Cet article est extrait du service Top 1% Altucher.
La stratégie consistant à investir dans des petites entreprises (microcaps) sous-valorisées, c’est-à-dire qui se traitent en Bourse sous leur valeur intrinsèque, est à l’origine de plusieurs fortunes.
Comme Mark Twain l’a affirmé un jour, l’histoire ne se répète pas, mais elle a tendance à rimer. Les choses ne se passeront peut-être pas exactement dans l’avenir comme elles se sont déroulées par le passé, mais il y a de bonnes chances pour que le scénario reste similaire.
Ce constat s’applique particulièrement au marché actions, où l’ensemble des facteurs économiques, démographiques, sociaux et psychologiques qui orientent les activités de vente et d’achat est étroitement lié à la manière dont notre monde fonctionne.
En fait, quelques-uns des plus grands investisseurs du monde ont commencé leur carrière en tirant parti des microcaps.
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Warren Buffett
Aujourd’hui, quand on évoque Warren Buffett, on pense surtout à sa société Berkshire Hathaway et au formidable portefeuille d’actions qu’il détient, comme Wells Fargo (WFC), Coca-Cola (KO) et d’autres grosses capitalisations. Il est vrai que posséder ce que l’on appelle des « big caps » comme celles-ci et acheter des entreprises entières a aidé Warren Buffett à faire grandir Berkshire Hathaway (BRK.A) au fil du temps, mais ce n’est pas ce qui l’a rendu riche, au départ.
Warren Buffett a commencé sa carrière d’investisseur en travaillant pour un homme qui avait été son professeur à l’université de Columbia. Celui-ci n’était autre que Benjamin Graham, le père du value investing (stratégie consistant à rechercher des actions sous-évaluées). Warren Buffett travaillait comme analyste dans le hedge fund créé par Benjamin Graham, GrahamNewman Partnership, qui généra un rendement annuel moyen de 17% au cours de sa période d’activité, entre 1926 et 1955.
Le fonds n’investissait pas dans les grandes entreprises renommées de son temps. La direction privilégiait les sociétés dont les titres se négociaient sous leur valeur liquidative – ce qui donne une idée de la valeur d’une entreprise en cas de liquidation. Ce fut la base de ce qui s’appelle encore aujourd’hui une stratégie value.
Le rapport que Graham-Newman Partnership envoya à ses actionnaires en 1948 montre que le fonds détenait des parts dans des entreprises comme Carriers and General, The Aldred Investment Trust, Federal Light and Traction et d’autres sociétés qui étaient moins connues à l’époque. Ainsi, Benjamin Graham fut le premier à appliquer une stratégie value dans les small caps (les petites capitalisations), et Warren Buffett fut l’un de ses fervents disciples.
En 1956, Benjamin Graham décida de prendre sa retraite et de partir en Californie, et ferma sa société. Warren Buffett revint alors dans sa ville natale d’Omaha, dans le Nebraska, et créa ses propres fonds d’investissement. Il adopta une stratégie un peu différente de celle de Graham : au lieu d’investir uniquement dans des entreprises qui se négociaient sous leur valeur liquidative, il acheta des actions de petites sociétés qu’il jugeait nettement sous-évaluées. Cette stratégie d’investissement lui permit d’acquérir des parts dans des sociétés comme Sanborn Map, Philadelphia Reading and Coal, National American Fire Insurance, Union Street Railway et dans beaucoup d’autres entreprises peu connues qui, selon lui, se négociaient bien en dessous de leur valeur réelle.
Warren Buffett continua son approche value sur les small caps pendant toute la durée d’activité de ses fonds d’investissement. Dans sa dernière lettre aux actionnaires envoyée en 1969, Buffett indiqua avoir obtenu un rendement annuel de 31,6% entre 1957 et la fin de l’année 1968, date à laquelle il ferma son fonds d’investissement pour se concentrer sur la gestion d’une petite entreprise spécialisée dans le textile qu’il avait achetée quelques années auparavant. Vous l’aurez deviné : il s’agit de Berkshire Hathaway. Même si cette année marqua la fin du Buffett Partnership, ce n’est pas pour autant que Warren Buffett cessa d’investir dans des petites valeurs.
