Le FBI est venu l’arrêter dans son lycée lorsqu’il avait 15 ans. M. X. (appelons-le ainsi) avait piraté la plus grande société Internet au monde et lui avait volé 90 millions de numéros de cartes de crédit.
« Direction la prison, et pendant un certain temps », l’avait-on menacé.
Le lendemain du vol, il renvoyait tous les numéros à la société en expliquant quelles étaient ses défaillances en termes de cybersécurité.
Il pensait en être remercié.
C’est le FBI qui est venu l’arrêter. « J’étais mort de trouille », m’avoua-t-il lors de notre première rencontre.
Heureusement, le directeur de l’école, un général trois étoiles, prit sa défense : « Vous feriez bien de déguerpir d’ici si vous n’êtes pas venus lui offrir un chèque et lui dire merci. »
Ils sont partis.
Deux ans plus tard, lorsque M.X. obtint son bac, il reçut « l’appel ». L’appel qui signifiait qu’il n’irait pas à l’université.
L’appel qui signifiait qu’il serait envoyé sous le feu ennemi, qu’il piraterait des États étrangers, qu’il piraterait nos propres ordinateurs. « J’ai fait tant de choses, m’avoua-t-il un jour. Vous ne pouvez même pas imaginer. »
L’appel d’une agence à trois initiales. Il y en a plus d’une.
Nous nous sommes rencontrés lors d’un dîner. Nous étions tous deux obsédés par le piratage informatique et les dernières défaillances dans la sécurité informatique.
Nous n’avons prêté attention à personne d’autre et avons discuté pendant trois heures.
Depuis notre conversation n’a pas cessé.
Je ne veux pas entrer ici dans la théorie du complot. On a déjà eu assez de rumeurs à propos de « fake news », d’élections truquées, etc.
Il existe des armées de robots. Tous les jours, des hackers attaquent des réseaux électriques. Chaque entreprise de la liste Fortune 500 est entièrement infiltrée.
Votre ordinateur est piraté.
Cela fait des années que je discute avec des gens qui travaillent dans le domaine de la sécurité.
La réalité est celle-ci : nous sommes en guerre.
Les combats se livrent à coups de données. Cette guerre a lieu dans le monde entier, tous les jours.
Pas seulement sur les systèmes électoraux ou dans les grandes entreprises. Mais dans votre ordinateur. Et la guerre n’est pas toujours faite par ceux auxquels vous pensez, les ennemis qu’on nous a toujours désignés.
M. X. est passé par les forces spéciales. Il a été de toutes les batailles à l’étranger.
Il a été impliqué dans plus d’évènements qu’il ne veut bien l’admettre.
Il a également fondé et vendu deux entreprises grâce à ses compétences en piratage. Aujourd’hui, il a une chouette vie et ne veut pas que sa voix ou son identité soient révélées.
Lorsque je l’ai reçu dans mon podcast, nous avons donc modifié sa voix.
Je lui ai demandé : « Travaillez-vous toujours pour ‘eux’ ? »
Il a éludé ma question : « On ne cesse jamais de travailler pour eux. »
Le but ici n’est pas de faire peur aux gens. L’information, c’est le pouvoir.
Voici ce que j’ai, entre autres, appris par M.X.
1. Si vous voulez être entendu, vous devez parler
« Par le passé, pour s’élever contre une institution, il fallait être une institution, explique M.X. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons défendre ce en quoi nous croyons. Nous avons à notre disposition des outils puissants, engageants, pour influencer les autres. Et pourtant nous les laissons encore aux puissances qui nous contrôlent pour nous influencer. »
Si vous croyez en quelque chose, partagez-le.
Autrement dit, ne laissez pas les médias « programmer » ce que vous croyez. Ne laissez pas la parole d’Internet « pirater » votre cerveau. Ils en savent déjà beaucoup plus sur vous que vous n’en savez vous-même. Et ils utilisent ce savoir contre vous 24 heures par jour.
Si vous voulez être entendu, VOUS DEVEZ PARLER.
