Les grandes entreprises technologiques dominent l’univers de l’investissement comme jamais elles ne l’ont fait auparavant.
Cinq géants qui pèsent lourd
À leurs sommets boursiers respectifs, les cinq plus grandes valeurs technologiques du monde – Apple (Nasdaq : AAPL), Microsoft (Nasdaq : MSFT), Amazon (Nasdaq : AMZN), Alphabet (Nasdaq : GOOGL) et Meta Platforms (Nasdaq : META) – représentent 23% de la capitalisation boursière du S&P 500.
En d’autres termes, ces entreprises, qui ne représentent que 1% du S&P 500, représentent un quart de sa valeur.
Cette domination des entreprises technologiques cotées en Bourse est sans précédent.
Mais l’intérêt des investisseurs pour la promesse qu’offre ce secteur n’est pas nouveau.
Lorsque l’on parle de « boom technologique » aux investisseurs américains, la plupart d’entre eux l’associent à l’ère des valeurs Internet des années 1990.
Ils sont beaucoup moins nombreux à se souvenir du boom technologique des années 1960 et du début des années 1970.
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Un boom technologique qui ne date pas d’hier
Pourtant, c’est durant cette période que la console de jeux vidéo, la souris d’ordinateur, les diodes électroluminescentes et les lasers ont été inventés. C’est également durant cette période que Ray Tomlinson a envoyé le premier courriel, en 1971 précisément.
Dans les années 1960, les « Nifty Fifty » (que l’on pourrait traduire par les « cinquante astucieux », un groupe de 50 grandes capitalisations à forte croissance, faisaient fureur. Les valeurs technologiques « one-decision » de cette époque était IBM (NYSE : IBM), Kodak (NYSE : KODK), Polaroid et, enfin et surtout, Xerox (Nasdaq : XRX).
Les valorisations de ces géants technologiques sont devenues tellement excessives que Warren Buffett a mis un terme à son premier partenariat d’investissement en mai 1969, citant le manque d’opportunités sur un marché en surchauffe.
Étudier les raisons de l’ascension et du déclin des anciens géants technologiques permet de tirer des enseignements précieux pour les investisseurs actuels.
Comme le disait Mark Twain, « l’histoire ne se répète pas, mais elle bégaie ».
Et revenir sur les traces du destin de Xerox permet aux investisseurs de comprendre bien des choses.
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Le Google d’avant
Xerox était le Google d’avant.
Forte de sa domination sur le secteur, dans les pays anglo-saxons, Xerox est même rentré dans le vocabulaire, comme Google des décennies plus tard.
Et les investisseurs de la première heure ont gagné une fortune.
100 actions Haloid Company (le nom originel de Xerox) achetées à 20 $ l’unité lors de l’introduction en Bourse le 17 avril 1936 équivalaient à 108 000 actions Xerox à l’an 2000.
Au moment où le cours du titre a atteint son plus haut niveau en janvier 1999, à 163 $ l’unité, ces actions auraient valu 17,6 M$.
Le destin de Xerox commence par un arc narratif familier : celui d’une entreprise technologique innovante qui se lance au meilleur des moments.
Elle parvient à dominer son marché.
Puis la direction commet des erreurs.
L’entreprise finit par péricliter.
Oui, Xerox existe toujours. Mais elle n’est plus que l’ombre de l’entreprise qu’elle fut jadis.
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L’ascension de Xerox
À la fin des années 1950, Xerox a demandé à IBM de l’aider à financer et à vendre les photocopieuses Xerox, juste après leur lancement.
Mais IBM a rejeté la demande de Xerox, au motif que les photocopieuses étaient trop lourdes pour que les commerciaux puissent les transporter avec eux.
La société Xerox a été forcée de commercialiser les photocopieuses seule et a lancé sa première photocopieuse de bureau en 1961 : la Xerox 914.
Astucieusement, Xerox a autorisé ses clients à louer la machine pour un forfait mensuel nominal qui incluait les 2 000 premières copies et un coût de 0,04$ par copie par la suite.
À partir de ce moment, les photocopieuses de Xerox se sont transformées en planches à billets.
