En 2005, l’investissement mondial faisait fureur.
Les marchés internationaux offraient la promesse d’une croissance plus rapide, d’une hausse des bénéfices et d’une baisse de la volatilité des portefeuilles grâce à la diversification. Avec de tels avantages, l’investissement mondial semblait être l’opportunité ultime et l’investissement BRIC en était le parfait exemple…
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La naissance des BRIC
En 2001, Jim O’Neill, qui occupait, à l’époque, le poste d’économiste en chef auprès de la société Goldman Sachs, a inventé le terme BRIC – un acronyme pour les économies en croissance rapide du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine.
O’Neill a prédit que, d’ici 2040, le BRIC serait plus important que les économies les plus développées du monde, prédiction qui semblait raisonnable à l’époque.
Après tout, les pays du BRIC représentaient 40% de la population mondiale et 25% de sa masse continentale.
Les économies avaient pris un bon départ. Dans la décennie qui a suivi la prédiction d’O’Neill, les pays du BRIC sont passés de 20% du PIB mondial à 30%.
Puis l’histoire du BRIC a pris une mauvaise tournure.
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La fin des BRIC ?
À la fin de l’année 2018, les économies de la Russie et du Brésil étaient, respectivement, 23,2% et 26,9% plus petites qu’en 2011. De même pour l’Inde dont les réformes n’ont pas permis d’obtenir les résultats escomptés.
Seule l’économie chinoise a continué à se développer, bien qu’à un rythme plus lent.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février a effacé la Russie des cartes des investisseurs et a sonné le glas de l’acronyme BRIC.
Entre-temps, les investisseurs du BRIC lui ont tourné le dos.
Goldman Sachs a fermé son fonds d’investissement BRIC en 2015 après avoir perdu 88% de son investissement maximal.
Même les investissements en Chine se sont avérés être des capitaux morts.
Au moment où j’écris, le FNB iShares China Large-Cap (NYSE : FXI) se négocie au même niveau qu’en novembre 2006.
Les marchés mondiaux développés n’ont guère fait beaucoup mieux.
Le FNB iShares MSCI EAFE (NYSE : EFA) – un indice des principales actions des pays développés à l’exception des États-Unis – se négocie en deçà du sommet atteint en janvier 2006.
En comparaison, le S&P 500 a plus que triplé au cours de la même période.
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Qu’est-il arrivé aux actions mondiales ?
Je vois trois raisons pour lesquelles les actions mondiales sont devenues de si mauvais investissements au cours de la dernière décennie…
N°1 : il a été bien plus difficile pour les marchés émergents de rattraper les marchés développés, contrairement aux prévisions des investisseurs
Les exceptions à cette règle sont rares.
En 2017, le FTSE Russell a permis à la Pologne de passer du statut de marché émergent à celui de marché développé, pays qui fut le premier à connaître cette transition en près d’une décennie.
Il est difficile de trouver d’autres histoires de réussite et celles qui existent sont souvent trop insignifiantes pour avoir de l’importance.
N° 2 : l’économie mondiale néglige désormais les produits de base au profit de la technologie
Dans un passé pas si lointain, les marchandises étaient à l’honneur. Mais, avec le passage à la technologie, les marchés émergents dédiés aux matières premières sont devenus beaucoup moins attrayants pour les investisseurs d’aujourd’hui.
En 2007, la compagnie pétrolière chinoise PetroChina a brièvement atteint une capitalisation boursière de 1 000 milliards de dollars.
Aujourd’hui, sa valeur marchande a chuté à 139 milliards de dollars.
Pas plus tard qu’en 2012, les analystes avaient prédit que Gazprom, le géant russe du gaz, deviendrait la prochaine entreprise du monde à mille milliards de dollars.
Aujourd’hui, le chiffre d’affaires représente environ un dixième de cette prédiction… en supposant que vous puissiez l’acheter.
Au lieu de cela, ce sont les géants américains de la technologie qui ont dépassé le plafond des 1 000 milliards de dollars fixé pour la capitalisation boursière.
N° 3 : les grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley ont changé la définition de la mondialisation dans les économies réelles et financières
Commençons par l’impact culturel des géants du Web, un phénomène qui s’étend bien au-delà du sol américain.
Facebook compte 2,9 milliards d’utilisateurs actifs par mois, dont les deux tiers se connectent quotidiennement. Google représente 92,5% du marché des moteurs de recherche. L’iPhone d’Apple compte plus d’un milliard d’utilisateurs. Vous pouvez regarder le dernier blockbuster de Netflix que vous viviez à Stockholm, Santiago ou San Francisco.
Les géants de la technologie de la Silicon Valley ont un impact énorme sur la vie quotidienne de milliards de personnes à travers le monde et cet impact a également influencé l’économie réelle.
Prenez Budapest, en Hongrie, par exemple.
Avec la destruction du rideau de fer il y a un peu plus de 30 ans, la capitale hongroise dispose désormais de bureaux dont le style s’inspire de ceux de Google dans la Silicon Valley. De nombreuses productions de Netflix (Nasdaq : NFLX) sont filmées dans ces locaux. Airbnb (Nasdaq : ABNB) est à l’origine d’une industrie artisanale d’investisseurs immobiliers locaux.
Même Wall Street est de la partie, avec Morgan Stanley (NYSE : MS) qui compte plus de 2 000 employés dans son bureau de Budapest.
Les diplômés universitaires de ce pays anciennement communiste peuvent travailler pour les entreprises les plus prestigieuses du monde – et empocher des salaires élevés – sans se rendre dans les métropoles américaines comme la Silicon Valley, Hollywood ou New York.
Des dizaines de marchés émergents suivent le même parcours, ce qui tend à démontrer que les entreprises technologiques américaines ont remodelé le monde et ont, par la même occasion, réécrit les règles de l’investissement mondial.
Aujourd’hui, les cinq géants américains du Web ont une capitalisation boursière combinée de 7,6 mille milliards de dollars.
Cela représente bien plus que la capitalisation boursière de 6,47 mille milliards de dollars de l’ensemble de l’indice MSCI des marchés émergents ! (Chine incluse.)
Cela signifie également que si vous êtes Brésilien, Russe ou Indonésien, votre fonds de pension a probablement une participation beaucoup plus importante dans Microsoft (Nasdaq : MSFT) ou Meta Platforms (Nasdaq : META) que dans votre compagnie pétrolière ou de télécommunications locale.
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L’avenir de l’investissement mondial
Qu’adviendra-t-il de l’investissement mondial au cours de la décennie à venir ?
D’une part, mon esprit de contradiction me dit maintenant que c’est le moment idéal pour acheter des actions mondiales après une si longue période de sous-performance. À l’inverse, les valeurs technologiques américaines devraient être à la traîne après une telle course effrénée.
D’autre part, le monde a considérablement changé au cours des 15 dernières années. Ce changement a bouleversé les règles de vie et d’investissement des personnes qui ne résident pas aux États-Unis, changement qui, à son tour, peut reléguer les actions mondiales aux rangs inférieurs de l’investissement une bonne fois pour toutes.
Sir John Templeton, pionnier de l’investissement mondial, nous a souvent mis en garde :
« Les quatre mots les plus dangereux dans l’investissement sont ‘cette fois c’est différent.' »
Pourtant, je commence à penser que cette fois, cela pourrait l’être.
Bon investissement,
Nicholas