Quand il prit les rênes de Berkshire Hathaway, il chercha un moyen de diversifier les activités de l’entreprise alors axée sur le textile – un secteur qui connaissait déjà un fort déclin à l’époque. Il commença par acheter des actions de petites banques, de compagnies d’assurance, de journaux et d’entreprises de vente au détail afin de diversifier les actifs de Berkshire.
Cette approche fonctionna à merveille : Berkshire, qui était autrefois une petite société régionale de textile, affiche aujourd’hui une capitalisation boursière de plus de 400 milliards de dollars.
Warren Buffett a poursuivi cette stratégie jusqu’à ce que Berkshire devienne si importante que cela ne soit plus possible. Le fait d’acheter des blue chips (des grosses capitalisations) et de les conserver à long terme l’a aidé à préserver sa fortune, mais ce n’est pas ce qui l’a rendu riche au départ. Buffett a fait fortune en investissant dans des MicroCaps sous-valorisées par rapport à leurs actifs, et nous pouvons faire de même.
D’ailleurs, il n’a jamais changé d’avis sur cette stratégie.
En 1999, il déclarait dans Business Week :
Si je devais gérer 1 million de dollars aujourd’hui – ou même 10 millions au besoin –, je serais investi à 100%. Quiconque vous dit que la taille ne compte pas est à la vente. Les meilleurs rendements que j’ai obtenus remontent aux années 1950. J’ai surpassé le Dow Jones. Il fallait voir les chiffres ! Pourtant, je n’investissais rien à l’époque. Ne pas avoir beaucoup d’argent, c’est un avantage structurel énorme. Je crois que je pourrais vous obtenir 50% de profits par an avec 1 million de dollars. En fait, je sais que c’est possible. Je vous le garantis.
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Peter Lynch
Peter Lynch est un autre investisseur célèbre dont la réussite repose en grande partie sur la recherche de MicroCaps sous-évaluées.
On croit souvent que Lynch était adepte d’une stratégie axée sur la croissance (growth) ; pourtant, quand on examine son portefeuille et que l’on tient compte de ses déclarations au fil des années, on s’aperçoit qu’une grande partie des résultats extraordinaires qu’il a obtenus en tant que gestionnaire du fonds Fidelity Magellan Fund découle de sa tendance à investir dans de petites sociétés délaissées par Wall Street et présentant un faible ratio cours/bénéfice.
Il achetait également de nombreuses actions de sociétés d’épargne et de crédit s’échangeant à prix cassé ; ces titres représentaient d’ailleurs une bonne partie des 29% de rendements annuels affichés par le fonds quand il était à sa tête, entre 1977 et 1990. Il consacrait la majorité de son temps à chercher de petites entreprises dont la valeur était susceptible d’être multipliée par dix sur une longue période – ce qu’il appelait des « ten-baggers« . Au cours de sa carrière, son intérêt pour les MicroCaps lui a permis de devenir l’un des plus grands gestionnaires de fonds commun de placement de tous les temps.
L’un des investissements les plus célèbres de Peter Lynch concerne Hanes, une entreprise fabriquant des collants pour femmes. Dans les années 1970, Hanes lança un produit appelé « L’eggs » : des collants de très bonne qualité, vendus dans une boîte en forme d’œuf dans les supermarchés et les pharmacies. La femme de Peter Lynch les adorait et après avoir fait quelques recherches, ce dernier se rendit compte qu’elle n’était pas la seule.
Jusqu’à présent, les grands magasins étaient les seuls à proposer des collants de qualité supérieure ; Hanes bousculait donc radicalement le marché en vendant ses produits en pharmacie et en supermarché. La boîte en forme d’œuf n’était qu’un gadget, mais les collants en eux-mêmes rencontrèrent un vif succès et l’entreprise s’imposa rapidement comme un leader du secteur.
Pourtant, Wall Street ne se préoccupait absolument pas de ce petit fabricant de collants ; aussi, l’action s’échangeait encore à un prix relativement raisonnable quand Lynch remarqua Hanes pour la première fois. Il commença à acheter des titres alors que la capitalisation boursière de la société ne valait que 40 millions de dollars. Finalement, il récupéra six fois sa mise quand Hanes fut rachetée par Consolidated Foods en 1979.