Xerox s’est rapidement accaparée 90% du marché des photocopieuses.
Mais comme Microsoft dans les années 1990 avec son système d’exploitation, Xerox a eu la folie des grandeurs.
En 1969, la Federal Trade Commission (FTC) des États-Unis a poursuivi Xerox pour pratiques monopolistiques.
En 1975, Xerox a signé un décret de consentement avec la FTC, et le ministère de la Justice a accordé aux concurrents de Xerox des licences de brevet en échange d’une redevance nominale.
Dans le même temps, IBM a lancé sa propre photocopieuse de bureau en 1970. Xerox a poursuivi IBM en justice pour violation de brevet.
Xerox a obtenu gain de cause mais n’a reçu que 25 M$ de dommages et intérêts. Le monopole dont jouissait Xerox grâce à sa machine à imprimer de l’argent s’effondra.
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Les erreurs de Xerox
Xerox a également commis des erreurs qui ont scellé son destin sur le long terme.
En 1973, le centre de recherche de Xerox situé à Palo Alto a mis au point le premier ordinateur personnel.
Il s’agissait du Xerox Alto, doté d’une souris, d’une interface facile à utiliser et de capacités de travail en réseau.
Xerox ne l’a jamais commercialisé.
Pourquoi ?
D’après Mike Tubbs, un ancien employé de Xerox, les dirigeants de Xerox venaient de chez Ford.
Ils préféraient apporter de légères modifications aux produits existants plutôt que de commercialiser de nouveaux produits innovants.
Cela a ouvert une brèche pour les Apple et Sun Microsystèmes, qui ont saisi l’occasion pour développer des ordinateurs personnels en s’inspirant du Xerox Alto.
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Trois enseignements à tirer pour les géants technologiques actuels
Quels enseignements les entreprises technologiques et les investisseurs de notre époque peuvent-ils tirer du cas Xerox ?
Enseignement n°1 : l’arc narratif des entreprises technologiques est prévisible
Les protagonistes changent, mais l’intrigue reste la même.
Une jeune entreprise développe une nouvelle technologie.
Les acteurs historiques la copient. Les différents acteurs se livrent une bataille juridique.
Si le nouveau venu s’accapare une part trop importante du marché, le gouvernement sévit.
Le nouveau venu devient à son tour un acteur historique.
Il se repose sur ses lauriers et oublie de se réinventer.
La belle histoire prend fin.
Une fois que l’on comprend l’arc narratif de cette histoire, il est possible de gagner de l’argent grâce aux entreprises technologiques pendant leur ascension… et pendant leur déclin.
Enseignement n°2 : il n’existe pas d’investissement intemporel à sens unique
De nos jours, la sagesse populaire veut qu’aucune entreprise ne parviendra à rivaliser avec l’envergure et la puissance d’Apple, Google ou Amazon.
Pourtant, les investisseurs pensaient la même chose au sujet d’IBM, de Xerox, Kodak et Polaroid.
En 2007 seulement, BlackBerry (NYSE : BB) et Nokia (NYSE : NOK) régnaient quasiment sans partage sur le marché des téléphones portables.
Désormais, toutes ces entreprises, à l’exception d’IBM, sont inconséquentes.
Et les investisseurs actuels voient des entreprises comme Meta Platforms et Netflix (Nasdaq : NFLX) perdre de leur superbe.
Enseignement n°3 : le progrès technologique est désordonné et chaotique
Les entreprises technologiques doivent se réinventer en permanence.
Si elles ne le font pas, la question n’est pas de savoir si elles disparaîtront, mais quand elles disparaîtront.
Le 9 avril 2007, Apple vendait son 100 millionième iPod, un produit qui représentait alors le plus gros de ses revenus.
Aujourd’hui, l’iPod n’existe même plus.
Heureusement, Apple a été assez intelligente pour évoluer.
Seul le temps nous dira si elle parviendra à se réinventer encore…
Je ne peux pas vous dire quelles seront les grandes entreprises technologiques actuelles qui seront encore là dans 40 ans.
Mais je peux vous assurer que les grandes entreprises technologiques de 2062 n’existent pas encore.
Bonne chance dans vos investissements.
Nicholas