Ah ! les week-ends à la campagne… Pour les citadins tels que moi qui ont fini par se complaire dans le vacarme, la cohue et la pollution durant toute l’année, ils sont une bouffée d’air frais salutaire.
Un ami possède une maison familiale dans un petit village normand, à quelques encablures de Paris, où il m’invite régulièrement. Le week-end dernier, alors que je devais travailler sur un projet de dernière minute, il m’a proposé de le rejoindre. Le travail est plus agréable au bord de la piscine et à l’ombre des saules.
Pour le déjeuner, mon ami entreprit d’inviter le voisin, le meilleur ami de ses parents depuis près de 40 ans.
« On m’a dit que vous étiez journaliste Yann ? Où travaillez-vous ? »
– Aux Publications Agora, vous connaissez ? »
J’étais prêt à dégainer mon discours habituel, celui que j’utilise si souvent pour présenter notre travail à qui ne s’intéresse pas particulièrement aux thématiques que nous abordons – et a fortiori aux publications financières indépendantes.
« Bien sûr que je connais ! Je vous lis depuis plus de 10 ans ! »
Et alors qu’il énumérait les lettres auxquelles il était abonné, je réalisais que j’avais en face de moi l’un de mes lecteurs. Pour la première fois dans ces circonstances, c’est-à-dire de manière totalement inopinée.
« J’espère que vous n’avez que du bien à en dire ! » lui lançais-je dans un sourire.
« Essentiellement ! » répondit-il.
Je devenais fébrile.
« Les analyses et recommandations de vos services sont de grande qualité, cependant, je dois dire que votre marketing insistant m’agace parfois… »
Je comprends. Peut-être pensez-vous la même chose. Alors, profitons de la rentrée pour évoquer cette question que l’on retrouve ponctuellement dans le courrier des lecteurs – et qui nous tient particulièrement à coeur : pourquoi tout ce marketing ?
Pour s’affranchir du pouvoir des annonceurs
Pour un média, quel qu’il soit, la décision de s’appuyer sur des annonceurs crée invariablement une situation de dépendance qui pose question.
Imaginons qu’une information compromettante pour l’annonceur soit sur le point d’être révélée, faut-il la passer sous silence et ainsi tirer un trait sur son intégrité ? Ou s’ériger en porte-étendard de la liberté de la presse au risque de perdre une source de revenus indispensable ?
Si la publication de telles révélations témoigne d’un certain panache, en être à l’origine s’apparenterait presque à un acte de bravoure.
Car il ne faut surtout pas négliger l’influence des annonceurs dans un secteur de la presse écrite contraint, inexorablement, à compter ses sous.
Vous vous rappelez peut-être la polémique sur l’avenir du réacteur de Flamanville, en novembre 2011. Le quotidien La Tribune avait égratigné EDF dans un article daté du 14 novembre, affirmant qu' »une partie des équipes a toujours été hostile au réacteur EPR ». Et d’ajouter que le groupe travaillait déjà au développement d’un nouveau réacteur.
Colère noire d’Henri Proglio, alors PDG d’EDF, qui ordonna d’annuler toutes ses communications dans La Tribune jusqu’à la fin de l’année. Pour le quotidien économique, en procédure de sauvegarde, le manque à gagner serait de 60 000 euros.
Plus récemment, en novembre 2017, c’est le milliardaire Bernard Arnault qui, à la suite des révélations du quotidien Le Monde sur ses méthodes d’évasion fiscale, avait décidé de retirer toutes ses pubs LVMH des pages du journal. Fort de son statut de plus gros annonceur du quotidien, le groupe de luxe a ainsi pu faire étalage de tout son pouvoir : le manque à gagner aurait été de 600 000 euros selon le Canard Enchaîné.
Encouragée à la bienveillance par ses impératifs de rentabilité – de survie devrait-on dire – la presse financée par les annonceurs peut en devenir insipide, complaisante à l’égard des puissants, jusqu’à se muer en véritable support publicitaire. Un modèle qui trouva son apogée dans la propagation des journaux gratuits.
Pour se libérer des magnats de la presse
Voyez Direct Matin, propriété du groupe Bolloré, qui sut si bien promouvoir le service Autolib’ de son actionnaire. Rien qu’en 2015, le journaliste Vincent Bollenot avait recensé 35 articles plutôt flatteurs à son sujet. Et le 27 mars, le journal gratuit osait en faire sa Une et assurait ainsi à Autolib’ une exposition incomparable.
C’est peu dire que l’information est biaisée lorsqu’elle est placée sous le joug des intérêts d’un actionnaire.
Car la tendance à l’autopromotion s’accompagne bien souvent de la condamnation au mutisme des voix dissonantes.
Je vais prendre un exemple télévisuel mais il illustre bien la douce censure – pardonnez cet oxymore – qui sévit dans le paysage médiatique.