2. Contrôlez par vous-même
Nous parlions de sécurité informatique. Il m’expliqua tous les moyens par lesquels je pouvais être piraté… auxquels jamais on ne songerait.
« Je vous pose cette question : quelle est la dernière fois où vous avez mis à jour le firmware de votre routeur réseau ? »
Je n’en avais aucune idée.
« Si j’entre, je passe par le routeur, m’expliqua-t-il. La majorité des entreprises de Fortune 500 utilisent le même routeur… Donc, soit vous faites confiance à l’État pour surveiller les données, SOIT vous devez le faire vous-même. Et ce n’était là qu’une parmi de nombreuses défaillances. La prochaine fois que vous êtes sur votre téléphone, vérifiez combien d’applications ont l’autorisation d’enclencher la caméra et de commencer à enregistrer et à transmettre ce qui est enregistré sans que vous en soyez conscient. »
Ne croyez pas qu’ils ne le font pas.
3. Comment Oussama ben Laden est-il mort ?
Oussama ben Laden était-il réellement en train de dormir au troisième étage d’un immeuble sans accès vers l’extérieur ? Ou bien était-il prisonnier et il n’avait plus aucune utilité ?
Réponse de M.X. : « Il a été notre prisonnier pendant des années. Puis on n’a plus eu besoin de lui. »
Faites toujours preuve de scepticisme dans un monde où dire la vérité ne bénéficie pas à tout le monde.
Il ne s’agit pas de théorie du complot. La seule vérité est de faire confiance aux gens que vous aimez. À ceux qui vous aiment.
Cela ne signifie pas être irrationnel ou paranoïaque ou inventer des théories folles.
Cela veut dire pratiquer le scepticisme chaque jour, quel que soit le sujet.
Pratiquez le scepticisme. Pas la paranoïa.
4. Ne vous arrêtez pas à une non-réponse
Je savais qu’il y avait des millions de questions que je voulais poser… mais je ne le pouvais pas.
J’ai quand même posé mes questions.
« Travaillez-vous toujours pour le gouvernement ? »
« Je ne peux pas répondre à ça. »
« Pour quelle agence travailliez-vous ? »
« Je ne peux pas répondre. »
« Les gens la connaissent-ils ? »
« Oui, disons juste qu’il s’agit d’une agence bien connue à trois lettres. »
Demandez. Pas de réponse en retour ? Demandez à nouveau.
Lorsque je mène une interview, je ne veux pas harceler les gens pour obtenir une réponse. Mais parfois, si vous enquêtez selon plusieurs angles d’attaque, vous pouvez obtenir la réponse.
Pas cette fois-ci.
5. Sachez ce qui vous fait avancer
M. X. a commencé à pirater lorsqu’il était en école militaire.
Tout était organisé.
Lever.
Premier repas au mess.
Salut au drapeau.
Cours.
Deuxième repas au mess.
Deuxième cours.
15 minutes pour se changer.
Exercice physique.
Troisième repas au mess.
Après le troisième repas au mess, 2 heures d’études, une heure de temps libre.
Coucher.
Répétez.
L’école était isolée. Les étudiants avaient interdiction de sortir du campus.
La seule façon qu’avait M. X. de parler à des filles était de les trouver sur Internet. « Nous étions très confinés », me dit-il.
Mais il ne cessait d’être confronté à des pare-feux.
Il s’est donc mis au piratage. Il apprit tout ce qu’il pouvait. Pas parce qu’il voulait « attaquer » des sites web mais parce qu’il ne voulait pas rester seul.
Laissez toujours les murs de la prison qui vous entourent créer vos opportunités.
La censure est à l’origine de sa curiosité.
Ce qui vous frustre peut déclencher votre curiosité.
6. Apprenez vos schémas
M. X. a aidé à trouver l’un des tueurs en série les plus connus de ces dernières années et à l’envoyer derrière les barreaux pour le restant de ses jours.
