Dernièrement, au cours d’une soirée, un ami m’a dit qu’il avait une idée d’investissement à me soumettre.
« Je dispose d’une grosse somme d’argent dont j’aurai besoin dans six mois pour signer un achat immobilier, m’a-t-il expliqué. La banque ne me rapporte rien. Les obligations ne rapportent presque rien. Alors je vais investir cet argent sur AT&T (NYSE : T) pendant six mois. Même si l’action ne s’apprécie pas, j’aurai quand même un dividende de 8,3%. Qu’en penses-tu ? »
Je lui ai répondu que, selon moi, c’était une mauvaise idée. Il a eu l’air stupéfait.
« Pourquoi ? a-t-il demandé. Tu crois que le dividende n’est pas sécurisé ? »
Que le dividende soit sécurisé ou non (la plupart des dividendes de 8% ne le sont pas) est une question secondaire (bien que, soyons réalistes, très peu d’actions opèrent un rally à l’annonce d’une réduction de dividende).
La question la plus importante, c’est qu’il aura besoin de cet argent dans six mois et que l’action pourrait s’être énormément dépréciée, à ce moment-là.
« Ce bon vieil AT&T ? a-t-il dit. Tu penses que c’est trop risqué ? Bon dieu, même si le titre baisse de 4%, je m’en sortirai tout de même mieux qu’en plaçant cet argent à la banque ! »
Je lui ai demandé si le fait que l’action baisse de 4% était le pire scénario qu’il pouvait imaginer.
« Une valeur sûre comme AT&T ne devrait pas chuter plus que ça », a-t-il insisté.
Son imagination le limitait, et ses connaissances historiques aussi.
Au 12 novembre, l’action avait baissé de 26% par rapport au plus haut qu’elle a enregistré il y a six mois. (Imaginez débarquer le jour de la signature de l’achat immobilier avec les trois quarts, seulement, de la somme qu’il vous faut.) Le 12 novembre, le cours de l’action affichait 20 points de moins qu’il y a vingt ans.
Cette nouvelle l’a stupéfié, apparemment. Et il m’a dit que je venais de lui faire économiser un paquet. Peut-être. Et je lui ai peut-être coûté un paquet, aussi.
Après tout, AT&T pourrait s’envoler considérablement à partir de maintenant et sur les six mois à venir. Ou pas.
Mais c’est tout l’intérêt. Personne ne le sait.
Pourquoi prendre le risque de ne pas pouvoir s’acheter une maison sous prétexte que le marché actions – ou une valeur spécifique du marché – est en baisse ? Jouer aux dés avec de l’argent dont vous savez que vous aurez besoin dans quelques mois n’est pas une décision avisée.
Après tout, les choses ne se passent pas toujours comme on le pensait.
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Les marchés haussiers et baissiers sont inévitables
Et pourtant, au cours de mes 37 ans de carrière en Bourse – d’abord comme gestionnaire d’actifs puis comme analyste – j’ai appris que les gens ont tendance à imaginer une éventualité spécifique, puis à investir comme si c’était une quasi-certitude.
Cela s’applique aux gens qui sont excessivement baissiers comme à ceux qui sont excessivement haussiers.
Les baissiers bottent en touche, en imaginant que les actions vont baisser énormément, et se voient en train d’acheter tout ce qui passe à prix cassé.
Mais on ne peut pas prédire les marchés baissiers et haussiers.
Au contraire, mon confrère Mark Skousen vient juste de me parler d’un ami qui est sorti du marché pendant la crise financière, il y a 13 ans, et qui patiente toujours sur le banc de touche.
Il attend que le Dow Jones Industrial Average repasse au-dessous des 7 000 points, apparemment.
Et quant aux investisseurs qui bénéficient d’un marché haussier qui se déchaîne, ils se mettent à imaginer que les actions grimperont éternellement.
Mais nous avons bien vu, l’an dernier au premier trimestre, que les marchés baissiers arrivaient sans crier gare. Et, en général, ils durent beaucoup plus longtemps que celui-ci, également.
Ce n’est pas un problème, pour les investisseurs qui ont compris que les marchés baissiers et haussiers sont simplement une réalité.
Non seulement ils sont inévitables, mais ils sont également une formidable source d’opportunités.
Mais des millions de nouveaux investisseurs n’ont aucune expérience des marchés baissiers. Beaucoup d’entre eux vont découvrir que la réalité est différente de ce qu’ils espéraient.
C’est un choc, de voir de l’argent réel s’évaporer tout d’un coup – même si c’est temporaire.
Acheter sur les replis, cela se complique un peu quand le « repli » se transforme en chute libre.
Il y a la peur, l’angoisse, la honte, les regrets. Et, en plus, des bonnes affaires à profusion qui n’intéressent presque personne.
Il y a une grande différence entre imaginer un marché baissier et le traverser.
Les investisseurs expérimentés savent de quoi je parle.
Et les investisseurs plus novices ? Ils ne peuvent pas l’imaginer.