Lorsque Bolloré a pris les rênes du groupe Canal, souvenez-vous, un vent de panique a soufflé sur le fameux « esprit » de la chaîne cryptée. La liberté de ton qui avait fait sa renommée jusqu’alors était sérieusement menacée. En première ligne : Les Guignols de l’Info, émission historique de Canal+, dont le nouveau président fut la cible à maintes reprises avant son arrivée.
Bolloré ne goûtant que très peu à l’humour irrévérencieux de Bruno Gaccio et ses acolytes, la rumeur se propagea d’un arrêt brutal de l’émission. Devant la polémique, il choisit de conserver le programme, en prenant bien soin de changer d’équipe et de formule.
Les Guignols de l’Info perdirent alors de leur saveur jusqu’à en devenir indigestes – et furent finalement retirés de la programmation, faute d’audience. Ce n’est pas vraiment de la censure, c’est une mort programmée, laborieuse, dont la lenteur a permis d’accoucher d’une justification.
Aujourd’hui, 90% des quotidiens nationaux appartiennent à 10 magnats de la presse. Que viennent chercher ces champions de la rentabilité dans un secteur irrémédiablement en crise ? Sinon la mise en avant de leurs intérêts ?
« Le public n’est pas souverain dans le domaine des médias. Propriétaires et gestionnaires en quête de publicité décident de l’offre sur laquelle le choix du public devra se porter », écrivait Noam Chomsky.
Dans le classement annuel de Reporters sans Frontière sur la liberté de la presse, la France est classée 33e en 2018.
Pour n’avoir de comptes à rendre qu’à nos lecteurs
Nous ne sommes pas financés par des annonceurs. Vous ne verrez aucune publicité pour des entreprises, marques, services, autres que les nôtres au sein de nos publications. Nous ne dépendons pas d’un magnat de la presse qui voudrait détenir et renflouer une publication déficitaire pour satisfaire ses propres intérêts.
Ces conflits d’intérêt seraient d’autant plus problématiques que nous recommandons des valeurs boursières, des crypto-monnaies, des stratégies d’investissement qui sont forcément exposées aux sphères d’influence.
Mais nous ne dépendons que des abonnements et n’avons de comptes à rendre qu’à nos lecteurs fidèles. Notre seul impératif est donc celui de la qualité – qui va de pair avec l’indépendance. Si nos lecteurs ne sont pas satisfaits, ils partiront.
Je suis allé voir Ionès, notre responsable du service clients, et lui ai demandé de vérifier depuis combien de temps le voisin de mon ami était effectivement abonné.
« 11 ans, me répondit-il, et à de nombreuses publications ! »
Il semble que malgré ses réserves concernant notre marketing insistant, le contenu éditorial ne l’ait pas déçu.
Notre dernier sondage en date, pour notre service Les Microcaps d’Altucher, révèle un taux de satisfaction de 90%…
Parce que la presse est en pleine mutation
La presse écrite est en crise, et depuis longtemps. C’est un fait. Elle ne tient plus que par ses revenus publicitaires en déclin et tente de renaître sur le média Internet, qui fut précisément à l’origine de sa chute.
L’information est gratuite. On la trouve partout : à la télé, sur Internet, sur nos smartphones, en temps réel. Les gens ne paient pas pour ce qu’ils trouvent gratuitement par ailleurs.
Cependant, il est intéressant de noter que la presse spécialisée souffre bien moins que la presse généraliste car la première sait davantage satisfaire aux exigences de ses lecteurs.
Le grand public aussi commence à comprendre que la qualité se paie, tout comme l’indépendance. On s’assure une liberté de ton qu’on ne trouve pas dans les médias dépendants, on découvre l’actualité sous un autre angle que celui qui nous est servi sur les chaînes d’information continue.
Aux Publications Agora, on a coutume de dire que l’information est gratuite, et que les recommandations sont payantes. Et pour vous informer de l’existence de ces recommandations, nous devons communiquer par nous-même. Trop pour certains.
Mais c’est le prix de notre indépendance.
2 commentaires
Cher Yann. Merci de cette demonstration. Cependant 2 elements, le 1ier est qu’Agora et NTI et J.Altucher recommande l’I.A. avec insistance , alors pourquoi ne pas l’utiliser pour eliminer la diffusion de ces abonnements? L’IA permettant de consolider les abonnés à plusieurs lettres et à n’envoyer qu’une seule publicité à chaque adresse email.
2d sujet
Des redacteurs inspirés insistent sur le grand boum explosif des bourses. Mais d’autres tels que NTI ou MVC ecrivent : » conservez ou achetez au cours actuel » qui doit-on suivre? J’ai suivi les conseils pour l’Or et les minières juniors depuis 2015…. que faire des autres actions????
Merci de vos réponses Philippe Darroux
Très bon article, convainquant.