, il n’y avait que 50 sites web existants et j’apprenais comment créer par moi-même un site web. Mais je ne suis pas toujours assez intelligent pour monétiser les tendances. Je parie donc sur ceux qui le sont.
- Je vois l’argent. Je peux comprendre clairement comment l’entreprise gagnera de l’argent. Peut-être a-t-elle déjà des clients (l’argent des clients est bien moins cher que celui des investisseurs) et je peux comprendre comment l’entreprise « sortira » et comment je récupérerai mon argent.
Au fil des années, j’ai ajouté d’autres facteurs. Je crois beaucoup dans le fait d’investir dans des monopoles potentiels. Mais cela signifie que c’est difficile dans chaque cas.
Je crois beaucoup dans le fait de « jouer sa peau » comme le dit mon ami et « mentor virtuel », Nassim Taleb. Je veux voir le PDG confronté à la difficulté de savoir combien il met de son propre argent dans sa propre entreprise et pour combien de temps, etc.
Il faut absolument lire les quatre livres de Nassim Taleb sur l’investissement. Ils décrivent exactement ce que ça veut dire d’être « l’idiot dans la pièce » – c’est-à-dire que ses livres expliquent comment ne pas être moi. J’étais fragile, pas « antifragile », toujours victime du « hasard sauvage ».
Être un bon investisseur, c’est « manger ce que vous avez tué« . On ne peut gagner de l’argent que lorsque l’on a compris correctement le monde et que l’on a la psychologie pour aller contre la norme. Pour moi, c’est un test de personnalité auquel j’ai toujours échoué mais j’espère être un peu meilleur aujourd’hui.
Nassim Taleb, Warren Buffett et Peter Thiel sont sans doute les trois investisseurs et auteurs les plus importants à étudier.
Ils ne sont pas toujours ceux qui réussissent le plus, mais peut-être mon plus gros échec est-il d’avoir cru que je devais réussir tout le temps.
Il m’a fallu du temps pour comprendre que je n’avais à réussir qu’une petite partie du temps.
Il m’a fallu longtemps pour me rendre compte que l’on ne peut comprendre que très peu la nature du monde.
Règle importante : ceux qui réussissent TOUT le temps sont soit des criminels soit des gens sur le point de tout perdre.
Et qu’est-ce que je fais maintenant ? Comment est-ce que je continue à apprendre ?
- Ne lisez pas les infos. J’ai écrit pour tous les journaux qui existent. Les infos font de leur mieux. Mais elles ne sont que le brouillon de l’histoire, et un brouillon bien pauvre.
La plupart du temps, les journaux doivent surfer sur la vague de l’opinion du moment afin de garder leurs annonceurs. « L’opinion du moment » est généralement un euphémisme pour « dans le mauvais sens ».
- Lire les livres des personnes que j’admire. Même si je ne gère pas de hedge fund, je gère une trentaine d’investissements (surtout privés), j’écris, je fais des podcasts sur les tendances et je gère avec l’équipe des Publications Agora un service sur les Microcaps. Le monde est 200% différent de celui de mes débuts, mais j’essaie toujours de garder un esprit vierge, comme si je venais de commencer.
Je continue également à rencontrer et à discuter avec la plupart des investisseurs que j’ai connus.
- L’esprit d’un débutant. Je ne suppose JAMAIS que je suis intelligent. Je recherche toujours des gens intelligents pour qu’ils m’éclairent. Je discute avec des investisseurs chaque jour. Je discute avec des gens qui travaillent dans chaque aspect du secteur, du gouvernement aux banques, des traders aux investisseurs, des auteurs de newsletters aux médias.
- Le risque systémique.
Si elles sont bonnes, les entreprises se négocient à la hausse ; si elles sont mauvaises, elles se négocient à la baisse. À long terme, c’est une très bonne chose.
MAIS le système financier n’est jamais aussi simple. Il est TOUJOURS plus compliqué. C’est la RÈGLE NUMÉRO UN : le système financier EST TOUJOURS PLUS COMPLIQUÉ.
En 2008, le système est devenu trop compliqué pour le marché (des produits dérivés de produits dérivés de produits dérivés sur des créances) et il s’est effondré.
Lors du krach éclair de 2010, le système est à nouveau devenu trop compliqué et, le temps d’une journée, le marché s’est effondré (le trading de haute fréquence a été pris d’un accès de folie furieuse).
Et c’est encore trop compliqué aujourd’hui, il existe certainement un risque structurel sur le marché. Il n’y a rien à faire à cela. Il faut juste être conscient que cela existe.
Et finalement, je continue à FAIRE.
J’adore écrire. C’est ce que je fais. Mais j’aime bien apprendre comment fonctionne le monde. J’aime apprendre comment les meilleurs performeurs atteignent leur maîtrise.
J’aime partager ce que j’apprends. J’aime l’art d’apprendre comment apprendre.
J’aime jouer. Je joue à des jeux chaque jour. Aujourd’hui, je vais avoir une leçon sur le tir au fusil. Hier soir, j’ai joué aux échecs pendant une heure.
Je veux continuer à écrire de la fiction. J’aime beaucoup le stand-up.
Mais comprendre comment le monde fonctionne, ce qui arrive, l’état actuel de l’innovation et de l’optimisme, les leaders de la créativité, tout cela est directement lié aux marchés financiers.
Le but ultime des marchés financiers, depuis que le premier navire marchand a été construit pour prendre la route des épices, est de financer l’innovation et l’exploration.
Plus que tout, je veux continuer à explorer ma propre vie, les morceaux que je n’ai pas encore compris, les échecs et les angles morts que j’aimerais voir un peu plus clairement, à la fois dans ma vie professionnelle et ma vie personnelle.
Chaque idée qui a fait avancer le monde a semblé folle la veille du jour où elle est devenue géniale.
C’était fou de traverser l’Atlantique. C’était fou de prendre un vélo et d’y ajouter des ailes pour voler dans les airs.
C’était fou d’aller plus vite que 50 km/h. Peut-être est-ce fou d’aller sur Mars dans une voiture volante. Ou de vivre éternellement dans une réalité virtuelle qui est meilleure que cette réalité-ci.
Qui sait ?
À ce stade, tout ce que je sais c’est que je suis stupide. J’essaie d’être une page blanche chaque matin. Je suis curieux de tout. Je veux explorer et apprendre.
Chaque matin, je me pose cette question et demande à mes filles de se la poser aussi : « Quelle est ma mission aujourd’hui ? » Et le soir : « Qui ai-je aidé aujourd’hui ? »
Aujourd’hui je vais écrire ces lignes puis tirer au fusil pour la première fois de ma vie. Puis je dînerai avec le génial professeur qui m’a mis à la porte de l’université.
Parce que… Pourquoi pas ?
1 commentaire
bonjour,
il est vrai que la règle le marché est toujours plus compliqué est presque la règle unique du marché, c’est pour celà que personne n’arrive vraiment à prédire les crises, et même quand c’est le cas est-ce qu’on écoute cette personne?
Cordialement