Lynch a aussi gagné beaucoup d’argent en participant à des thrift conversions alors qu’il était gestionnaire du Magellan Fund. Une thrift conversion a lieu lorsqu’une petite banque mutuelle d’épargne décide de s’introduire en Bourse et de mettre des actions sur le marché. L’argent levé grâce à l’introduction en Bourse double la valeur nette de la banque, faisant la fortune des acheteurs initiaux et de ceux qui ont investi peu après l’offre publique initiale. Bon nombre de ces petites banques finissent par être rachetées par un établissement plus important au bout de quelques années ; les actionnaires qui vendent leurs parts récupèrent alors plusieurs fois leur investissement initial. Lynch a détenu des centaines d’actions de ce type au cours de sa carrière. Ces petites actions dont personne n’avait jamais entendu parler à New York lui permirent, ainsi qu’à ses investisseurs, de réaliser d’énormes profits.
Si Peter Lynch est devenu l’un des meilleurs gestionnaires de fonds de tous les temps, c’est en grande partie parce qu’il privilégiait les actions émises par de petites entreprises dont la situation financière était saine et qui étaient vendues à prix cassé. Il les conservait ensuite à long terme, jusqu’à ce qu’elles s’échangent à leur véritable valeur ou même au-dessus. Il ne les vendait pas et n’essayait pas d’anticiper le marché. Il achetait à prix cassé des actions d’entreprises en bonne santé et laissait le temps faire son œuvre.
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Walter Schloss
Parmi les investisseurs adeptes du value investing, Walter Schloss est une véritable légende.
Pendant 47 ans, il a réalisé un rendement annuel de 20 % avant déduction des frais. Il n’a jamais travaillé dans un joli bureau et n’a pas utilisé d’ordinateur pendant la majeure partie de sa carrière. Il se fiait au guide boursier de Standard and Poor’s et à Value Line pour mettre au point sa stratégie d’investissement, et occupait un petit espace dans les locaux de Tweedy, Browne qui était un ancien placard.
Et je n’invente rien !
Walter Schloss achetait des actions de petites sociétés à un prix inférieur à la valeur de leur actif et conservait simplement ses titres jusqu’à ce que le cours remonte. Voilà son secret.
Comme bon nombre des pionniers de la stratégie de la deep value s’intéressant aux MicroCaps, Walter Schloss a commencé à travailler pour Benjamin Graham après avoir suivi ses enseignements à l’université Columbia. Lorsque Benjamin Graham prit sa retraite en 1955, un investisseur contacta Walter Schloss et lui dit qu’il n’hésiterait pas à investir dans son fonds, si jamais il décidait d’en créer un. Le reste appartient à l’Histoire.
Walter Schloss s’intéressait à des entreprises possédant de véritables actifs et peu de dettes (voire aucune), dont les actions cotaient à un prix inférieur à la valeur de l’actif qu’il avait lui-même calculée. Il privilégiait les entreprises dans lesquelles la direction possédait des parts considérables et dont les cadres ne se versaient pas de salaires déraisonnables au détriment des actionnaires.
Comme la plupart des investisseurs cherchant des MicroCaps fortement décotées, il avait tendance à garder ses actions plus longtemps que la plupart des individus. Il conservait en moyenne ses titres pendant environ quatre ans.
Dans son discours intitulé The Superinvestors of Graham and Doddsville, Warren Buffett décrivait Walter Schloss en ces termes :
Il sait repérer les titres qui se négocient bien en dessous de leur valeur intrinsèque. Et c’est tout. Il ne se préoccupe pas de savoir si l’on est en janvier, si l’on est un lundi ou si c’est une année d’élections. Il se dit simplement : « Si l’action d’une société vaut un dollar et que je peux l’acheter pour 40 cents, quelque chose de bien pourrait m’arriver. » Et c’est ainsi qu’il procède, encore et toujours.
La plupart des gens n’avaient jamais entendu parler des petites entreprises, telles que Hudson Pulp and Paper, New York Trap Rock Company, Southdown Easy Washing Machine et Diamond T Motor, dont Walter Schloss achetait des parts pour ses clients.
Lorsque l’on lui demanda de décrire sa stratégie, Walter Schloss répondit simplement : « En gros, on achète des actions quand on estime qu’elles sont sous-évaluées, et il faut ensuite avoir le courage d’en acheter davantage quand leur cours baisse. C’est ce que faisait Benjamin Graham. Et c’est tout. »
Walter Schloss est décédé en 2012, mais il nous a laissé un héritage qui nous aidera à devenir de meilleurs investisseurs.