« La réputation est un préjugé vain et fallacieux : souvent gagnée sans mérite et perdue sans justice ! » fait dire William Shakespeare à Iago, l’un des personnages de sa tragédie Othello (1604).
De nos jours, c’est en grande partie sur Internet qu’elle se joue. On aurait raison de s’en moquer si le pouvoir du web n’était pas aussi destructeur. Car en réalité, sur la grande scène du numérique, la réputation se perd beaucoup plus qu’elle ne se gagne.
Vous avez déjà tapé votre nom dans la barre de recherche Google ? Faites-le.
Il y a quelques années, conscient déjà de la nécessité de contrôler ce qui transparaît de moi dans le monde virtuel, je m’étais créé une alerte Google. Depuis, à chaque fois que mon nom est mentionné sur un site référencé par le célèbre moteur de recherche, je suis prévenu par mail.
Je vous recommande de le faire dès maintenant en vous rendant ici : https://www.google.fr/alerts.
À l’époque, en tant que pur produit de la génération Y – celle qui a grandi avec les nouvelles technologies –, j’avais effectué cette démarche pour m’assurer que mes employeurs potentiels n’aient accès qu’à ce que je souhaitais leur montrer.
Mais même si vous ne cherchez plus d’emploi, cette précaution vous est également indispensable. Vous n’avez que faire de ce que l’on dit sur vous ? Soit. Et si vous trouviez des informations confidentielles sur vous ou votre famille ?
Votre priorité, c’est Google
Il y a quelques mois, mon alerte Google m’a prévenu que l’un de mes articles avait été repris par un obscur blog « politique », dont je ne partage ni les idées, ni les méthodes. Évidemment, je n’avais pas été consulté.
J’ai immédiatement réagi, et j’en ai profité pour opérer une vérification complète de ce que l’on appelle grossièrement l’e-réputation.
Voici donc ce que je vous recommande de faire pour que, comme dans le monde réel, vous puissiez jouer le rôle que vous souhaitez dans le monde virtuel :
- tapez votre nom dans Google et repérez un à un les résultats qui vous dérangent ;
- rendez-vous sur les sites en question, et contactez la société ou le webmaster. Demandez-lui de supprimer le contenu que vous ne souhaitez pas voir apparaître. C’est votre droit ;
- rendez-vous ensuite dans le support Google (ici). Vous pouvez demander à Google de supprimer les résultats de recherche que vous considérez comme sensibles.
Si le créateur du site ou du blog n’est pas visible, ou s’il ne répond pas, vous pouvez vous tourner vers l’hébergeur du site. Par exemple, s’il est hébergé par WordPress, rendez-vous ici : https://en.support.wordpress.com/
En toute circonstance, prenez garde à ce que vos affaires personnelles restent en coulisses. Et n’oubliez pas que si Internet est une fenêtre ouverte sur le monde, il donne la possibilité au monde de vous y observer en retour. À l’État, aussi.
Tragédies numériques
C’était le 3 octobre dernier : le projet de loi controversé « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » était approuvé par les députés en première lecture.
Dans la foulée de l’annonce par le gouvernement de l’examen de ce texte censé garantir « une sortie maîtrisée de l’état d’urgence« , de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer une intégration dans le droit commun des dispositions de l’état d’urgence. Jusque-là en effet, ces dispositions relevaient encore du régime d’exception.
Le 29 mars dernier, ce même texte était adopté par le conseil constitutionnel, malgré quelques réserves d’interprétation. Une annonce qui avait fait dire à l’avocat de la Ligue des Droits de l’Homme, Patrice Spinosi, que « ces dispositions pourront être utilisées demain par n’importe quel gouvernement moins soucieux des droits des citoyens ».
À l’époque, l’une de ces mesures avait particulièrement attiré mon attention : l’article L. 228-5.
On y apprend que le ministère de l’Intérieur peut « faire obligation à toute personne » de « déclarer les numéros d’abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu’elle utilise, ainsi que tout changement de ces numéros d’abonnement et identifiants ».
Sachant que le contrôle des connexions suspectes est prolongé jusqu’en 2020, la surveillance massive de votre navigation sur le web est en marche…
Prenons un exemple concret…
Rappelez-vous la première fois où vous avez entendu parler de l’existence de Daech. Pour ma part, à l’émotion suscitée par telle barbarie se mêla la confusion la plus totale – et donc le besoin irrépressible de tenter de comprendre l’irrationnel.
Quelques reportages et articles plus tard, je me retrouvais à visionner la vidéo de propagande dont tout le monde parlait… Le sang glacé, je jurais que l’on ne m’y prendrait plus.
« Un peu tard ! » aurait pu me dire l’État si la nouvelle loi avait été en vigueur. Car si j’étais pris aujourd’hui dans la même situation, je risquerais potentiellement la mise sur écoute.
Et ce serait alors à moi de prouver ma « bonne foi ».
La mise sur écoute massive permet-elle réellement de prévenir les attentats – ou certains attentats ? Peut-être. Mais l’État ne peut pas se battre seul contre la folie des hommes. Pourtant, le gouvernement semble avoir l’assentiment de l’opinion : en septembre dernier, un sondage du Figaro révélait que si 62% des sondés estiment que le texte « détériorera leurs libertés », 85% jugent aussi qu’il « améliorera leur sécurité ». Difficile de faire plus éloquent.
Alors adaptons-nous. Et ne laissons pas toutes nos fenêtres grandes ouvertes.