M. X. était payé pour trouver des schémas. Il surveillait les terroristes. Un exemple : « un téléphone jetable ». C’est ce qu’utilisent les criminels pour cacher leur historique d’appels. Ils achètent un téléphone bon marché, passent quelques coups de fil, le jettent et en rachètent un nouveau.
M. X. a donc écrit un logiciel.
Quelqu’un vous appelle puis vous appelez 3 ou 4 personnes. Ces 3 ou 4 personnes appellent 3 ou 4 autres personnes. C’est un arbre d’appels. Si on suit les branches, on peut trouver les racines.
Il a analysé les arbres d’un milliard d’appels téléphoniques par jour. Il avait accès à tous nos appels.
« On finit par se rendre compte que si un groupe de numéros au hasard continuent d’appeler la même personne, alors ces numéros sont une seule et même personne », explique M.X.
Les gens sont des schémas. Ces schémas deviennent des empreintes digitales.
Il a utilisé ces empreintes pour identifier un célèbre tueur en série, puis il s’est servi du GPS pour le retrouver. Aujourd’hui, le type est en prison.
Il a utilisé ces empreintes pour retrouver des terroristes. « On a pu stopper beaucoup d’attentats. »
7. Les intérêts passent avant l’enseignement
On ne lui a pas appris le piratage, ni même l’informatique. Mais c’était une passion pour lui et il a appris tout ce qu’il pouvait.
« J’ai trouvé quelque chose qui m’intéressait… C’est le meilleur enseignement que j’aie jamais reçu. »
Trouvez un centre d’intérêt. Chaque jour, faites la liste des choses qui vous intéressaient lorsque vous étiez enfant. Il n’est jamais trop tard pour apprendre.
Celui qui aime ce qu’il fait apprendra toujours plus vite et mieux que celui qui n’aime pas ce qu’il fait.
Celui qui aime ce qu’il fait sera mieux armé.
Celui qui aime sera… plus heureux.
8. Faites confiance à l’invisible
« Vous sauviez des vies », lui dis-je.
« Non, je ne dirais pas cela. »
Mais j’insistais. Parce que je sens que nous avons tous un impact invisible. Nous aidons et nous faisons souffrir les gens sans le savoir.
Nous avons tous nos compétences spécifiques. Et une capacité à aider et à faire mal sans nous en rendre compte. Soyez toujours en bonne santé pour connaître la différence.
M. X. s’est marié. Il aime sa famille. Il aime son boulot. « Certains de mes anciens collègues ne sont jamais sortis de l’état d’esprit dans lequel on nous a programmés. »
Atteignez le positif lorsque vous êtes piégé dans le négatif.
Aimez quelqu’un.
9. Choisissez votre propre valeur nette
M. X. n’estime sa valeur nette ni en dollars ni en réussites ni en promotions. « Ma valeur nette est aujourd’hui en données. »
Il vient de la culture des hackers, où la croyance principale est que l’information devrait être gratuite.
Trop souvent, nous acceptons ce qui nous est donné, les « règles » selon lesquelles on nous a dit de vivre, les standards qui ont été établis pour nous…
Mais M. X. a prouvé que vous pouvez établir vos propres standards. Vous pouvez choisir la mesure de votre valeur nette.
Riche en relations humaines, riche en personnes, riche en joie, riche en connaissances…
10. Apprenez tout ce que vous pouvez
M. X. a trouvé un schéma dans sa propre vie. Il s’est rendu compte qu’il adorait le piratage. Et qu’il adorait détecter des schémas. Ces deux activités lui procurent de la joie.
Il s’est donc mis à lire des livres… et a appris tout ce qu’il pouvait sur les ordinateurs, le code, Internet, les backdoors, etc.
Il a utilisé ces compétences pour mener des guerres. Puis pour aider les forces de l’ordre à traquer des criminels. Et puis pour fonder de grandes entreprises qu’il a ensuite vendues.
J’ai rencontré dernièrement M. X. avec sa femme et ses filles. Je ne l’avais jamais vu aussi heureux.
Parfois, le meilleur schéma est le sourire de votre fille. Du moins, je le pense.